Commission des affaires sociales

Réunion du 20 février 2013 à 9h00

Résumé de la réunion

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La réunion

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COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES

Mercredi 20 février 2013

La séance est ouverte à neuf heures cinq.

(Présidence de Mme Catherine Lemorton, présidente de la Commission)

La Commission entend M. Alfred Spira, président du groupe de travail réuni par l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM) et de l'Agence de biomédecine sur le rapport « Les troubles de la fertilité. État des connaissances et pistes pour la recherche ».

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Nous recevons aujourd'hui M. Alfred Spira, président du groupe de travail réuni par l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM) et l'Agence de la biomédecine sur le sujet des troubles de la fertilité, auteur d'un rapport intitulé « Les troubles de la fertilité. État des connaissances et pistes pour la recherche ».

La mise en place de ce groupe de travail résulte de l'article 51 de la loi du 7 juillet 2011 relative à la bioéthique, qui demandait à l'INSERM d'établir un rapport consacré à la recherche sur les causes de la stérilité. Ce groupe de travail a dressé un état des lieux des connaissances disponibles sur l'ensemble des troubles de la fertilité humaine, c'est-à-dire des difficultés à concevoir et pas seulement des stérilités, et des moyens mis en oeuvre pour les prévenir et les traiter.

La diminution de la fertilité de l'espèce humaine, notamment dans les pays occidentaux, est un sujet de préoccupation. Une baisse de la qualité des spermogrammes est notamment constatée depuis quelques décennies. L'exposition aux perturbateurs endocriniens, mais aussi les rythmes de vie, le stress… sont cités au nombre des causes possibles de cette évolution.

Monsieur Spira, je vous laisse la parole pour que vous nous éclairiez sur tous ces sujets.

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Alfred Spira, président du groupe de travail sur les troubles de la fertilité

Je tiens tout d'abord à vous remercier de votre invitation. En effet, si l'INSERM produit beaucoup de rapports, il est rare que nous ayons l'opportunité de les exposer devant la représentation nationale. C'est donc un honneur pour nous que de pouvoir aujourd'hui vous présenter nos travaux.

Je suis accompagné de Dominique Royère, professeur, biologiste à l'Agence de la biomédecine, et de Pierre Jouannet, éminent spécialiste en matière de reproduction humaine, ancien président de la Fédération nationale des Centres d'études et de conservation des oeufs et du sperme (CECOS).

Le rapport que nous avons remis – avec quelques semaines de retard – a été élaboré à la demande du Parlement par un groupe de travail réunissant des représentants de l'INSERM et de l'Agence de biomédecine. Préoccupé par la fréquence accrue des troubles de la fertilité –auxquels, disons-le aussi, on est de plus en plus attentif – et l'augmentation, mesurable et mesurée, du recours aux méthodes d'assistance médicale à la procréation, le Parlement a souhaité qu'on approfondisse les recherches sur le sujet.

Un mot de terminologie tout d'abord. On parle dans notre pays indifféremment, ou plus exactement selon les moments, d'assistance médicale à la procréation (AMP) ou de procréation médicalement assistée (PMA). Dans ce rapport, nous parlons d'AMP, puisqu'il s'agit de l'aide que peut apporter la médecine à la procréation.

Notre objectif était de montrer en quoi la recherche peut permettre, d'une part de prévenir l'infertilité, d'autre part d'améliorer sa prise en charge, et ainsi de freiner le recours aux méthodes d'AMP.

La définition la plus fréquente de l'infertilité est le fait de n'avoir pas obtenu de grossesse après douze mois de tentatives. Avec cette définition, on compterait de 15 % à 20 % de couples infertiles dans notre pays. Cela ne signifie pas qu'ils sont stériles : seul un quart de ces 15 à 20 % n'arrivera pas au bout du compte à procréer.

Il existe une très forte disparité géographique de l'infertilité entre les pays et, au sein d'un même pays, entre les différentes régions, sans que l'on puisse d'ailleurs vraiment l'expliquer.

Notre première proposition est de doter notre pays d'outils de surveillance prospective qui, pour l'instant, font défaut. Il existe de très nombreuses données, qu'exploite l'Institut national de veille sanitaire (InVS), mais il serait très utile, à la fois sur le plan scientifique et sur le plan médical, de pouvoir surveiller efficacement les évolutions.

Les traitements privilégiés des troubles de la fertilité sont l'administration d'inducteurs de l'ovulation et les techniques d'AMP. Pour diminuer le recours à ces techniques, il est donc important de mieux connaître les causes des troubles de la fertilité, afin de pouvoir mieux les traiter.

Aujourd'hui, un enfant sur 40 naît après AMP. En 2010, l'Agence de biomédecine a dénombré 22 401 naissances après AMP, toutes méthodes confondues, soit 2,7 % du total des naissances. C'est considérable, mais il faut se féliciter que les couples puissent ainsi être aidés à procréer. En France, cette assistance est prise en charge par l'assurance maladie sous conditions d'âge et de causes médicales de l'infertilité.

Les trois techniques les plus utilisées sont l'insémination intra-utérine intra-conjugale, la fécondation in vitro (FIV) intra-conjugale – classique, dite hors ICSI (intra-cytoplasmic sperm injection), ou avec ICSI, c'est-à-dire introduction directe d'un spermatozoïde à l'intérieur d'un ovocyte – et le transfert d'embryons congelés. Il faut compter aussi avec le don de spermatozoïdes, qui représente 5 % des recours à l'AMP, et le don d'ovocytes, qui, de développement plus récent, n'en représente que 1 %. Les techniques sont très évolutives, et nul doute que de nouvelles vont continuer d'apparaître.

Le panorama du recours à ces techniques dressé par l'Agence de la biomédecine montre que l'organisation régionale est très hétérogène. Bien que, faute d'outil de surveillance systématique, il soit difficile de décrire la situation de manière détaillée, cette hétérogénéité est avérée. Certaines activités spécifiques, comme le transfert d'embryons congelés ou la préservation de spermatozoïdes et de tissu ovarien pour des personnes appelées à subir des traitements susceptibles d'altérer la fertilité, qui n'existaient pas encore lors de la création des CECOS, mériteraient d'être mieux structurées. La difficulté d'accès à ces techniques dans notre pays est l'une des causes, même si ce n'est pas la première, qui poussent certains couples et certaines femmes à s'adresser à l'étranger, en Belgique ou en Espagne par exemple.

Pour limiter le recours à l'AMP, il faudrait tout d'abord mieux connaître les facteurs de la fertilité. La première cause de sa diminution est l'âge. La fertilité féminine est à peu près stable jusqu'à l'âge de 32 ans mais diminue ensuite régulièrement jusqu'à la ménopause. En trente ans, l'âge à la première grossesse a reculé de 27 à 30 ans en France. Or, ce retard s'accompagne d'une diminution des capacités fonctionnelles reproductrices du couple, de la femme en particulier. Cet âge plus tardif de la première grossesse résulte de phénomènes sociologiques – durée plus longue des études, entrée plus tardive dans la vie active, responsabilités professionnelles des femmes, difficultés d'organisation matérielle… – qui ont aussi leur part dans l'augmentation du recours aux techniques d'AMP. Les solutions à un tel problème sont bien entendu politiques : il ne nous appartient pas, à nous chercheurs, d'en proposer. Le dialogue que nous ouvrons avec vous peut néanmoins aider à les formuler.

Parmi les autres facteurs de diminution de la fertilité, citons les facteurs génétiques et épigénétiques, divers troubles cliniques, masculins ou féminins – insuffisance ovarienne, ovaire polykystique, endométriose, baisse de la production spermatique… –, les infections, mais aussi l'obésité, l'absence d'activité physique, les comportements, au premier rang desquels la consommation de tabac, et les facteurs environnementaux comme l'exposition à des polluants, des pesticides ou au bisphénol A. Ces différents facteurs interagissent et il est fort rare que l'infertilité n'ait qu'une cause unique. D'où la difficulté d'agir car il faut intervenir à des niveaux très différents.

Que préconisons-nous ? Tout d'abord, de renforcer les recherches cognitives sur les facteurs de la fertilité afin d'améliorer la prévention et la prise en charge de ses troubles. Il faut produire des connaissances nouvelles en reproduction humaine : identification des gènes et des facteurs épigénétiques responsables d'infertilité et de leurs mécanismes d'action, analyse des mécanismes de régulation de la production et de la maturation des spermatozoïdes et des ovocytes, production et maturation de cellules germinales et de gamètes fonctionnels à partir de cellules souches – voie d'avenir très prometteuse –, étude de l'interaction des facteurs environnementaux et comportementaux sur la baisse de la fertilité.

Il faut ensuite améliorer les techniques d'AMP. Le taux de succès des fécondations in-vitro n'est aujourd'hui que de 20 à 30 %. Il serait possible de l'augmenter en comprenant mieux les facteurs de l'implantation embryonnaire ou en sachant sélectionner les gamètes de façon à obtenir des embryons de meilleure qualité et repérer ceux les plus aptes à se développer.

Il faudrait également évaluer les conséquences des interventions médicales sur la procréation, en étudiant notamment les conséquences des techniques d'AMP sur la santé des enfants qui en sont nés, donc suivre le devenir de ces enfants.

Enfin, dans le souci même d'un égal accès de tous aux techniques d'AMP, il faut étudier l'évolution des comportements, des pratiques et des normes sociales à l'égard de ces techniques qui demeurent « high tech ». En effet, les fortes disparités régionales se doublent de fortes disparités socio-culturelles.

Quant à la question du recours à l'AMP pour des raisons autres que médicales, elle ne pourra être éludée. Aujourd'hui, en France, l'AMP n'est autorisée que pour traiter une cause médicale d'infertilité. Mais vous le savez et avez eu l'occasion d'en débattre longuement il y a peu, d'autres demandes se font jour. Des femmes seules, des couples de même sexe veulent aujourd'hui bénéficier de l'AMP. D'autres questions se posent également comme l'autoconservation des gamètes à des fins autres que médicales, la procréation post mortem, la sélection possible du sexe de l'enfant à naître. La recherche doit aider à traiter ces questions.

La recherche en reproduction et troubles de la fertilité humaine est assez bien développée en France. Tous les champs sont couverts et notre pays se situe au cinquième rang mondial pour le nombre de publications. Nous sommes particulièrement bien placés grâce à d'excellentes équipes dans le domaine de l'épigénétique.

Des obstacles n'en demeurent pas moins. Tout d'abord, le régime actuel d'interdiction des recherches sur l'embryon assortie de dérogations nourrit la suspicion sur ces recherches, en tout cas décourage les équipes au vu des difficultés administratives et réglementaires à surmonter. Trop peu de chercheurs français travaillent sur le sujet. Ce serait pourtant indispensable pour mieux connaître les mécanismes du développement embryonnaire et in fine améliorer les techniques d'AMP.

Ensuite, les recherches en sciences humaines et sociales et en santé publique sont, d'une manière générale, insuffisantes dans notre pays.

Enfin, la recherche est trop segmentée et la coordination entre les équipes insuffisante. Il faudrait lancer des programmes coordonnés avec une visibilité suffisante. À l'heure actuelle, les équipes n'ont aucune visibilité budgétaire, même à court terme. Ainsi ne sait-on toujours pas si le programme national de recherche sur les perturbateurs endocriniens sera financé en 2013 et au-delà.

En conclusion, il faut coordonner, structurer et soutenir l'effort de recherche dans l'objectif concret de produire des connaissances nouvelles, utiles à la prévention de l'infertilité et pouvant donc réduire le recours à l'AMP.

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Comment accroître les dons de spermatozoïdes et d'ovocytes dans notre pays ? Quel type de campagnes faudrait-il mener ?

Le don de gamètes devrait-il, selon vous, demeurer de la seule compétence des établissements publics ? Serait-ce une bonne chose que de l'étendre plus largement qu'aujourd'hui aux établissements privés ?

Connaît-on le nombre d'embryons actuellement conservés dans les CECOS qui ne font plus l'objet d'un projet parental ?

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Le nombre d'études américaines consacrées à la reproduction humaine est considérable. Les États-Unis produisent un tiers des publications mondiales sur le sujet. Comment cela s'explique-t-il ? Ces études répondent-elles à un souci économique ou seulement médical ? Quel est leur objectif précis, pas nécessairement avouable ? Y a-t-il des intérêts privés derrière ?

Les troubles de la fertilité sont-ils constatés dans le monde entier ou sont-ils plus particuliers aux pays développés ?

Est-il établi scientifiquement que la pratique du cyclisme amoindrirait la fertilité, comme on le dit souvent ?

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Vous avez distingué l'AMP et la PMA, l'assistance médicale à la procréation et la procréation médicalement assistée, dont on a beaucoup parlé récemment à propos du projet de loi que chacun sait et sur lequel je ne reviens pas. Il est clair pour moi que l'AMP vise à traiter l'infertilité, et non à répondre à un désir social – sur lequel je ne porte aucun jugement.

Vous avez évoqué une « organisation régionale hétérogène ». S'agit-il de techniques ou de choix différents selon les régions ? Les procédures sont-elles strictement codifiées ou y a-t-il place pour une appréciation subjective ? À quoi tient, selon vous, cette hétérogénéité ? On sait par ailleurs que le cadre réglementaire et l'organisation de l'AMP diffèrent fortement selon les pays, y compris au sein de l'Union européenne, si bien que des femmes qui ont du mal à y accéder dans notre pays sont parfois prêtes à tout à l'étranger, y compris à des méthodes fantaisistes, qui n'en sont pas moins coûteuses. Le corps scientifique européen s'accorde-t-il sur des protocoles précis ?

De quels crédits dispose la recherche sur le sujet de la fertilité ? Comment se répartissent-ils entre crédits publics et crédits privés ?

Le don de sperme est aujourd'hui anonyme dans notre pays. Restez-vous attaché, comme je l'espère, à l'anonymat des donneurs ? Y a-t-il des divergences sur ce point au sein de la communauté scientifique ?

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Les causes de l'infertilité sont multiples. Sait-on quelle part pourrait être imputable à l'utilisation de certains médicaments chez la femme enceinte ou le jeune enfant et l'adolescent ? Chacun se souvient du Distilbène…

Serait-il important pour vous que le régime actuel des recherches sur les cellules souches embryonnaires soit modifié ? Un régime d'autorisation encadrée par l'Agence de la biomédecine ne serait-il pas préférable ?

Les progrès sont continus dans le domaine de la PMA. Grâce aux techniques de vitrification, il est désormais possible de congeler les ovocytes. On voit donc poindre aujourd'hui des demandes de la part de femmes qui souhaiteraient que leurs ovocytes soient prélevés au moment où leur fertilité est optimale, puis conservés, de façon qu'elles aient un « stock » à disposition plus tard dans leur vie et ne risquent pas de se trouver infertiles du seul fait de l'âge – la courbe de la fertilité féminine diminue très tôt, à partir de 32 ans.

Enfin, sait-on combien d'embryons congelés sont aujourd'hui conservés dans les CECOS ?

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Dispose-t-on d'études internationales comparées sur les causes de l'infertilité qui feraient apparaître, comme pour les maladies cardio-vasculaires par exemple, des différences liées au mode d'alimentation ?

Peut-on évaluer dans la plus forte prévalence des troubles de la fertilité la part respective des évolutions sociologiques, comme l'âge plus élevé de la première grossesse, et des facteurs environnementaux ?

Les techniques d'AMP sont très diverses. Toutes ne présentent pas la même difficulté technique. Toutes n'ont pas le même coût ni les mêmes implications éthiques. Qu'en est-il pour chacune des grandes familles de ces techniques ?

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Il faudrait conduire des études, avez-vous dit, sur la santé des enfants nés après AMP. Pourriez-vous développer ce point ?

Les causes de l'infertilité ne sont pas toutes strictement médicales. Quelle est la part respective des couples infertiles pour des raisons médicales avérées et des couples infertiles sans raison organique apparente ? Vos indications nourriraient utilement notre réflexion ultérieure sur l'ouverture de l'AMP à toutes les femmes.

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Nos concitoyens s'inquiètent de l'augmentation des troubles de la fertilité. Cette inquiétude a des incidences sur les comportements individuels, mais explique aussi les réticences à occuper certains postes dans le monde professionnel, industriel ou agricole. Certains s'interrogent aussi sur l'influence du climat, de la perte de biodiversité, des conditions de vie… Ma question sera abrupte : la fertilité humaine est-elle aujourd'hui en danger ? Le chiffre de 15 à 20 % de couples infertiles pourrait-il augmenter ? La diminution de la fertilité est-elle observée dans tous les pays ou se limite-t-elle aux pays occidentaux ?

Il serait nécessaire, avez-vous dit, de mettre en place des outils de surveillance prospective. Quels seraient-ils ? Quelles structures les porteraient ? Comment seraient-ils mis en place ?

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Les crédits de recherche sur les troubles de la fertilité sont dérisoires. Un million d'euros par an, c'est même ridicule par rapport à ce que coûtent tous les échecs de tentatives de PMA !

Votre groupe de travail participe-t-il au pilotage du plan national de recherche sur les perturbateurs endocriniens ?

On observe parallèlement une baisse tendancielle de la qualité du sperme, et donc de la fertilité masculine, et une augmentation du nombre de cancers du testicule. Si la mortalité du fait de ce cancer diminue, sa prévalence augmente de 2,5 % par an. Cela devrait alerter et conduire à engager des recherches sur le sujet.

Les malformations congénitales de l'appareil reproducteur chez les petits garçons – cryptorchidie, hypospadias… – sont de plus en plus fréquentes, de même que les pubertés précoces chez les filles, mais aussi chez les garçons. N'est-ce pas un signal d'alarme supplémentaire ? A-t-on établi un lien avec des troubles ultérieurs de la fertilité ?

S'agissant du bisphénol A, s'il n'est bien sûr pas possible d'expérimenter sur l'être humain, une expérimentation conduite chez des primates femelles a clairement montré qu'une exposition, même à de faibles doses, comme celles rencontrées dans la vie quotidienne, entraînait des troubles de l'ovulation chez ces mammifères, dont l'appareil reproducteur est très voisin de celui de l'espèce humaine.

En ce qui concerne les recherches sur les cellules souches embryonnaires et sur l'embryon, l'Agence de la biomédecine explique que le régime actuel d'interdiction assortie de dérogations n'entrave pas les chercheurs qui obtiennent les dérogations dont ils ont besoin. Or, vous dites, vous, monsieur Spira, qu'il constitue un frein et dissuade les équipes. Quelle est la position de votre groupe de travail sur ce sujet ?

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Le don d'ovocytes est très insuffisant dans notre pays où on manque cruellement de donneuses. Le prélèvement occasionne des frais non négligeables pour celles-ci, obligées de s'absenter de leur travail et de se rendre dans un centre de prélèvement, parfois fort éloigné de chez elles car ils sont peu nombreux dans notre pays. Dans le même temps, on peut en Espagne acheter des ovocytes pour 5 000 à 8 000 euros. Qu'en pensez-vous ? Comment pourrait-on améliorer la situation en France, sans toucher au principe de gratuité ?

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C'est une excellente initiative, madame la présidente, que d'avoir organisé cette réunion pour que nous soit présenté un rapport demandé par le Parlement. Hélas, nous n'avons pas tous reçu ce document…

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Dans la convocation à la réunion de ce matin, figure le lien par lequel il est possible de le télécharger sur le site de l'INSERM. Nous avons tous été invités à faire des économies de papier et comme ce rapport fait plus d'une centaine de pages, il a été jugé plus adapté que vous vous le procuriez sous forme numérique.

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Je formulais un regret, pas un reproche, madame la présidente.

Vous regrettez, monsieur Spira, un manque de coordination entre les équipes de recherche – lequel n'est d'ailleurs pas propre aux recherches sur le thème de la reproduction ! Comment y remédier ?

En quoi les contraintes réglementaires aujourd'hui imposées aux recherches sur l'embryon obèrent-elles la qualité des travaux français sur le sujet ?

Existe-t-il une coopération européenne et internationale sur le sujet ? Les recherches sur l'embryon étant interdites en France, les équipes peuvent-elles bénéficier des résultats des travaux conduits dans d'autres pays ?

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Dispose-t-on d'études sur la fertilité ultérieure des enfants nés par AMP, notamment des garçons nés après ICSI, technique généralement utilisée en cas d'anomalies de la mobilité des spermatozoïdes ? Ces anomalies se retrouvent-elles à la génération suivante ?

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Vous avez longuement évoqué l'incidence de l'âge sur la fertilité féminine mais n'en avez rien dit sur la fertilité masculine. La qualité du sperme est-elle la même à 75 ans qu'à 20 ans ?

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L'ingestion de mycotoxines pourrait être une source d'infertilité. Or, on retrouve ces substances notamment à la surface des légumes. Existe-t-il une incidence de l'alimentation « bio » sur la fertilité ?

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Le don de gamètes est anonyme et gratuit dans notre pays. Mais on déplore une pénurie, d'ovocytes notamment. Cela pourrait-il être lié à l'anonymat du don ?

Que la santé publique soit négligée dans notre pays peut-il expliquer le moindre intérêt que l'on y observe pour les recherches sur l'infertilité et ses causes ?

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Les autres facteurs d'infertilité que vous avez cités, comme l'obésité, affectent-t-ils de la même façon la fertilité des hommes et des femmes ?

Il faudrait évaluer les conséquences sur la santé des enfants du recours aux techniques d'AMP, avez-vous dit. C'est en effet très important vu les débats que nous avons eus et continuerons d'avoir sur un éventuel élargissement de l'AMP.

Vous avez évoqué les obstacles administratifs et réglementaires actuels aux recherches sur l'embryon. Quelles sont vos propositions pour lever ce frein ?

Des recherches sont-elles menées en collaboration au niveau européen ?

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Des infections sexuellement transmissibles peuvent-elles ultérieurement altérer la qualité du sperme ?

Dispose-t-on d'études ciblées sur le monde agricole qui permettraient d'évaluer l'incidence des pesticides sur la fertilité ?

Les malformations congénitales de l'appareil reproducteur masculin – cryptorchidie et hypospadias – sont de plus en plus fréquentes. Le dépistage, plus efficace que par le passé, permet-il d'avoir une idée précise de leur nombre ?

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La fréquence accrue des troubles de la fertilité inquiète nos concitoyens et interroge notre société. On souhaite à la fois prévenir la survenue de ces troubles et les traiter quand ils sont déjà présents. Il faut donc arbitrer entre le court terme – les traitements – et le long terme –la prévention.

Notre pays est-il restrictif en matière d'accès à l'AMP par rapport à nos voisins ?

Quel est le coût moyen des actes d'AMP selon les différentes techniques ? Combien coûte chaque tentative ? À combien cela revient-il au total par enfant ?

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Je souhaiterais des précisions sur les disparités géographiques dont vous avez fait état, entre pays mais aussi entre secteurs géographiques au sein d'un même pays. Observe-t-on davantage d'infertilité dans les zones agricoles ? Un lien a-t-il pu être établi avec certaines pratiques agricoles ?

Parmi les traitements de l'infertilité, vous avez cité les inducteurs de l'ovulation et les techniques d'AMP. Des recherches sont-elles menées sur les moyens d'améliorer la qualité du sperme – nombre et mobilité des spermatozoïdes ? En un mot, y a-t-il autant de recherches sur l'infertilité masculine que sur l'infertilité féminine ?

Informe-t-on assez la population sur la diminution rapide et précoce de la fertilité avec l'âge ? Ne faudrait-il pas sensibiliser davantage à ce problème ?

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Vous déplorez la faiblesse des crédits consacrés aux recherches sur l'infertilité. Quelle est la part respective des crédits publics et des crédits privés ? Vous regrettez également un manque de visibilité budgétaire. Des plans pluriannuels de financement apporteraient-ils une solution ?

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Je n'insiste pas sur la nécessité de mener des recherches dans ce domaine très important de la santé humaine.

Une enquête récente menée par l'Institut national du cancer (INCa) révèle que si 68 % des hommes ayant dû subir un traitement anti-cancéreux déclarent avoir été préalablement informés de ses risques potentiels sur leur fertilité, seules 2 % des femmes déclarent avoir reçu de telles informations.

En 2010, 2 000 cancers ont été diagnostiqués chez des jeunes de 18 à 24 ans. Quelles sont les possibilités de prélèvement et de conservation des gamètes pour préserver la fertilité future de ces patients jeunes ? Que faudrait-il faire pour améliorer l'information, des femmes notamment ?

Les délais pour obtenir un don d'ovocytes sont très longs dans notre pays, où l'on ne compte pas plus de quelques centaines de dons par an. On entend dire que pour accélérer le processus, les couples se présentent souvent avec une donneuse de leur entourage qui, en sus des ovocytes qui leur sont destinés, en donnera d'autres qui alimenteront la banque. Qu'en est-il exactement ?

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Il en va de même pour les banques de sperme. Les meilleurs « recruteurs » sont les couples demandeurs.

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De jour en jour fleurissent sur internet des sites proposant des recettes miracle pour améliorer sa fertilité. Que pensez-vous de tout cela ? Certains de nos concitoyens ne risquent-ils pas d'être abusés ? Le conseil des médecins et l'accompagnement des professionnels restent indispensables.

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Les embryons congelés ne faisant plus l'objet d'un projet parental peuvent-ils être donnés à un autre couple ?

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Alfred Spira, président du groupe de travail sur les troubles de la fertilité

Le nombre et la diversité de vos questions montrent l'intérêt que la représentation nationale porte aux questions de reproduction, qui reflète sans doute celui, croissant, de nos concitoyens pour le sujet. Je ne peux que m'en réjouir.

Vu le nombre de questions posées, il ne nous sera pas possible de répondre à chacune d'entre elles dans le temps qui nous est imparti. Dominique Royère, Pierre Jouannet et moi-même répondrons de manière synthétique, sachant que nous sommes à votre disposition pour vous apporter par mail ou tout autre moyen les réponses que vous souhaitez.

La recherche en reproduction humaine n'a pas fait l'objet en France d'une attention aussi soutenue que d'autres domaines. On s'est davantage intéressé aux principales causes de mortalité que constituent le cancer et les maladies cardio-vasculaires. Aucune des commissions spécialisées de l'INSERM ne comporte comme intitulé principal « reproduction humaine ».

La visibilité budgétaire est très faible. Cette recherche, comme dans beaucoup d'autres domaines d'ailleurs, est presque exclusivement financée par appels à projets ponctuels. Ainsi ne sait-on pas, même d'une année sur l'autre, si le programme national de recherche sur les perturbateurs endocriniens continuera d'être financé ni quand le prochain appel à projets sera lancé. Cette incertitude a des conséquences graves sur la vie des laboratoires, dont les responsables scrutent quotidiennement la publication éventuelle de nouveaux appels à projets. Si certains relèvent de leur domaine, il leur faut alors répondre dans des délais extrêmement brefs. On estime qu'ils passent de 40 % à 50 % de leur temps à répondre à ces appels ou à travailler dessus. Il serait plus rationnel que l'Agence nationale de la recherche lance des appels à projets plus généralistes ou que l'on puisse s'appuyer sur des programmes triennaux par exemple.

La recherche en matière de reproduction humaine est très encadrée sur le plan réglementaire. Ma position de chercheur peut être antagoniste de ma position de citoyen sur le sujet. Ainsi suis-je heureux en tant que citoyen que les recherches sur la personne humaine soient encadrées de manière stricte – il le faut pour que soit préservée la liberté individuelle et respecté le fonctionnement démocratique. Mais le chercheur que je suis regrette que des contraintes trop rigides empêchent certaines recherches et deviennent contre-productives sur le plan collectif. L'équilibre est délicat à trouver.

Plusieurs d'entre vous ont demandé s'il existait une coopération européenne et internationale. La recherche est par essence internationale. Nous avons de très nombreux contacts avec nos collègues d'Europe, d'Amérique du Nord et d'ailleurs. Les chercheurs français collaborent à de multiples programmes internationaux, notamment en matière d'épigénétique. Mais il est des domaines dans lesquels l'encadrement très strict de la recherche en France comme sur les cellules souches embryonnaires nous handicape dans la compétition internationale – qui demeure vive même en collaboration. Une proposition de loi intéressante vient d'être adoptée par le Sénat. La réflexion sur le sujet doit se poursuivre.

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Dominique Royère, professeur à l'Université de Tours, biologiste à l'Agence de la biomédecine

À l'heure actuelle, sur les 171 000 embryons qui sont conservés, 17 %, soit quelque 30 000, ne font plus l'objet d'un projet parental. La moitié des couples auxquels appartiennent ces 30 000 embryons ont déclaré accepter que lorsqu'ils n'auront plus de projet parental, leurs embryons puissent faire l'objet de recherches mais ne pas souhaiter qu'ils soient donnés à un autre couple. L'autre moitié, elle, l'a accepté. On disposerait donc en théorie d'environ 15 000 embryons pouvant être donnés à un autre couple. Mais la décision prise par un couple au début de sa démarche ne l'engage pas définitivement et seuls 30 % de ceux ayant initialement déclaré accepter de donner leurs embryons le feront vraiment. Le nombre d'embryons disponibles ne dépasse donc pas 3 000 - 3 500.

Plusieurs de vos questions concernent le don de gamètes. Il est beaucoup plus facile pour un homme de donner ses spermatozoïdes que pour une femme ses ovocytes. En effet, une ponction ovarienne est aussi compliquée pour la femme qu'une fécondation in-vitro – la seule différence est qu'il n'y a pas de transfert d'embryon à la fin. Les femmes pourraient de ce fait être plus réticentes à un don que les hommes. Or, il n'en est rien. Elles sont tout aussi généreuses. En 2010, on a dénombré 345 donneuses d'ovocytes pour 299 donneurs de sperme. L'énorme différence tient au fait qu'avec un seul don de sperme, on dispose de milliards de spermatozoïdes – on a d'ailleurs limité à dix le nombre de grossesses potentielles obtenues par donneur –, alors que dans le meilleur des cas, une femme ne pourra donner que deux ovules, permettant deux grossesses. Mathématiquement, il faut donc cinq fois plus de donneuses que de donneurs pour aboutir au même nombre de grossesses.

Si le don d'organes, d'éléments du corps humain ou de cellules, reproductrices ou autres, est gratuit en France, chaque donneur doit néanmoins être défrayé des frais qu'il a supportés à l'occasion de ce don – déplacement, immobilisation professionnelle… Or, ce défraiement a du mal à se mettre en place, bien que la circulaire afférente date d'il y a deux ans. Cela n'est sans doute pas étranger à la pénurie d'ovocytes.

Comment inciter au don de gamètes, notamment d'ovocytes ? On se heurte aujourd'hui à un double problème d'information et de connaissances. Il a fallu du temps avant que nos concitoyens comprennent ce que signifie le sigle AMP et en quoi consiste l'assistance médicale à la procréation. Lors de micro-trottoirs réalisés il y a quatre ou cinq ans seulement, lorsqu'on demandait ce qu'était l'AMP, neuf fois sur dix la réponse était qu'il s'agissait de manipulations génétiques ! Mais le public s'est désormais approprié ces notions, et des campagnes d'information et de sensibilisation pourraient donc utilement être lancées.

Espérons également que l'ouverture du don d'ovocytes aux nullipares, permise par la loi de bioéthique de 2011, accroîtra le nombre de donneuses. La sensibilisation à la détresse des couples infertiles par la présence dans son entourage proche d'un couple confronté au problème est un élément moteur du don. Ce don relationnel, bien qu'il soit par la suite anonymisé, a été pointé du doigt par l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS) lors de l'étude qu'elle a menée en février 2011 sur le don d'ovocytes. Ce n'en est pas moins une dynamique susceptible d'augmenter sensiblement le nombre de dons. C'est mobilisées par leur entourage que les femmes n'ayant pas encore d'enfant seront incitées à donner leurs ovocytes – outre la possibilité d'autoconservation de leurs propres ovocytes qui leur sera offerte à l'occasion de leur don.

Plusieurs questions concernent le suivi des enfants nés après AMP. À l'heure actuelle, on ne dispose que de données sur les enfants à la naissance, par exemple le nombre de malformations congénitales. Rien n'est encore disponible sur leur santé à moyen et plus long terme. Il faudrait pour cela mener des études de cohortes, qui sont lourdes, ou – ce vers quoi on s'oriente – croiser certaines données, comme celles issues du SNIIRAM (Système national d'informations inter-régions de l'assurance maladie) et du PMSI (Programme de médicalisation des systèmes d'information).

Nous n'avons pas encore le recul nécessaire pour étudier la fertilité des personnes nées après AMP. En effet, Louise Brown, premier « bébé-éprouvette » au monde, n'a que 35 ans ! Certes, elle a déjà une fille et sa soeur, née de la même façon qu'elle, est elle aussi maman. Mais il serait prématuré de tirer quelque conclusion que ce soit. Quant au premier enfant né après ICSI, il n'a que 20 ans. On n'est donc pas encore près de pouvoir étudier sur le long terme la fertilité des personnes nées après ICSI.

Plusieurs d'entre vous nous ont interrogés sur les disparités géographiques. Les activités d'AMP varient en effet fortement selon les régions. Pour la fécondation in vitro, le taux varie de un à dix environ. Ces données doivent toutefois être interprétées avec prudence. Le premier élément à prendre en compte est le lieu de résidence des couples. En effet, à leur création, les centres d'AMP ont été répartis en fonction de la carte sanitaire, en tenant compte des bassins de population. Peu de changements sont intervenus depuis lors, si bien qu'aujourd'hui, le recours à l'AMP apparaît plus élevé dans les zones très urbanisées, les plus peuplées, que dans les zones rurales. Cela ne signifie pas qu'il y a moins de problèmes de fertilité dans ces dernières ! Il est difficile d'identifier les causes réelles de cette hétérogénéité.

Dressant un état des lieux, un récent rapport de l'Institut national du cancer et de l'Agence de la biomédecine consacré à la préservation de la fertilité montre que la première difficulté tient au manque d'information et de coordination. Il révèle aussi que les femmes sont moins bien informées que les hommes sur la possibilité de préserver leurs gamètes lorsqu'elles doivent subir un traitement susceptible de provoquer une stérilité définitive. Il souligne enfin la nécessité d'une coordination entre les équipes chargées de la préservation de la fertilité et celles assurant la prise en charge des cancers, de façon que cette dimension soit aussi tôt que possible intégrée dans les stratégies thérapeutiques proposées aux patients. Cela doit faire partie intégrante du parcours de soins de la patiente ou du patient atteint d'un cancer.

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Pierre Jouannet, professeur à l'Université Paris-Descartes et médecin à l'hôpital Cochin

Il y a un énorme décalage en France entre l'intérêt porté par la société aux questions de reproduction et celui des instances qui financent la recherche sur le sujet. Cela ne signifie pas que rien ne se fait. Notre pays se classe même au cinquième rang mondial pour ces recherches. Mais au prix de quelles acrobaties ! Pour avoir dirigé le laboratoire de biologie de la reproduction à l'hôpital Cochin, je puis témoigner combien il était difficile de trouver des financements pour nos recherches qui portaient sur l'évolution de la qualité du sperme, les modifications de la fertilité masculine… L'essentiel des crédits de mon laboratoire provenait de l'Union européenne. Nous aurions apprécié de bénéficier aussi de crédits nationaux. Et encore avons-nous eu la chance de bénéficier de crédits au travers des programmes « sida » parce que nous travaillions sur l'aide à la procréation des personnes contaminées et les moyens d'éviter la transmission du virus à l'enfant à naître.

L'Agence nationale de la recherche n'a pas de programmes thématiques ciblés sur la reproduction et la fertilité. Dans aucun des Instituts thématiques multi-organismes (ITMO) mis en place par l'Alliance pour les sciences de la vie et la santé (AVIESAN), qui regroupe tous les grands acteurs dans le domaine des sciences de la vie et de la santé en France, le terme « reproduction » ne figure. Les pouvoirs publics comme les organismes chargés de soutenir la recherche semblent se désintéresser de la question alors même que 15 % à 20 % des couples éprouvent des difficultés à procréer et que ce sujet est une réelle préoccupation de nos concitoyens.

Le cas du don d'ovocytes est emblématique. Alors qu'il est autorisé par la loi dans notre pays depuis 1994, force est de constater, dix-neuf ans plus tard, que ce don marche mal. On déplore le manque de donneuses mais il pourrait y en avoir bien davantage si on menait autant de campagnes d'information et de sensibilisation sur le don de gamètes que sur le don de sang, de moelle ou d'organes. Un autre moyen d'améliorer la situation serait d'autoriser les centres habilités à mener eux-mêmes ce type de campagnes. En Belgique, en Espagne, en Grande-Bretagne, les praticiens contribuent à recruter des donneuses.

Le principal problème ne se situe néanmoins pas là. Le rapport de l'IGAS sur le sujet, déjà cité par Dominique Royère, montre que la principale difficulté tient au manque de moyens accordés pour cette activité aux structures autorisées à la pratiquer. Permettez-moi, là encore, d'apporter mon témoignage personnel. Dans le centre que je dirigeais, agréé pour le don d'ovocytes, nous ne disposions d'aucun moyen spécifique pour cette activité. Nous utilisions les moyens généraux du service. Comment prendre en charge les donneuses sans personnel d'accueil, sans médecins, sans psychologues ni toute l'infrastructure qui existe pour d'autres types de dons, comme celui du sang ? Si avant d'en augmenter le nombre, on dotait la vingtaine de centres autorisés existants des moyens d'accueillir les donneuses, d'effectuer les prélèvements et de prendre en charge les couples receveurs, déjà le don d'ovocytes fonctionnerait beaucoup mieux en France. J'appelle l'attention du législateur sur le fait qu'il ne suffit pas de voter des lois, aussi pertinentes soient-elles. Encore faut-il qu'elles puissent ensuite être appliquées. En l'espèce, comme souvent, c'est la mise en oeuvre qui n'a pas suivi.

J'en viens à la recherche sur l'embryon. L'Académie nationale de médecine, pourtant pas toujours progressiste, s'est prononcée sans ambiguïté en faveur de cette recherche, par principe et dans l'intérêt de l'embryon. Comment interdire les recherches sur l'embryon au nom même de sa protection ? C'est tout l'inverse. Que penserait-on de celui qui se poserait en protecteur de l'être humain et interdirait qu'il puisse faire l'objet de recherches ? Il n'y a pas de contradiction entre protection de l'embryon et recherche.

Lorsqu'on parle de recherches sur l'embryon, on confond souvent les recherches qui pourraient être conduites à son propre bénéfice et les recherches sur les cellules embryonnaires à la finalité tout autre que la santé de l'embryon lui-même, comme fabriquer des cellules et des tissus pour la médecine régénérative ou mener des études toxicologiques. Ne pensant qu'à ce dernier type de recherches, le Conseil d'État a ainsi pu écrire dans son avis préalable à la loi de 2011 que le jour où il serait possible d'utiliser des cellules souches adultes, il n'y aurait plus lieu d'autoriser les recherches sur les cellules souches embryonnaires ! C'est oublier totalement les recherches sur l'embryon pour l'embryon. Nous connaissons très mal les tout débuts de la vie, les mécanismes moléculaires et cellulaires qui conduisent à l'implantation et au développement de l'embryon. À peine 15 % des embryons implantés après une fécondation in-vitro donneront naissance à un enfant, alors même qu'ils ont été choisis sur des critères morphologiques les désignant comme les plus aptes à bien se développer. Pourquoi dans 85 % des cas, leur développement cesse-t-il ? Bien que les connaissances soient lacunaires sur le sujet, la recherche reste interdite, qu'elle soit fondamentale ou clinique. Lorsqu'on travaille sur une maladie comme le diabète, on fait à la fois de la recherche fondamentale pour comprendre les mécanismes de fabrication de l'insuline ou de résistance à l'insuline, et de la recherche clinique sur les personnes diabétiques que l'on inclut dans des programmes. Pourquoi la recherche clinique serait-elle impossible sur l'embryon ?

L'une des solutions trouvées dans la loi de bioéthique a été de distinguer « les recherches » et « les études » sur l'embryon. Existe-t-il un autre champ de la médecine où l'on distingue ainsi « recherches » et « études » ? Pour toutes les maladies, il n'y a que des recherches, qui comportent un volet fondamental et un volet clinique. Il devrait en être de même pour l'embryon.

Le Sénat a adopté en décembre dernier une proposition de loi prévoyant de passer du régime actuel d'interdiction des recherches avec dérogation possible à une autorisation encadrée. Mais ce texte, hélas, maintient l'interdiction du transfert des embryons ayant fait l'objet d'une recherche – comme si recherche et vie s'opposaient ! Dans certaines circonstances, certains embryons ayant fait l'objet d'une recherche à leur profit devraient pouvoir être implantés. On considère l'embryon de manière si spécifique qu'on ne le traite pas comme les autres êtres humains et qu'on le prive du minimum qui existe pour d'autres âges de la vie. Il faudrait le tenir pour un stade comme un autre de la vie humaine, tout en tenant compte de ses spécificités et en prenant toutes garanties pour qu'il n'en soit pas fait n'importe quoi.

Le régime d'interdiction de la recherche sur l'embryon rend impossible de structurer la recherche sur ce sujet. Lorsque je dirigeais le laboratoire de reproduction de l'hôpital Cochin, des responsables d'autres centres de fécondation in vitro souhaitaient nous donner leurs embryons congelés ne faisant plus l'objet d'un projet parental. J'ai en vain essayé, en lien avec la direction de l'établissement, de conclure des conventions entre centres pour le transfert de ces embryons que j'aurais souhaité regrouper pour les mettre à la disposition des chercheurs. Cela n'a pas été possible faute de base administrative mais aussi de volonté politique d'avancer en ce sens. Aujourd'hui encore, il est extrêmement difficile d'organiser la recherche sur ce sujet.

Une autre conséquence de l'interdiction est bien sûr l'absence de financements pour les recherches sur l'embryon au bénéfice de l'embryon, puisqu'on ne peut pas financer des recherches par principe interdites.

Je terminerai par l'anonymat du don de gamètes. Assistant déjà du professeur Georges David en 1973 lorsqu'il a créé le premier CECOS au CHU du Kremlin-Bicêtre, j'ai donc vécu de près la « saga » du don de gamètes depuis quarante ans et sait que la question de l'anonymat a toujours été présente. Il ne faut pas confondre le secret sur le mode de conception et celui sur l'identité du donneur de gamètes. On peut parfaitement dire à un enfant qu'il a été conçu par don de sperme sans nécessairement lui révéler l'identité du donneur. D'ailleurs, la majorité des enfants ainsi conçus ne souhaitent pas la connaître. Quelques-uns souffrent de l'anonymat. Mais pour avoir rencontré plusieurs d'entre eux dans ma pratique professionnelle, j'ai constaté que leur souhait trahissait souvent un échec, une souffrance au sein de la famille où leurs parents n'avaient pas su bien leur annoncer leur mode de conception ni intégrer ce don pour qu'il participe de leur construction psychique. Sans négliger leur souffrance, je ne crois pas que leur révéler l'identité de leur donneur l'apaiserait. Dans les pays où l'anonymat a été levé, rien ne démontre que ce problème a été réglé.

L'ouverture de l'AMP à d'autres situations, dites de convenance, où des femmes seules ou des couples de femmes pourraient bénéficier d'un don de sperme conduirait-elle nécessairement à supprimer l'anonymat du don ? La réponse n'est pas simple. L'Académie nationale de médecine a mis en place un groupe de travail la semaine dernière pour réfléchir aux conséquences de l'ouverture de l'AMP à des situations non médicales. Rien n'est systématique en ce domaine. D'ailleurs, la plupart des femmes homosexuelles qui ont des enfants par don de sperme choisissent le don anonyme, ne souhaitant notamment pas que le donneur puisse interférer comme un tiers dans leur famille.

Une ouverture plus large de l'AMP remettrait-elle aussi en question la gratuité du don de gamètes en France ? Notre pays a fait le choix que tout don de quelque élément que ce soit du corps humain soit bénévole et effectué dans des structures de soins à but non lucratif. Le don de gamètes devrait-il déroger à cette règle ? Je n'en suis pas sûr. Il y a assez de donneurs potentiels si on a la volonté politique de développer ces dons. En 2005, la Suède, où, comme en France, le don de sperme ne se pratiquait que dans des centres autorisés et était bénévole, l'a ouvert aux couples de femmes homosexuelles. Cela n'a rien modifié aux conditions du don. Si une même ouverture devait être décidée en France, il faudrait simplement donner les moyens aux centres existants de mettre en oeuvre ce choix social et politique.

La question importante de la prise en charge de l'AMP dans ces nouveaux cas se posera nécessairement. S'il est compréhensible qu'une insémination avec sperme de donneur ou une fécondation in vitro soit prise en charge par l'assurance maladie quand la raison pour laquelle on y a recouru est médicale, est-il logique qu'il en aille de même quand la raison n'est pas médicale ? Je n'ai pas la réponse.

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Alfred Spira, président du groupe de travail sur les troubles de la fertilité

Plusieurs questions ont été posées sur d'éventuels liens entre alimentation et fertilité. À ma connaissance, il n'en a jamais été mis en évidence. On sait seulement que l'excès de poids ou l'extrême maigreur peuvent entraîner des troubles de la fertilité. On connaît tous le cas de ces jeunes gymnastes filiformes qui souffrent d'aménorrhée. S'agissant d'un lien spécifique entre alimentation « bio » et fertilité, il n'y a pas eu beaucoup de recherches sur le sujet mais toutes ont donné un résultat négatif.

La fertilité humaine est-elle en danger ? demandiez-vous, madame. Il se trouve qu'avec Pierre Jouannet et Bernard Jegou, qui n'est pas présent ce matin mais a participé à l'élaboration de notre rapport, nous avons publié aux éditions La Découverte un ouvrage intitulé La fertilité est-elle en danger ?. Nous serions ravis de vous l'adresser.

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Vous n'avez pas répondu à notre collège Ségolène Neuville sur la fertilité masculine.

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Alfred Spira, président du groupe de travail sur les troubles de la fertilité

La production spermatique diminue avec l'âge, mais pas avant 50-55 ans. Cette diminution, plus tardive que celle de la fertilité féminine, est en outre moins rapide. Il n'existe pas d'andropause qui serait l'équivalent chez l'homme de la ménopause chez la femme. On cite toujours le cas de Hugo ou Chaplin qui ont procréé à des âges très avancés…

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Avait-on effectué un test de paternité ? (Sourires)

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Pierre Jouannet, professeur à l'Université Paris-Descartes et médecin à l'hôpital Cochin

L'homme et la femme ne sont pas du tout dans la même situation pour ce qui est de la fertilité. Tous les ovocytes qu'une femme produira dans sa vie existent dès sa naissance puisqu'ils sont formés pendant la vie intra-utérine. C'est dans ce « stock » fini qu'à chaque cycle un follicule vient à maturation. Chez l'homme, la production de spermatozoïdes ne démarre qu'à la puberté et dure tant que les testicules sont en état d'en produire, ce qui est en gros le cas tant qu'ils restent bien vascularisés. Comme tous les organes, les testicules subissent le vieillissement, mais de manière différente d'un homme à l'autre. Il a été rapporté que des hommes de plus de 90 ans avaient pu procréer. En revanche, si la quantité de spermatozoïdes produits ne diminue pas, leur qualité s'altère au fil de l'âge. Les anomalies génétiques sont plus fréquentes dans les spermatozoïdes d'hommes âgés, avec donc un risque accru pour la santé des enfants.

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Je remercie tous nos collègues de leurs nombreuses questions. Cela prouve l'utilité de ce type d'auditions qui contribuent aussi à dépassionner certains débats.

Je conclurai par trois points. Nous examinerons prochainement une proposition de loi sénatoriale relative à la recherche sur les cellules souches embryonnaires, que rapportera notre collègue Dominique Orliac.

Il serait indispensable d'organiser des campagnes d'incitation au don de gamètes comme il en existe pour le don du sang ou le don d'organes.

S'agissant des aspects financiers, la tarification à l'activité (T2A) est inadaptée aux activités de procréation médicalement assistée. En effet, en ce domaine, tout n'est pas qu'acte. Les dotations des Missions d'intérêt général et à l'aide à la contractualisation (MIGAC) ne concernent que le don de gamètes stricto sensu. Or, les couples infertiles ou hypofertiles ont besoin d'un accompagnement psychologique renforcé, qui ne se quantifie pas en actes. Lorsque la Fédération de l'hospitalisation privée (FHP) se vante qu'une ponction ovarienne est quatre fois moins chère dans un établissement privé que dans un établissement public, il faut bien voir que ne sont pas pris en compte les actes médicaux qui l'accompagnent. Je pense que Jean Leonetti, ancien président de Fédération hospitalière de France ne me contredira pas. Cette mise au point ne me paraît pas inutile.

Messieurs, nous vous remercions de l'éclairage que vous nous avez apporté.

L'audition est levée à onze heures cinq.

Information relative à la Commission

La Commission a désigné Mme Véronique Louwagie pour participer en qualité de co-rapporteur aux travaux de la Mission d'évaluation et de contrôle (MEC) de la Commission des finances sur l'accompagnement de la procédure pour les plans sociaux d'entreprise.

Présences en réunion

Réunion du mercredi 20 février 2013 à 9 heures

Présents. – M. Élie Aboud, M. Bernard Accoyer, M. Pierre Aylagas, M. Gérard Bapt, Mme Véronique Besse, M. Jean-Claude Bouchet, Mme Kheira Bouziane, Mme Valérie Boyer, Mme Sylviane Bulteau, M. Jean-Noël Carpentier, Mme Fanélie Carrey-Conte, Mme Martine Carrillon-Couvreur, M. Gérard Cherpion, Mme Marie-Françoise Clergeau, M. Rémi Delatte, M. Dominique Dord, Mme Jacqueline Fraysse, M. Jean-Marc Germain, M. ean-Patrick Gille, Mme Linda Gourjade, M. Henri Guaino, M. Jérôme Guedj, Mme Joëlle Huillier, M. Christian Hutin, Mme Monique Iborra, M. Michel Issindou, M. Denis Jacquat, Mme Chaynesse Khirouni, Mme Bernadette Laclais, Mme Conchita Lacuey, Mme Isabelle Le Callennec, Mme Annie Le Houerou, Mme Catherine Lemorton, M. Jean Leonetti, M. Céleste Lett, Mme Geneviève Levy, M. Michel Liebgott, Mme Véronique Louwagie, M. Gilles Lurton, M. Laurent Marcangeli, Mme Véronique Massonneau, M. Pierre Morange, M. Hervé Morin, Mme Ségolène Neuville, Mme Dominique Orliac, Mme Luce Pane, M. Christian Paul, M. Bernard Perrut, Mme Martine Pinville, Mme Bérengère Poletti, M. Arnaud Richard, M. Denys Robiliard, M. Arnaud Robinet, Mme Barbara Romagnan, M. Jean-Louis Roumegas, M. Gérard Sebaoun, M. Fernand Siré, M. Dominique Tian, M. Olivier Véran, M. Francis Vercamer, M. Jean-Sébastien Vialatte

Excusés. – Mme Sandrine Hurel, Mme Gabrielle Louis-Carabin, M. Jean-Philippe Nilor, Mme Monique Orphé, M. Christophe Sirugue, M. Jonas Tahuaitu, M. Jean-Louis Touraine