Intervention de Alexandra Masson

Réunion du mercredi 19 octobre 2022 à 9h40
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAlexandra Masson, rapporteure pour avis :

Madame Decodts, je suis un peu surprise de votre réaction à ma proposition d'augmentation des effectifs de l'École nationale supérieure maritime, qui devrait, selon moi, faire plutôt l'unanimité. Plusieurs de vos collègues, que je ne citerai pas, m'ont appelée hier pour me dire que votre groupe même avait l'intention de déposer un amendement. Je suppose que vous avez eu des discussions qui vous ont fait changer d'avis, mais j'avoue ne pas comprendre ce changement ni vos critiques et l'absence de consensus.

Le Gouvernement lui-même a indiqué, voilà déjà plusieurs années, la nécessité d'augmenter les effectifs de cette école, dont l'excellence est reconnue dans le monde entier et pour laquelle son nouveau directeur, issu de ses rangs et que nous avons auditionné, a de grandes ambitions. J'espère donc que vous déposerez un amendement dans la journée ou que vous vous rallierez au mien. La mesure proposée favorisera, outre l'excellence de l'école elle-même, l'accroissement du nombre de navires sous pavillon français et de navires immatriculés au RIF.

Pour ce qui concerne la SNSM – et cette réponse s'adresse aussi à M. Pahun –, nous nous heurtons à un problème de compréhension : vous êtes hors sujet, car il faut distinguer la loi et l'esprit de la loi. Il ne viendrait à l'esprit de personne de remettre en cause la mission de la SNSM, association ancienne qui accomplit au long cours un travail extraordinaire que nombre d'associations nationales n'accomplissent plus. En effet, toutes les personnes présentes sur ses bateaux sont des bénévoles : sans les bénévoles, la SNSM ne pourrait pas fonctionner, et c'est du reste bien là que se situe le problème.

Lorsque j'ai auditionné le président de la SNSM, il s'est plaint de l'étroitesse de son budget, et c'est la raison pour laquelle j'en ai demandé l'augmentation, mais il est assez normal qu'une structure demande des augmentations budgétaires. Surtout, 85 % des sauvetages réalisés par la station de Calais dans la Manche concernent des rapatriements de bateaux et embarcations de migrants. Or les bénévoles ne sont souvent ni formés ni équipés pour ce type de sauvetage – ce sont eux-mêmes qui le disent. Il faut donc renforcer les moyens de la SNSM, mais ce n'est pas facile, en raison notamment des problèmes liés à la formation. En outre, les bénévoles de la SNSM ne disposent pas de pouvoirs de police, alors qu'ils doivent souvent fouiller les personnes qui montent à leur bord, qui sont souvent armées.

Je rappelle également que la SNSM réalise 53 % des sauvetages en mer nécessitant des moyens nautiques, tandis que 17 % sont réalisés par des particuliers, auxquels on ne peut évidemment pas transférer cette mission, 17 % par les services départementaux d'incendie et de secours, 3 % par les collectivités territoriales et 2 % par la marine nationale. J'ai donc proposé, après avoir beaucoup échangé avec les bénévoles de la SNSM, le transfert de crédits plus importants en direction du budget de la défense nationale afin que cette dernière puisse participer davantage au sauvetage, pour lequel elle dispose de moyens et d'une formation qui lui sont propres.

Nous avons à rendre un avis budgétaire, et non pas à entrer dans des polémiques sur le fond. Il s'agit d'assurer des crédits suffisants pour que la mission soit effectuée dans des conditions correctes, sans mettre en danger la vie des bénévoles – car des décès sont déjà survenus lors d'interventions de la SNSM, laquelle ne pourra, du reste, se substituer éternellement à d'autres organismes. Étant moi-même bénévole depuis quarante ans dans de nombreuses structures associatives, je respecte le travail des bénévoles et je ne veux surtout pas qu'ils puissent considérer que nous ne prenons pas ce problème à bras-le-corps.

Monsieur Maquet, vous avez raison d'être très prudent pour ce qui concerne l'application des ZFE aux ports de commerce, où elle me semble en effet très prématurée aujourd'hui. Un gros travail a déjà été effectué dans ce domaine, comme d'ailleurs, Monsieur Pahun, dans celui de la décarbonation. De très nombreux dispositifs étant déjà en vigueur, il ne me paraissait pas prioritaire d'examiner dans le cadre de cet avis un mécanisme déjà assez avancé au niveau des travaux.

Pour ce qui concerne les ZFE, l'électrification des quais commence dans les ports de commerce. Marseille, que je connais en tant que conseillère régionale de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur, est ainsi très avancée en la matière, tandis que d'autres ports, comme Saint-Nazaire, progressent également. En outre, l'application progressive de règles internationales relatives aux carburants permettra de décarboner notamment les gros porte-conteneurs, ce qui est très positif. Je suis, en revanche, moins sceptique que vous à propos des ports de plaisance, où il ne serait pas inintéressant de créer des ZFE, par exemple en Occitanie. Gardons-nous donc d'un scepticisme absolu en la matière.

Monsieur Taupiac, de nombreux marins-pêcheurs ne trouvent aujourd'hui pas d'autres repreneurs que leurs enfants, lorsque du moins ceux-ci veulent reprendre leur activité. Nous possédons, dans le domaine maritime, des filières d'excellence : outre l'École nationale supérieure maritime, des lycées et des formations professionnelles pourraient être bien mieux valorisés. Les métiers de la mer sont très mal connus. Il faut donc valoriser ces filières et les faire connaître dans les structures éducatives. L'activité de pêche ne doit pas être reprise seulement par des enfants de marins-pêcheurs. Un travail important a été engagé en ce sens, et c'est la raison pour laquelle j'ai insisté, durant les auditions, sur l'importance de la communication.

Par ailleurs, les femmes sont peu nombreuses dans ces filières, alors que les navires de pêche sont souvent équipés de technologies leur permettant d'accéder davantage à ces métiers qu'il y a vingt ans. Un important travail de pédagogie est, là aussi, nécessaire à l'intention des femmes. J'ajoute que les métiers de la mer connaissent, de manière générale, très peu de chômage, ce qui invite à les valoriser aussi en termes d'emploi.

La question de Mme Pochon relative à un sanctuaire marin ne relève pas du budget des affaires maritimes mais du programme « Paysages, eau et biodiversité ». Par ailleurs, il serait utile que le principe du sanctuaire marin ne concerne pas seulement les cétacés. Ainsi, un Marineland que je connais bien, dans le département des Alpes-Maritimes, dont je suis élue, abrite de nombreuses autres espèces qui ne devraient plus être présentes dans de tels parcs, comme les manchots.

Pour conclure, je tiens à souligner combien il importe de disposer d'une flotte souveraine. Bien des initiatives en la matière n'ont pas pu voir le jour, alors que cette question est plus que jamais d'actualité, comme l'ont montré récemment les crises sanitaires et humanitaires. Plus que jamais, nous avons besoin d'une flotte indépendante et souveraine, qui puisse assurer notre ravitaillement en cas de crise.

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