Intervention de Arthur Delaporte

Réunion du mardi 12 mars 2024 à 21h30
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaArthur Delaporte :

Au cours de 170 années mouvementées de l'histoire de la Nouvelle-Calédonie, la France s'est souvent comportée de manière brutale. Les hommes et les femmes kanak ont vécu l'injustice et les violences de la colonisation, notamment la spoliation foncière. Ces conflits coloniaux sont également à la source de ceux des années 1980, qui ne résultent pas seulement des luttes politiques de la France d'alors. Il a fallu les accords de Matignon et de Nouméa, à l'initiative des premiers ministres socialistes Michel Rocard et Lionel Jospin, ainsi qu'un processus continu de dialogue entretenu par les gouvernements successifs pour que puissent se tenir les récents référendums et s'ouvrir un chantier institutionnel, encore largement en cours.

Par dérogation au principe d'universalité du suffrage, consacré à l'article 3 de la Constitution, le régime électoral de la Nouvelle-Calédonie a conduit à exclure du scrutin de plus en plus d'électeurs potentiels de ce territoire – un peu moins de 8 % en 1999, un peu moins de 20 % en 2023. Selon l'étude d'impact du projet de loi organique, sont exclues du vote des personnes qui sont nées en Nouvelle-Calédonie ou y résident depuis vingt-cinq ans. Cela n'est pas tenable : la composition des listes électorales ne reflète plus la réalité et le principe d'autodétermination de la Nouvelle-Calédonie. Il était donc impossible que des élections se tiennent sereinement en mai, car elles auraient exclu de trop nombreux Calédoniens. Nous approuvons donc le principe d'un décalage de ces élections.

Néanmoins, nous ne souhaitons pas que le Gouvernement procède à marche forcée et s'entête, alors que les partis demandent plus de temps pour organiser ces élections et trouver une position plus consensuelle, qui serait un préalable pour assurer la stabilité institutionnelle à moyen terme.

Nous regrettons que le président Houlié ait déclaré irrecevable un amendement des sénateurs socialistes, que le Sénat avait examiné : il visait à insérer un article disposant notamment que « l'État prend toute sa part à la création des conditions indispensables à l'émergence, par le dialogue et la reconnaissance mutuelle, d'une solution politique équilibrée, consensuelle et durable, quant à l'avenir institutionnel de la Nouvelle-Calédonie. » Cet amendement, certes déclaratoire, aurait été un signal envoyé par notre assemblée.

Il nous reste un amendement, qui tend à reporter les élections au-delà de la date proposée par le Gouvernement, pour éviter d'avoir à voter un texte de même nature dans quelques mois. Donnons du temps au temps pour éviter d'agir sous la pression des élections, dans un climat ni serein, ni apaisé, qui ne serait pas à la hauteur de ce que nous devons aux habitants de Nouvelle-Calédonie.

Lionel Jospin disait que les hommes et les femmes de ce territoire, lié à la France par une histoire déjà longue, tout particulièrement ceux qui ont eu le courage d'engager leur nom en signant l'accord de Nouméa, ont mis toute leur confiance dans les responsables de la République. Soyons collectivement à la hauteur de leur confiance et de leurs attentes.

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