Intervention de Mathilde Desjonquères

Réunion du mercredi 22 novembre 2023 à 9h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMathilde Desjonquères :

Depuis la crise sanitaire, l'État a accéléré la transformation des services publics pour que chacun puisse y accéder depuis chez soi. La dématérialisation des services publics permet d'effectuer des démarches administratives et d'avoir accès aux informations quand on le souhaite. Dans notre société de l'immédiateté, cela répond aux attentes de nos concitoyens. Même si le mode d'accès privilégié reste le guichet, la proportion d'usagers utilisant internet augmente chaque année. En 2018, la répartition des accès était de 57 % par un guichet et de 36 % par un site internet, en augmentation de 12 points entre 2014 et 2018.

L'objectif de cette évolution technologique est aussi de renforcer la sécurité et d'apporter des services plus avancés. Dans cette optique, la question de la couverture numérique est capitale, notamment dans les territoires ruraux, comme le souligne le rapport d'évaluation des services publics en ruralité que j'ai rendu début avril avec Pierre Morel-À-L'Huissier. Le plan France très haut débit a incontestablement permis d'accélérer cet état de fait, s'il est encore en cours de finalisation. Optimisation, efficacité, simplicité : tel est le triptyque que nous avons tous à l'esprit lorsque nous parlons de services publics. La dématérialisation présente de nombreux avantages, comme la simplification des démarches administratives, la possibilité d'accomplir ces démarches à tout moment, un accès simplifié à la formation, ou la rapidité des échanges.

Néanmoins, dans un rapport de 2019, la Défenseure des droits avait alerté les pouvoirs publics quant aux risques d'une transformation numérique à marche forcée. En effet, la dématérialisation croissante des services publics présente deux risques majeurs : donner le sentiment que l'administration se déshumanise et s'éloigne des citoyens de certains territoires ; éloigner davantage du service public les usagers rencontrant des difficultés dans l'utilisation des outils numériques – parce qu'ils n'ont pas accès aux équipements, parce qu'ils peinent à s'en servir, parce que leur zone est mal couverte par le réseau internet ou parce qu'ils maîtrisent mal la langue française.

Le groupe Démocrate partage la préoccupation de garantir l'accès de chacun et chacune aux services publics, mais s'oppose à l'idée selon laquelle la numérisation se fait nécessairement au détriment l'usager.

En avril 2019, à l'issue du grand débat national, le président de la République Emmanuel Macron avait annoncé la création de maisons France Services dans chaque canton d'ici la fin de son quinquennat, soit environ 2 000 structures. Au 1er février 2021, plus de 1 123 maisons France Services ont ouvert. Elles permettent aux usagers d'accéder à un bouquet de services dans un même lieu. L'objectif est de rapprocher les services publics des citoyens, en particulier dans les zones rurales et dans les quartiers prioritaires, mais aussi d'accompagner les personnes en difficulté dans leurs démarches en ligne et de les former à l'utilisation de l'outil numérique.

La dématérialisation vise à permettre aux usagers d'être autonomes et aux agents de se dégager du temps pour aider les usagers qui ont besoin d'être accompagnés dans leurs démarches administratives. Elle ne remplace pas l'humain, mais elle réoriente les missions des agents comme les lignes budgétaires. Derrière internet, il y a nécessairement la main de l'homme. Réduire la dématérialisation à la casse du service public est un leurre. L'administration s'oblige déjà à proposer un accès aux services publics par plusieurs canaux – physiques, numériques et téléphoniques – partout en France. Chaque usager peut donc choisir l'accès qui lui convient le mieux sans qu'il soit déboussolé. Cette proposition de loi ne faciliterait pas la vie des Français. La faciliter, c'est garantir une adaptabilité pour l'égalité de chacun dans l'accès aux services publics.

D'ici à décembre, plus de 2 700 maisons France Services seront ouvertes dans tout le territoire. De ce fait, le dispositif proposé est déjà satisfait. Évoquer son amélioration et son développement est autre chose. De la même façon, le renoncement au service au numérique constituerait un net retour en arrière pour la grande majorité des Français qui privilégie le canal numérique pour effectuer ses démarches administratives. Au retour en arrière, privilégions plutôt une vision généreuse, ambitieuse et optimiste pour nos concitoyens.

Le groupe Démocrate ne votera pas ce texte.

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