Intervention de Marie Lebec

Séance en hémicycle du jeudi 7 décembre 2023 à 9h00
Souveraineté de la france nationalité immigration et asile — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarie Lebec :

Après avoir adopté en commission, vendredi dernier, le projet de loi pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration, présenté par le ministre de l'intérieur, nous débattons aujourd'hui de la proposition de la loi constitutionnelle du président Éric Ciotti relative à la souveraineté de la France, à la nationalité, à l'immigration et à l'asile. Vous n'en serez pas étonné, monsieur le rapporteur, les deux textes diffèrent à bien des égards.

Cela dit beaucoup de la différence entre nos visions respectives des voies et moyens à emprunter pour mieux maîtriser les flux migratoires, sanctionner les personnes condamnées, améliorer les conditions de délivrance du droit d'asile et réussir l'intégration de celles et ceux qui ont fait le choix de la France, dans le respect de ses valeurs et de ses lois.

Cela dit beaucoup, aussi, de l'idée que nous nous faisons respectivement des conditions à réunir pour réussir l'intégration des ressortissants étrangers en France. Loin de toute incantation naïve sur les bienfaits de l'immigration, nous soutenons, à travers le texte du Gouvernement, une approche réaliste, responsable et équilibrée. Car oui, ce projet de loi, adopté par le Sénat, est un texte de compromis : nous avons su trouver un équilibre entre la préservation de l'esprit du texte du Gouvernement et les apports souhaités par le Sénat – contre lesquels il serait surprenant que le parti que vous présidez s'oppose, sachant que les parlementaires de votre famille politique appellent de leurs vœux un compromis.

Qui pourrait en effet s'opposer à des dispositions telles que l'encadrement plus strict du regroupement familial, la fin de la gratuité des transports en commun pour les personnes en situation irrégulière, le retrait du titre de séjour aux étrangers qui ne respectent pas les lois de la République, la simplification des recours, dont chacun sait qu'ils sont devenus trop longs, ou le fait que l'obtention d'un visa permettant d'entrer en France soit subordonnée à celle d'un laissez-passer consulaire ? Ce sont autant de mesures souhaitées par vos collègues du Sénat que notre majorité a tenu à conserver au sein du texte adopté par l'Assemblée en commission. Nos interrogations concernant vos positions sont d'autant plus fondées que plusieurs de vos propositions font écho à celles dont nous avons débattu dans le cadre du projet de loi présenté par le ministre.

Ainsi l'article 5 de ce texte vise-t-il à restreindre l'application du droit du sol à Mayotte, proposition que nous avions soumise au vote lors de l'examen de la future loi Collomb et qui fait l'objet de modifications inédites au titre VI de notre projet de loi. Votre article 7 fait pour sa part écho aux articles 9 et 10 du projet de loi, qui traitent respectivement de l'expulsion d'un étranger en situation régulière ayant commis des infractions graves et de la réduction, en cas de menace grave à l'ordre public, des recours existants contre une OQTF.

Je vous invite donc, monsieur le rapporteur, à prolonger le débat à l'occasion de l'examen en séance publique du projet de loi. Permettez-moi de le formuler directement mais respectueusement : vos électeurs ne comprendraient pas que les députés de votre groupe fassent barrage à l'expulsion des étrangers délinquants ou s'opposent à l'encadrement du droit du sol à Mayotte.

Nous avons également nos désaccords en matière de gestion des flux migratoires : votre texte promeut l'idée d'une France souveraine qui agirait sans l'Union européenne, en s'affranchissant de toute coopération avec nos voisins, mais aussi avec les pays d'origine des étrangers condamnés ou en situation irrégulière. Je ne peux imaginer que vous ne considériez pas l'impérieuse nécessité d'une solidarité et d'une responsabilité européennes. L'article 3 prévoit une dérogation au droit européen en matière migratoire ; or, vous le savez mieux que quiconque, seule une approche européenne permettra de réguler les flux et d'influer sur les États dont sont originaires les personnes qui cherchent à s'établir en Europe. Seules des règles communes, à la fois strictes, pragmatiques et humaines, permettront d'accueillir les personnes chassées de chez elles par un conflit ou contraintes de fuir leur pays en raison de leurs convictions. Seul le pacte sur la migration et l'asile que nous appelons de nos vœux protégera nos frontières. J'en veux pour preuve l'attitude de pays comme l'Italie qui, passé le temps des joutes électorales, ont décidé de rejoindre le concert des pays européen, ayant compris que seule la solidarité entre États permettra de conforter nos souverainetés et de maîtriser notre destin.

Enfin, je m'interroge au sujet de l'article 2, portant sur l'élargissement du champ référendaire, dont vous avez finalement refusé de débattre à l'occasion de la dernière journée de Saint-Denis. Je connais votre réponse : seul le Parlement est habilité à débattre de l'évolution de notre droit. Vous savez pourtant mieux que quiconque que les rencontres de Saint-Denis ne sont pas le lieu de la fabrique de la loi, qui reste l'apanage de notre assemblée, mais ont été – et resteront, si le Président de la République décide de les renouveler – l'occasion de débattre entre représentants des forces politiques de propositions telles que cette révision du champ d'application de l'article 11 de la Constitution, incluant la question migratoire, à laquelle vous attachez tant d'importance.

Notre rejet du texte n'est donc pas motivé par le refus du débat : il constitue un appel à la raison et à la responsabilité collective, et une nouvelle invitation à nous rassembler afin de répondre à la légitime attente des Français, à conjuguer fermeté, réalisme et humanité – le projet de loi soumis à votre examen par le ministre de l'intérieur vise à répondre à ce double défi. Notre rejet du texte doit être compris comme l'affirmation de valeurs intangibles et universelles, qu'il nous appartient de défendre. Résistons aux discours populistes qui prospèrent et progressent, en France comme en Europe. Rassemblons-nous autour d'une certaine idée de la France, ferme sur ses valeurs, exigeante dans la défense de ses intérêts et respectueuse du droit européen.

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