Intervention de Jean-Victor Castor

Réunion du mardi 12 mars 2024 à 21h30
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Victor Castor :

La France pourra-t-elle un jour maintenir en toutes circonstances les conditions de dialogue et de consensus, seules garanties à la paix ? Cela est essentiel pour la Nouvelle-Calédonie. N'oublions pas que la période de consensus et de dialogue ouverte par l'accord de Nouméa est consécutive aux drames survenus durant les nombreuses années de confrontation, particulièrement aux événements d'Ouvéa.

Le maintien de la paix dépend de la confiance entre les parties. En Nouvelle-Calédonie, les conditions préalables au dialogue sont l'impartialité de l'État, le respect des règles conventionnelles – nationales et internationales – et la constance des engagements. Pendant plus de trente ans, ces conditions ont été respectées ; l'État a plus ou moins joué le jeu, attribuant à la Nouvelle-Calédonie une position originale dans la Constitution française, qui a permis à ce pays de s'engager dans un véritable processus d'autodétermination.

Depuis 2021, rien ne va plus. L'État est, de nouveau, juge et partie. Voyant qu'un troisième référendum organisé dans des conditions normales exprimerait vraisemblablement un « oui », le Gouvernement l'a maintenu en période de covid, ignorant les appels du peuple kanak au respect des périodes de deuil imposées par les cultures locales. En voulant modifier le calendrier électoral, il démontre une fois de plus qu'il ne croit pas à une sortie de l'impasse par le dialogue. Les partis indépendantistes sont majoritaires au congrès de la Nouvelle-Calédonie et en assument la gouvernance. Le Gouvernement espère modifier ce rapport de force par le dégel du corps électoral, objet d'un projet de loi constitutionnelle.

Cela n'aura plus de sens si les élections locales ont lieu en mai 2024, c'est-à-dire avant la révision constitutionnelle annoncée. Pire, les élections locales de mai pourraient conforter les partis indépendantistes – l'horreur pour le Gouvernement ! Qu'à cela ne tienne, à la fois juge et partie, il soumet un projet de loi organique pour modifier le calendrier électoral.

Ce gouvernement n'accepte pas les règles posées par les accords ; il ne veut pas atteindre le consensus, ni laisser place au dialogue : il préfère passer en force. De quoi a-t-il peur ? Soit les Calédoniens ne souhaitent pas poursuivre la marche vers l'autodétermination et ils voteront en ce sens aux élections provinciales de mai sans qu'il soit besoin de modifier le calendrier électoral. Cela ferait tomber les accusations de partialité du Gouvernement dans l'organisation du dernier référendum. Soit la volonté calédonienne de souveraineté est de plus en plus affirmée, et vous essayez de la casser par tous les moyens.

Avec ce projet de loi organique, le Gouvernement démontre sa préférence pour la seconde option. Mais quel en sera le résultat sur le long terme ? Le processus en Nouvelle-Calédonie est inexorable. Il pourrait se poursuivre dans le respect, le dialogue et selon les modalités qui peuvent encore être négociées, ou bien s'engager dans la voie d'une impasse politique et d'une grande instabilité sociale et politique.

Par respect pour le peuple calédonien, que nous croyons capable de choisir son avenir, par respect des accords et de l'esprit qui a présidé à leur écriture, et parce que nous croyons que le consensus reste possible par le dialogue, le groupe GDR votera contre le projet de loi organique.

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