Intervention de Sylvie Charles

Réunion du jeudi 28 septembre 2023 à 9h00
Commission d'enquête sur la libéralisation du fret ferroviaire et ses conséquences pour l'avenir

Sylvie Charles, ancienne directrice générale des activités ferroviaires et multimodales de marchandises de SNCF Logistics :

En tant que patronne, je ne me suis pas interrogée sur ce qui aurait dû être fait avant mon entrée en fonction. Je regardais plutôt l'avenir. En revanche, la SNCF avait sa part de responsabilité. Quand je suis arrivée en 2010, certaines actions n'avaient pas été menées, pour de bonnes ou de moins bonnes raisons. Cette entreprise était un monopole et avait une forte tendance à la centralisation. Cette tendance était renforcée par le fait que les industries clientes étaient organisées de la même manière. Les cultures se renforçaient mutuellement.

Monsieur le président, je souhaite revenir sur votre question concernant l'évolution des activités. Venant de la logistique et ayant été cliente de Fret SNCF, j'étais animée par un certain nombre de convictions. Dans ces métiers, compte tenu de la volatilité des marchés, il est absolument nécessaire d'être proche des clients et très réactif, pour bien combiner rentabilité et développement. Cela implique de mettre en place des organisations décentralisées.

La manière dont j'ai structuré les activités en 2010 a consisté à laisser Fret SNCF à part, car je sentais bien que l'offre produit n'était pas celle qui était développée chez les nouveaux entrants. De plus, j'avais constaté que l'ouverture à la concurrence allait se réaliser sans harmonisation sociale préalable. Par ailleurs, j'avais la chance d'avoir également sous ma responsabilité un nouvel entrant issu du regroupement d'anciens chemins de fer départementaux, la petite entité VFLI aujourd'hui devenue Captrain France. Cela me permettait de voir les atouts et les limites des nouveaux entrants. J'ai considéré qu'il fallait travailler en profondeur sur les atouts de Fret SNCF. Il ne servait à rien de singer les nouveaux entrants car c'était perdu d'avance : nous n'aurions rien apporté de nouveau au marché, tout en étant lestés de semelles de plomb.

Aurait-il fallu filialiser avant ? Sûrement. Pourquoi cela n'a-t-il pas été réalisé plus tôt ? Un président de la SNCF ne peut se consacrer uniquement au fret de marchandises, il doit également gérer d'autres activités. Parler de filialisation faisait peur à l'époque. En tout état de cause, il s'agissait d'un vrai frein à la transformation. Je rappelle que les conducteurs n'ont été affectés qu'en 2008, quelques années après les locomotives. Encore convient-il de préciser que l'affectation des locomotives s'est faite par défaut : elles n'étaient plus vraiment utiles pour le trafic voyageurs, qui privilégiait les automoteurs pour le TGV ou le trafic régional.

Pendant longtemps, la société a conservé des « idées d'ingénieurs », du reste parfaitement respectables, qui étaient à la fois promues par les organisations syndicales, et par le haut management. Selon ces idées, plus le périmètre est grand, plus on optimise. Or cela ne fonctionne pas dans la vie réelle, compte tenu des phénomènes d'entropie. Personnellement, je suis très engagée en faveur de l'organisation décentralisée, car elle permet d'entraîner les équipes, de donner du sens à leur travail et d'être en permanence à l'écoute du marché.

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