Intervention de Gérald Darmanin

Réunion du mardi 28 novembre 2023 à 16h30
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Gérald Darmanin, ministre :

Ce projet de loi repose sur plusieurs principes. Le premier est que l'intégration par la langue doit être valorisée. Pourquoi ? Depuis plus de vingt ans, malheureusement, quels que soient les gouvernements, 20 % des primo-arrivants se trouvent dans une situation d'extrême difficulté en matière de compréhension orale et écrite, et 25 % ont des difficultés importantes. Près de 50 % des étrangers primo-arrivants ont donc du mal ou beaucoup de mal à s'exprimer oralement ou à l'écrit. La seule période où on a constaté une baisse de ces chiffres, de 10 points, c'était durant l'application du contrat créé en 2007.

On doit pouvoir parler un minimum français pour pouvoir s'intégrer. C'est notamment vrai, comme l'a dit Mme Guévenoux, pour les femmes. Elles ont encore plus de difficultés que les hommes – les chiffres que j'ai cités sont supérieurs, les concernant, de 20 points. C'est un argument auquel tous les républicains devraient être sensibles. Je rappelle en effet que notre Constitution fait du français, presque dès son article 1er, la langue de la République.

La disposition qui vous est proposée me paraît d'autant moins anormale que le taux de chômage des étrangers est plus élevé que celui des Français. Le taux de chômage des étrangers primo-arrivants est, par ailleurs, trois plus élevé que celui des étrangers en général.

Demander une maîtrise de notre langue me paraît assez normal si on ne veut pas que les gens se retrouvent entre les mains de marchands de sommeil, mais qu'ils puissent, au contraire, connaître et faire appliquer leurs droits, lire leur contrat de travail et avoir un minimum d'échanges en société.

C'est tellement normal et évident que plus de la moitié des pays de l'Union européenne le demandent, comme Chypre, l'Italie, la Lituanie, les Pays-Bas, le Portugal, l'Autriche, la Croatie, l'Estonie et l'Allemagne. Je souligne, au passage, que plus de la moitié de ces pays ont des gouvernements socio-démocrates ou reposant sur une coalition avec les Verts. Cela prouve bien qu'il ne s'agit pas d'une dérive d'extrême droite, comme l'affirme M. Lucas, qui ferait bien de faire attention à sa propre dérive, car on se demande jusqu'où il ira.

Par ailleurs, cette disposition est tout à fait conforme à nos engagements internationaux. La CJUE, évoquée par Mme Genevard, a considéré à de nombreuses reprises que les États membres avaient le droit d'exiger un niveau minimum d'intégration, notamment en matière de langue. Tous les arrêts rendus depuis le 9 juillet 2015 sont allés dans ce sens, notamment le dernier en date, relatif à une loi néerlandaise prévoyant l'acquisition de connaissances concernant la langue et la société du pays d'accueil, ce qui, selon la CJUE, ne peut qu'aider à l'insertion dans la société.

La Cour a considéré que le paiement de frais n'avait pas pour effet ni pour objet de rendre impossible ou excessivement difficile le regroupement familial. La question des moyens ayant été posée, je précise néanmoins que le dispositif sera gratuit, à la suite d'un amendement du sénateur communiste Brossat, que nous avons bien voulu accepter parce qu'il était frappé au coin du bon sens. Il est d'ores et déjà possible de faire appel aux Alliances françaises, à l'Ofii et à la plateforme FUN (France Université Numérique), qui permet depuis plus de dix ans de suivre des cours gratuits, dans dix langues différentes, pour accéder au niveau A2 ou B1, et propose des sous-titres dans la plupart des langues parlées dans le monde.

Je voudrais dire à Mme Taurinya, qui a confondu tout à l'heure le regroupement familial et la situation des réfugiés, qu'il ne s'agit pas de conditionner la réunification familiale. Le regroupement familial, ce n'est pas l'exil : cela concerne des gens qui ont un titre de séjour parce qu'ils travaillent en France et qui y font venir leur époux, leur épouse et leurs enfants. Ils ne le font pas parce qu'ils se sont exilés dans notre pays, mais parce qu'ils ont décidé, par exemple, d'y vivre une aventure professionnelle. Ils ne sont pas pourchassés pour des raisons politiques, religieuses ou sexuelles : ils se trouvent de leur plein gré en France, qui les accueille bien volontiers. La réunification familiale, qui concerne des personnes ayant obtenu le droit d'asile, n'est pas soumise à une condition de langue. Ne confondons pas tout.

Cet article plein de bon sens qui a été adopté par le Sénat correspond exactement à ce que nous voudrions faire grâce à ce texte.

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