Intervention de Sylvie Charles

Réunion du jeudi 28 septembre 2023 à 9h00
Commission d'enquête sur la libéralisation du fret ferroviaire et ses conséquences pour l'avenir

Sylvie Charles, ancienne directrice générale des activités ferroviaires et multimodales de marchandises de SNCF Logistics :

Je vous parle de mémoire. L'État avait été saisi par la Commission européenne de l'existence des plaintes en janvier 2017 et nous l'apprenons pour notre part au printemps. L'État nous demande ensuite de venir expliquer notre position à la Commission. Il faut savoir que dans cette phase, c'est le secrétariat général des affaires européennes (SGAE) qui est chef de file et coordonnateur. Il peut y avoir des positions légèrement différentes entre le ministère des transports et le SGAE – c'est du moins ce que j'ai pu noter à l'époque. Le SGAE, dont le rôle est de trouver des accords avec la Commission, considérait que même si l'on pouvait défendre que la SNCF s'était comportée en investisseur avisé, la Commission avait des éléments pour soutenir le point de vue inverse.

C'est une question d'appréciation : la SNCF, y compris au moment du schéma de 2009 pour un nouveau transport écologique de marchandises, se comporte comme un investisseur avisé en ce qu'elle fait valider ses plans par des cabinets extérieurs, consulte le marché en amont, procède à des contre-expertises, etc. Ce qui peut lui être reproché, c'est que ces plans reposent sur des éléments de contexte qui ne se réalisent pas, à commencer par l'écotaxe, votée à l'unanimité puis abandonnée. Ce que reproche en somme la Commission, c'est la durée : les conditions ne parviennent pas à se réunir, quand bien même l'investisseur avisé continue à avoir la conviction que le fret ferroviaire est l'avenir, pour des raisons écologiques notamment.

En 2018, les pouvoirs publics, sous la houlette du SGAE, m'avaient demandé d'essayer de travailler à une solution. À ce titre, nous avons étudié les éléments constitutifs d'une discontinuité : le périmètre, l'actionnariat, les actifs. S'agissant des actifs, nous disposions de réponses puisque le capital d'Akiem avait déjà été ouvert et qu'Ermewa pouvait être vendu. En matière d'actionnariat, nous avions imaginé proposer la réalisation d'un vaste ensemble avec les autres entités ferroviaires de marchandises, notamment étrangères. En effet, elles intéressaient d'autres parties. Nous aurions donc pu les rassembler et ouvrir le capital. Restait la question du périmètre. En mon âme et conscience, malgré le développement de la gestion capacitaire, je n'ai trouvé « que » 60 millions d'euros de chiffre d'affaires.

En mai ou juin 2018, nous avons participé à une réunion au siège du SGAE. Nous étions face à une demi-douzaine de fonctionnaires de la direction générale de la concurrence, qui m'avaient adressé une série de questions préalables. Lors de la réunion, je leur expliquai l'ensemble des actions entreprises depuis 2010, mais également le contenu de la gestion capacitaire. À chacune de mes explications succédait une relance de leur part ; j'avais l'impression d'être le capitaine Haddock dans Coke en stock.

En 2019, la direction générale des infrastructures, des transports et des mobilités (DGITM) du ministère des transports a lancé une étude sur la discontinuité, qui a été confiée au cabinet McKinsey. L'étude de McKinsey ne garantissait ni la viabilité ni le report modal. Dans leur scénario B, la part modale du fret ferroviaire de marchandises tombait d'ailleurs à 7 %.

Quoi qu'il en soit, le sujet a été pris au sérieux et nous avons essayé de trouver des solutions pour satisfaire la Commission européenne. Une fois encore, la donne a changé aujourd'hui. Non seulement il existe un engagement en faveur du fret ferroviaire, mais il est accompagné de financements immédiats et concrets, inscrits progressivement dans la durée. L'équation économique est complètement différente, cela me paraît être une évidence.

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