Intervention de Hervé Saulignac

Réunion du mercredi 22 novembre 2023 à 14h45
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaHervé Saulignac :

Je m'interroge sur l'opportunité de cette proposition de loi, sans pour autant y être hostile. Quel intérêt de toucher à la responsabilité civile à travers un texte qui semble ne pas aller au-delà d'une simple reconnaissance formelle de principes déjà bien établis par la jurisprudence, laquelle est utile et ne saurait être confondue avec du bavardage ?

Depuis près de quarante ans, la Cour de cassation a posé le principe selon lequel nul ne doit causer à autrui un trouble anormal de voisinage. Ce régime de responsabilité est objectif, c'est-à-dire qu'il ne dépend pas de la démonstration d'un comportement fautif mais nécessite celle d'un trouble excédant la gêne normalement attendue dans le cadre des relations de voisinage, évaluée par les juges en tenant compte des circonstances spécifiques pour la victime.

Ainsi, l'absence de faute ne constitue pas un moyen d'échapper à une condamnation et, inversement, la simple existence d'une faute ne suffit pas à caractériser un trouble anormal du voisinage. La jurisprudence a élargi la notion de voisinage au-delà des immeubles contigus englobant une aire de proximité où vivent plusieurs personnes. Pour qu'un trouble soit reconnu, il doit excéder les inconvénients normaux du voisinage et présenter un caractère continu et permanent.

Ce texte vise à consacrer dans la loi ces principes jurisprudentiels en introduisant dans le code civil le principe de responsabilité fondé sur les troubles anormaux de voisinage, avec une exception, liée notamment à l'antériorité du trouble constaté.

Je m'interroge sur la pertinence de cette initiative. Est-ce une priorité, pour notre commission, de traiter cette question alors que la jurisprudence a déjà défini avec précision les éléments constitutifs d'un trouble du voisinage et les exceptions qui l'entourent ? Introduire ou réformer la responsabilité civile sans un examen approfondi et sans certitude de l'efficacité de la mesure soulève un certain nombre de questions quant à la méthode employée.

Le code civil, comme les autres, n'a pas besoin d'être saturé et, s'agissant de troubles complexes à évaluer, l'appréciation du juge est précieuse. Il est évidemment louable de vouloir rendre le droit plus lisible mais il peut être préjudiciable de l'enfermer dans des dispositions strictes.

En l'état, notre groupe s'abstiendra, quoiqu'une évolution vers un vote favorable ne soit pas exclue.

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