Intervention de Gérald Darmanin

Réunion du mardi 12 mars 2024 à 21h30
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Gérald Darmanin, ministre :

Je constate simplement que dans les 110 propositions de M. Mitterrand – comme d'ailleurs dans celles de M. Mélenchon lors de la dernière élection présidentielle – figurait l'indépendance de la Nouvelle-Calédonie. M. Rocard a beaucoup travaillé et beaucoup aidé la Nouvelle-Calédonie, comme M. Jospin, afin de corriger une partie de ces propositions. Le fait que M. Mitterrand n'ait pas respecté sa promesse a peut-être contribué à énerver ceux qui attendaient l'indépendance.

Je salue votre position sur le dégel à dix ans du corps électoral, laquelle se distingue de celle des autres groupes de la NUPES. M. Chirac avait complètement gelé le corps électoral, et c'est M. Jospin qui avait négocié ce délai de dix ans. Nous en revenons à une position classique, qui figurait dans les accords de Matignon, puis dans celui de Nouméa. Et ce dégel ne concerne pas le vote lors d'un référendum sur l'indépendance, il est destiné à permettre aux citoyens de désigner leurs représentants provinciaux.

Ceux qui sont contre ce texte ne répondent pas à cette question : êtes-vous d'accord pour que des personnes qui sont nées sur le sol calédonien ou qui y résident depuis vingt-cinq ans ne puissent pas voter pour choisir leurs responsables locaux ? On ne connaît aucune autre démocratie dans le monde où l'on trouve un exemple similaire à ce qui existe en matière de corps électoral en Nouvelle-Calédonie. Le projet ne vise pas à remettre en cause tel ou tel équilibre politique.

Mme Le Pen aime sans doute beaucoup la Nouvelle-Calédonie, mais je constate que ce territoire ultramarin a voté pour M. Macron lors de la dernière élection présidentielle. Elle l'aime tellement qu'elle vous a délégué le soin de s'exprimer, monsieur Gillet. Vous vous êtes d'ailleurs trompé : le Gouvernement a bien proposé un texte, le fameux « document martyr », qui prévoyait les modalités d'autodétermination – avec éventuellement un référendum déclenché par voie de pétition plutôt que par un vote du Congrès –, des structures institutionnelles différentes, le congrès devenant le Parlement de la Nouvelle-Calédonie, et une redistribution des compétences pour plus d'efficacité. N'oublions pas que, pendant ce temps, la Nouvelle-Calédonie fait face à une crise économique. L'État aide son gouvernement, notamment en matière sociale. Alors que la production du nickel relève des compétences du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie, l'État a versé des milliards pour la soutenir depuis vingt ans.

Nous avons aussi imaginé un référendum de projet, qui pourrait davantage répondre aux aspirations profondes des Calédoniens – et notamment de la jeunesse – qu'un référendum proposant une réponse binaire. Il y a d'autres manières d'envisager l'avenir de la Nouvelle-Calédonie : au sein de la République, associée à la France ou même émancipée. Le congrès pourrait élaborer un projet et le soumettre au vote des Calédoniens. Répondre par oui ou par non à une question sur l'indépendance peut susciter des peurs et des frustrations, dont certaines grandes puissances pourraient essayer de profiter.

Quoi qu'il en soit, le projet du Gouvernement continue à être discuté. Dire qu'il n'a rien proposé révèle donc une méconnaissance flagrante de l'évolution du dossier depuis trois ans, et ce d'autant plus que je me suis exprimé sur ce sujet à trois reprises dans l'hémicycle de l'Assemblée nationale.

Le Gouvernement n'avance pas à marche forcée. Au contraire, il reporte les élections en Nouvelle-Calédonie, ce qui n'est pas une petite chose.

Le congrès de la Nouvelle-Calédonie, y compris les partis indépendantistes, est favorable à ce report.

Lorsque des référendums ont été contestés, les tribunaux ont validé leur organisation.

La France présente chaque année au C24 les avancées réalisées et je le ferai de nouveau dans quinze jours. Le peuple kanak a incontestablement souffert de la colonisation, et personne ne remet en cause l'accord de Nouméa qui reconnaît ce fait. Mais les choses sont moins caricaturales que certains ont bien voulu le dire : il n'y a pas, d'un côté, des Kanaks indépendantistes et de l'autre des blancs qui ne le sont pas. Il y a des personnes qui choisissent librement, encore faut-il qu'elles puissent voter. D'ailleurs, on compte de très nombreux Kanaks parmi ceux qui sont nés en Nouvelle-Calédonie et qui ne peuvent pas voter sur leur propre terre. Les personnes qui ne peuvent pas voter ne sont pas seulement des gens qui viennent de l'extérieur. Les règles qui ont mené à cette situation ne peuvent pas être maintenues ad vitam aeternam.

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