Mission d'information de la conférence des présidents sur l'accès des français à un logement digne et la réalisation d'un parcours résidentiel durable

Réunion du jeudi 7 décembre 2023 à 14h00

Résumé de la réunion

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La réunion

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La mission d'information de la conférence des présidents sur l'accès des Français à un logement digne et la réalisation d'un parcours résidentiel durable a auditionné Mmes Aurélie Goin, cheffe de la division « Logement et patrimoine » et Christel Colin, directrice des statistiques démographiques et sociales à l'Insee.

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La mission d'information sur l'accès des Français à un logement digne et la réalisation d'un parcours résidentiel durable, qui a commencé ses travaux en septembre, vise à remédier à une crise dont on entend beaucoup parler.

Le parcours résidentiel, très grippé, est pour nos concitoyens une succession d'obstacles à chaque étape de leur vie : ils ont des difficultés pour se loger pendant leurs études supérieures, puis à leur entrée dans la vie active, et enfin à un âge un peu plus avancé, lorsqu'ils cherchent à se rapprocher de certaines commodités et aspirent à une habitation répondant à leurs besoins. Les objectifs annuels en matière de construction de logements ne sont pas atteints, si bien que les Français sont souvent en attente, contraints de demeurer dans un logement qui ne correspond plus à leurs besoins, soit qu'ils aient l'intention de devenir propriétaires, soit qu'ils cherchent une habitation plus grande pour accueillir une famille qui s'agrandit.

Si les besoins diffèrent en fonction des étapes de la vie, ils dépendent aussi des territoires : certains connaissent un accroissement du nombre d'actifs, d'autres attirent de nombreux seniors, d'autres encore abritent des villes étudiantes.

Nous cherchons donc à disposer d'outils suffisamment précis pour ne pas manquer notre cible. L'objectif est non seulement de réduire les listes d'attente qui ne cessent de s'allonger, que ce soit dans le parc locatif public ou dans le privé, mais également de faire en sorte que ceux qui aspirent à devenir propriétaires essuient moins de refus. Nous devons trouver des solutions qui profitent à chacun, notamment à la filière du bâtiment, en grande souffrance, et acquérir une connaissance plus fine du parc existant et de ses capacités d'adaptation.

L'objectif zéro artificialisation nette (ZAN) est source de crispations. Alors que nous avons décidé de mettre un coup d'arrêt à l'extension du tissu urbain, nous devons faire en sorte que les nombreux hectares artificialisés soient optimisés et répondent aux besoins des habitants de ces territoires.

De nombreux chiffres sont souvent cités au cours de nos auditions : certains se rejoignent, d'autres se contredisent. Nous avons donc besoin des lumières de l'Insee pour établir une base sur laquelle tout le monde pourra travailler en visant le même objectif, celui d'offrir un toit à l'ensemble des générations.

Nous vous avons transmis un questionnaire très large. Vous n'avez pas forcément toutes les réponses attendues, mais les éléments que vous nous apporterez nous aideront à construire la vision la plus transversale possible des problèmes de logement, lesquels sont liés, par exemple, à l'emploi ou à l'offre de services.

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Christel Colin, directrice des statistiques démographiques et sociales de l'Insee

Le questionnaire que vous nous avez transmis comporte de nombreuses questions. Nous pourrons y apporter des réponses écrites dans les prochains jours, même si nous ne disposons pas toujours des éléments que vous attendez. Nous évoquerons aujourd'hui les données dont nous disposons sur le parc actuel de logements, sa taille, sa composition, les prix, le montant des loyers et leur évolution, les conditions de logement des Français, en essayant de faire le lien avec le parcours résidentiel de nos concitoyens.

Les statistiques publiques sur le logement sont produites, d'une part, par l'Insee, et d'autre part, par le service des données et études statistiques (Sdes) du ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

L'Insee établit, au 1er janvier de chaque année, une estimation du parc de logements. Ces estimations annuelles sont en réalité une synthèse de plusieurs sources : le recensement de la population, qui permet de dénombrer les logements et de connaître leurs caractéristiques ; les fichiers de la taxe d'habitation ; le répertoire d'immeubles localisés.

Une autre source de référence est l'enquête nationale sur le logement, effectuée à intervalles assez réguliers, depuis les années cinquante, auprès d'un échantillon de ménages. Elle est historiquement réalisée par l'Insee, qui procède actuellement à la collecte des données 2023-2024. La dernière enquête dont les résultats ont été publiés a été menée en 2020 par le Sdes, lequel a cependant repris le modèle utilisé par l'Insee.

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Quand aurons-nous connaissance des premiers résultats de l'enquête en cours ?

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Christel Colin, directrice des statistiques démographiques et sociales de l'Insee

Nous ne faisons pas d'estimations sur la base d'échantillons partiels : il faudra donc attendre la fin de la collecte des données, en juin 2024.

L'enquête nationale sur le logement permet de décrire finement et précisément le parc et ses occupants, la qualité de l'habitat, d'estimer les dépenses de logement et le taux d'effort des ménages, de recueillir l'opinion de ces derniers sur leur logement et d'appréhender les phénomènes de mobilité résidentielle. Elle permet de travailler avec une certaine profondeur historique et de suivre l'évolution des données. La taille de l'échantillon utilisé est assez importante puisque la collecte en cours concerne 27 000 ménages de France métropolitaine auxquels s'ajoutent 2 000 ménages dans chaque département d'outre-mer. Nous pouvons ainsi exploiter les données relatives à des populations spécifiques et nous intéresser, par exemple, aux ménages aux plus bas revenus ou aux personnes hébergées chez des tiers.

Les analyses sur le logement réalisées par l'Insee comme par le Sdes mobilisent également assez fortement les données fiscales : nous utilisons ainsi les fichiers du cadastre, des impôts, et avons construit divers systèmes d'information permettant de connaître les logements, leurs occupants et leurs mutations.

Certains dispositifs permettent un suivi des loyers et des prix des logements neufs et anciens. Nous ne nous intéressons pas à des montants moyens mais à des prix ou loyers « à qualité constante » ; en d'autres termes, nous neutralisons l'augmentation liée à l'amélioration de la qualité des logements. Ces données alimentent notamment le poste « loyers » de l'indice des prix à la consommation, qui permet de suivre l'inflation.

J'en viens aux résultats de nos enquêtes s'agissant du parc de logements. En janvier 2023, la France comptait 37,8 millions de logements ordinaires – sans compter les logements communautaires, par exemple inclus dans les maisons de retraite – dont 56 % de logements individuels et 44 % de logements collectifs. Le taux de croissance annuel du parc a été relativement stable, autour de 1,2 %, jusqu'en 2008, année à partir de laquelle il a diminué ; il s'est établi entre 1 % et 1,1 % entre 2008 et 2017 et est encore plus faible depuis 2017, avoisinant 0,9 %. La croissance du nombre de logements individuels, en particulier, n'a cessé de ralentir depuis la fin des années 2000.

Parmi les 37,8 millions de logements dénombrés en janvier 2023, 82 % étaient des résidences principales, 10 % des résidences secondaires ou des logements occasionnels et 8 % des logements vacants. Cette répartition a assez peu évolué en quarante ans – vous pourrez le constater en comparant les graphiques de 1983 et de 2023 –, même si la part des logements vacants et des résidences secondaires a légèrement augmenté. Je précise que les vacances de logement peuvent être de courte durée, frictionnelles, ou au contraire plus structurelles.

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Vous expliquez que la part de logements vacants s'est accrue ces dernières années. Vos graphiques montrent aussi que le ralentissement de la croissance du parc de logements s'est arrêté en 2021. N'y aurait-il pas un lien de cause à effet entre ces deux tendances : la hausse de la part de logements vacants ne peut-elle pas s'expliquer par l'augmentation du nombre de logements produits, les Français ayant plutôt tendance à vouloir occuper un logement neuf ?

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Christel Colin, directrice des statistiques démographiques et sociales de l'Insee

Je ne saurai répondre précisément à votre question pour la période récente. Cependant, il ressort effectivement des études portant sur la vacance des logements – le Sdes en a encore publié une hier – que l'ancienneté de ces derniers est un facteur déterminant. Autrement dit, si l'on fait abstraction des éventuelles tensions territoriales, notamment dans les zones touristiques, ce sont plutôt les logements plus anciens, moins confortables, qui sont vacants.

Au cours de la dernière décennie, le nombre de résidences secondaires et de logements vacants a augmenté un peu plus vite que l'ensemble du parc.

Penchons-nous maintenant sur le statut d'occupation des logements. Début 2023, 57 % des ménages étaient propriétaires de leur résidence principale. Ce taux, atteint il y a déjà quelques années, est relativement stable. Parmi ces ménages propriétaires, 37 % n'ont plus de charges de remboursement tandis que 20 % sont accédants à la propriété et ont, à ce titre, des prêts à rembourser. En début d'année, 40 % des ménages étaient locataires, dont 18 % dans le parc public et 22 % dans le parc privé. Enfin, 3 % des ménages étaient logés gratuitement.

La part des propriétaires sans charges de remboursement a nettement augmenté entre 1983 et 2003, mais très peu depuis. À l'inverse, la part des accédants à la propriété a un peu diminué entre 1983 et 2003 mais est restée quasi stable au cours des vingt dernières années. Ainsi, cette structure bouge très peu depuis vingt ans.

Vous avez souligné, monsieur le rapporteur, l'importance de la question des étapes de la vie. En effet, le statut d'occupation varie selon l'âge et la composition des ménages : les plus âgés sont plus souvent propriétaires non-accédants que les autres ; les propriétaires accédants sont les plus nombreux entre 30 et 49 ans. La part des locataires dans le secteur libre diminue très nettement avec l'âge : elle passe de plus de 70 % pour les moins de 25 ans à un peu plus de 10 % pour les 80 ans et plus. En revanche, la part des locataires dans le secteur social est plus stable.

Il faut du temps pour accéder à la propriété ou à un logement social et, une fois acquis, ces statuts sont souvent conservés. On sort plus souvent du secteur libre, que ce soit pour accéder à la propriété ou pour trouver une location dans le secteur social – le turnover est, de fait, plus important. Inversement, l'ancienneté des occupants est plus élevée dans le secteur social que dans le secteur libre : de nombreux logements sociaux ont été construits dans les années soixante et soixante-dix, dont les occupants ont vieilli.

Le statut d'occupation peut également être analysé en fonction de la composition des ménages. Assez logiquement, les personnes en couple sont plus souvent propriétaires, tandis que les personnes seules et les familles monoparentales sont plus souvent locataires : les chiffres dont nous disposons montrent que plus de 60 % des familles monoparentales sont locataires.

Vous nous avez également interrogés sur les ménages multipropriétaires. Grâce à une nouvelle source dont dispose l'Insee, nous avons pu étudier cette question assez finement. Nous avons ainsi constaté qu'un quart des ménages vivant en France étaient propriétaires de plusieurs logements et que ces multipropriétaires détenaient les deux tiers du parc de logements occupés par des particuliers. Il y a donc une certaine concentration de la détention. Pour aller dans le détail, 34 % des ménages possèdent un logement ; 13 % en possèdent deux, représentant un quart du parc ; 11 % en possèdent trois ou plus, représentant près de la moitié du parc.

La moitié des ménages multipropriétaires mettent au moins un de leurs logements en location. La propriété de ces logements en location est, elle aussi, très concentrée puisque 3,5 % des ménages en détiennent la moitié. Je parle évidemment ici du parc privé, c'est-à-dire des logements détenus par des particuliers, et non par des bailleurs publics. Nous avons publié dans notre étude des cartes qui illustrent la concentration de ces situations dans certains territoires, notamment dans certains centres-villes.

Le sujet des prix et des loyers est une autre dimension importante de la thématique du logement. Les données que nous présentons sont à qualité constante : en d'autres termes, la hausse des prix liée à l'amélioration de la qualité des logements, c'est-à-dire au fait que ces derniers soient plus grands et plus confortables, est neutralisée.

Depuis 2000, les prix des logements neufs et anciens augmentent beaucoup plus vite que les loyers d'habitation et, surtout, que le revenu disponible moyen des ménages : alors que ce dernier a été multiplié par 1,5, le prix des logements à l'achat l'a été par 2,7 environ. Du fait de ces évolutions très différenciées, ceux qui détiennent un patrimoine bénéficient d'une forte valorisation de celui-ci, tandis que ceux qui n'en possèdent pas encore se heurtent à une importante barrière à l'entrée.

Les dynamiques des prix dans le neuf et dans l'ancien ne sont pas très différentes.

Chronologiquement, on a constaté une forte croissance des prix des logements au cours de la décennie 2000, suivie d'une légère baisse, de quelques oscillations puis d'une nouvelle hausse depuis 2016. Depuis trois trimestres, nous sommes entrés dans une phase de baisse des prix des logements, à qualité constante, et ces évolutions sont un peu plus marquées en Île-de-France.

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Imputez-vous cette baisse des prix au décrochage de la demande solvable, lié au relèvement des taux d'intérêt et au renchérissement du coût des crédits pour les ménages emprunteurs ?

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Christel Colin, directrice des statistiques démographiques et sociales de l'Insee

Nous n'avons pas publié d'analyses sur ce point, mais on peut effectivement penser que ces facteurs sont déterminants : du fait du renchérissement des crédits, les ménages sont moins solvables et ont une moindre capacité d'emprunt pour acheter un logement, ce qui peut avoir tendance à faire baisser les prix des biens immobiliers.

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L'effet de l'évolution de la réglementation énergétique et de la lutte contre les passoires thermiques est-il perceptible ?

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Christel Colin, directrice des statistiques démographiques et sociales de l'Insee

Voulez-vous dire que les vendeurs seraient pressés de se débarrasser des logements pouvant être qualifiés de passoires thermiques, avant qu'ils n'aient plus le droit de les louer ? Nous ne disposons pas d'éléments permettant d'étayer cette hypothèse de manière suffisante : nous n'avons, par exemple, pas de données relatives aux diagnostics de performance énergétique (DPE).

Depuis la fin des années quatre-vingt, les loyers ont connu une hausse presque ininterrompue. Cette hausse a été un peu plus élevée, surtout en début de période, dans le secteur libre que dans le secteur social. Cette tendance est beaucoup plus régulière que l'évolution des prix d'achat, dont la hausse est plus nette mais ne prémunit pas contre certaines baisses significatives.

S'agissant, en dernier lieu, des conditions de logement, vous avez souligné la nécessité, pour nos concitoyens, d'occuper un logement correspondant à leurs besoins. Il est donc intéressant d'analyser les caractéristiques des logements, leur confort ainsi que l'opinion des ménages à leur sujet. Nous appréhendons principalement cette question à partir des enquêtes logement. Les chiffres que nous présentons sont essentiellement issus de celle réalisée par le Sdes, qui est la plus récente puisqu'elle date de 2020, mais l'Insee publie des données similaires depuis les années 1980.

Cette dernière enquête indique que 79 % des ménages jugent leurs conditions de logement satisfaisantes ou très satisfaisantes en 2020 – un pourcentage en légère progression par rapport à celui de 2013. Toutefois, cette appréciation varie énormément en fonction des personnes et des conditions d'occupation des logements : 90 % des propriétaires se déclarent satisfaits de leurs conditions de logement, mais le pourcentage tombe à 63 % pour les locataires de manière générale, et même à 56 % pour ceux du parc social collectif.

Le taux de satisfaction dépend de nombreux critères tels que la taille ou les défauts du logement, que je vous propose de passer en revue. Sur longue période, depuis les années 1970, la taille des logements a nettement augmenté, qu'elle soit calculée en surface globale, en nombre de mètres carrés par occupant ou en nombre de pièces.

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Avez-vous des comparaisons avec d'autres pays sur ce point ?

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Christel Colin, directrice des statistiques démographiques et sociales de l'Insee

Je n'ai pas ces données sous la main, mais elles existent et je pourrai vous les communiquer ultérieurement.

En France, la taille des logements augmente depuis les années soixante-dix, mais les logements collectifs sont nettement plus petits que les logements individuels et la surface dont dispose chaque occupant varie en fonction de son âge. La surface disponible par personne est de 51,2 mètres carrés en moyenne, mais elle est seulement de 35 mètres carrés pour les 30-39 ans et peut atteindre plus de 70 mètres carrés pour les personnes de 75 ans et plus.

À partir de ces données, nous avons calculé des indicateurs de surpeuplement ou de sous-peuplement, en fonction d'une norme de nombre de pièces requis compte tenu de la taille et de la composition du ménage. Pour l'élaboration de cette norme, on part ainsi du principe que deux enfants de moins de 7 ans peuvent partager une chambre, mais que les plus âgés doivent disposer d'une chambre chacun. Pour un couple avec deux enfants de plus de 7 ans, on considère donc que la taille standard du logement est de quatre pièces : une salle de séjour, une chambre pour les parents, une chambre pour chacun des deux enfants. On estime que le logement est surpeuplé quand il manque au moins une pièce par rapport à la norme, et qu'il est sous-peuplé quand il dispose au moins d'une pièce en plus. C'est un indicateur important du confort des logements et surtout de l'adéquation entre le logement et ses occupants. En se fondant sur le nombre de pièces plutôt que la surface, l'indicateur permet de tenir compte de notions telles que l'intimité et la possibilité de s'isoler.

En moyenne, 8 % des ménages vivent dans un logement surpeuplé, mais le taux atteint 16 % pour les 30-39 ans ; à l'inverse, les logements occupés par des personnes plus âgées sont fréquemment sous-peuplés. Les études qui portent sur les difficultés de logement s'intéressent d'ailleurs plutôt au surpeuplement.

Les défauts les plus courants des logements ont été listés dans l'enquête du Sdes : fenêtres mal isolées, vis-à-vis de moins de dix mètres, manque d'aération, problème d'isolation du toit ou des murs, traces d'humidité sur les murs et logement difficile à chauffer. Les propriétaires sont moins nombreux à faire état de tels défauts que les locataires, ce qui est logique. En revanche, le taux de locataires à s'en plaindre n'est pas systématiquement plus élevé dans le parc social ou dans le parc privé, tout dépend du type de défaut mis en avant.

L'enquête est une donc illustration concrète des conditions de logement. Elle a aussi recensé treize défauts graves qui vont de l'absence de toilettes, d'eau courante, de douche ou de baignoire, de chauffage ou de cuisine à une installation électrique dégradée, en passant par des infiltrations ou inondations dues à la plomberie. Un tiers des ménages occupe un logement qui présente un ou plusieurs de ces défauts graves de confort. Ce sont plus souvent des locataires que des propriétaires.

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Cette liste est très intéressante, notamment pour qui voudrait proposer des mesures en faveur de l'amélioration de l'habitat et de ses performances énergétiques. En revanche, je m'étonne de ne voir aucun critère concernant les besoins quotidiens tels que la proximité des services et des réseaux de transport.

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Christel Colin, directrice des statistiques démographiques et sociales de l'Insee

Vous avez raison : l'environnement du logement a son importance, comme on le voit dans les souhaits de mobilité des ménages. Nous avons retenu quelques-uns de ces défauts d'environnement : l'éloignement des services, cité par 9 % des personnes ; les problèmes de pollution, évoqués dans 5 % des cas, un taux qui a augmenté au cours des dix dernières années ; les problèmes de délinquance, violence ou vandalisme dans les environs ; les difficultés d'accès, notamment l'éloignement des transports en commun. Ces défauts d'environnement, notamment la pollution, sont plutôt en hausse depuis l'enquête de 2013 ; ils varient selon les territoires, les avantages des uns étant les inconvénients des autres : les habitants des territoires ruraux souffrent moins de la pollution mais sont plus éloignés des services, et vice-versa.

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Avez-vous des indicateurs par territoire ou par région, qui nous permettraient d'observer ces disparités ? De même, il serait intéressant de détailler par tranches d'âges et régions pour que nous puissions formuler des propositions adaptées en fonction des attentes des différents publics. Pourriez-vous aussi revenir sur la manière dont vous définissez un logement « éloigné des services » ? S'il existe des données concernant la délinquance, il me paraît en effet moins évident de mesurer la présence des services. Qu'est-ce qu'un service ? Qu'est-ce qu'un logement éloigné des services ?

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Christel Colin, directrice des statistiques démographiques et sociales de l'Insee

Ces enquêtes sont fondées sur les déclarations des ménages, leur opinion, leur ressenti. Nous n'allons pas chez eux vérifier le nombre de pièces, l'absence d'eau chaude ou la proximité des transports en commun. Nous leur demandons si leur logement est accessible par les transports en commun, s'il est proche des commerces, s'il y a des espaces verts dans les environs, s'ils sont confrontés à des problèmes de pollution ou d'insécurité. Tout est déclaratif.

S'agissant des différences territoriales, nous distinguons l'aire de Paris, puis des périmètres autour des villes très grandes, grandes, moyennes et plus petites. Les réponses aux questions sur les défauts d'environnement varient en effet beaucoup selon les territoires. Un tiers des ménages vivant dans des aires de moins de 200 000 habitants évoque des difficultés d'accès aux transports en commun ou le manque de commerces dans les environs, problèmes qui ne concernent quasiment aucun Parisien. À l'inverse, l'accessibilité par la voiture sera plus compliquée pour les urbains que pour les ruraux. Les quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV) donnent aussi lieu à une exploitation des données spécifique, afin d'y mesurer l'ampleur de ces défauts d'environnement. En ce qui concerne les classes d'âge, il faudrait que je regarde quelles sont les données disponibles.

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Il serait intéressant de mesurer les effets de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains (SRU), adoptée en 2000. Existe-t-il une étude effectuée ou en cours sur la manière dont les gens voyaient leur logement et son environnement en l'an 2000 et maintenant, à quasiment une génération d'écart ? Cette loi SRU a-t-elle apporté des solutions ou créé de nouveaux problèmes ?

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Christel Colin, directrice des statistiques démographiques et sociales de l'Insee

Les mêmes enquêtes ayant été réalisées en 1996, 2001 et 2020, il serait tout à fait possible d'en tirer des analyses en matière de confort et d'environnement des logements.

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De telles études sont des aides à la décision.

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Christel Colin, directrice des statistiques démographiques et sociales de l'Insee

L'avantage de ces enquêtes est que le questionnaire est relativement stable, même s'il faut y intégrer de nouvelles préoccupations.

Nous voulions enfin aborder le thème du changement de logement. Dans les enquêtes, 18 % des ménages indiquent souhaiter changer de logement hors de toute contrainte liée à une mobilité professionnelle obligatoire ou autre, ce taux montant à un tiers pour les jeunes adultes. Ce souhait répond à une envie d'accéder à la propriété pour ceux qui sont locataires ou d'améliorer ses conditions de logement. Cette volonté de mobilité est donc plus manifeste parmi les locataires – souvent plus jeunes et désireux d'accéder à la propriété – et aussi parmi les ménages qui vivent en habitat collectif. Dans la précédente étude, les raisons des mobilités avaient fait l'objet de développements plus importants, mais on peut imaginer qu'elles sont assez structurelles.

Voilà le panorama général des types de données dont nous disposons à l'Insee pour éclairer ces thématiques.

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Qu'en est-il des logements vacants ? Vous a-t-on demandé des études sur ce sujet, afin d'évaluer leur nombre, leur répartition sur le territoire, la manière dont leur part a évolué au cours des dernières années, les raisons de cette vacance et les façons d'y remédier ?

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Christel Colin, directrice des statistiques démographiques et sociales de l'Insee

Chaque année, lorsque nous décrivons le parc de logements, nous mesurons la part de ceux qui sont vacants. Celle-ci se situe à 8 %, ce qui représente environ 3 millions de logements, toutes raisons de vacance confondues.

L'étude publiée hier par le Sdes ne retient que les logements vacants depuis plus d'un an – ce qui en élimine la moitié, ceux qui correspondent à une vacance « frictionnelle », comme une période de travaux entre deux locataires. Cette vacance de plus ou moins longue durée peut être due à la qualité insuffisante du logement, à des questions de succession, au départ en maison de retraite de personnes âgées ou à des causes plus difficiles à évaluer dans les zones où il n'y a pas vraiment de pression immobilière.

Du côté de l'Insee, nous allons publier mi-janvier un bouquet d'études sur les logements vacants, toutes durées confondues : l'étude nationale sera complétée par des déclinaisons effectuées par les directions régionales de l'Institut. Nous allons évaluer les taux de vacance et leur évolution au cours des dernières années, notamment dans les zones tendues. Ces études n'étant pas encore publiées, je ne peux pas vous en donner les résultats, mais elles pourront éclairer vos travaux s'ils ne sont pas terminés.

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Nous avons reçu des professionnels du bâtiment qui se sont montrés assez dubitatifs sur le nombre de logements vacants apparaissant dans les statistiques produites par l'Insee. Notre difficulté est de savoir s'il existe véritablement une « manne » à exploiter, pour peu que nous sachions nous y prendre pour remettre sur le marché des logements vétustes, bloqués dans des processus de succession ou voués à faire l'objet d'une démolition-reconstruction. Alors que nous devons respecter l'objectif « Zéro artificialisation nette », cette vacance doit pouvoir être utilisée pour accueillir de nouvelles populations, des familles ou des seniors, d'autant que toutes les commodités sont déjà présentes. D'où l'importance de telles études.

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Christel Colin, directrice des statistiques démographiques et sociales de l'Insee

Nous pourrons vous communiquer toutes ces descriptions et analyses qui vous aideront à réfléchir aux solutions, notre rôle n'étant pas de faire des préconisations.

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Disposez-vous de quelques analyses sur la politique du logement et les effets des mesures prises depuis une vingtaine d'années en matière de soutien à l'investissement locatif et d'accès à la propriété ?

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Christel Colin, directrice des statistiques démographiques et sociales de l'Insee

La plupart de nos études décrivent le parc de logements et la manière dont il évolue. Nous pouvons vous orienter vers des études réalisées par des universitaires ou des chercheurs sur les politiques d'investissement locatif ou sur l'effet des aides au logement.

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Que pouvez-vous nous dire des logements pour étudiants, dont tout le monde s'accorde à penser qu'ils sont en nombre insuffisant ? Quelles sont les attentes des étudiants en la matière ?

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Christel Colin, directrice des statistiques démographiques et sociales de l'Insee

Je crains de ne pas avoir grand-chose à apporter à votre réflexion dans ce domaine.

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Autre question qui se pose dans le cadre de la présente mission d'information : l'adaptation du parc de logements aux évolutions « sociodémographiques » de la population – par ce terme générique, on peut faire référence au vieillissement de la population, à l'évolution de la sociabilité, à l'existence de nombreuses familles recomposées ou monoparentales. Au regard de la masse de données que vous avez collectées et analysées, quelle appréciation globale portez-vous sur cette problématique ? Le parc, y compris dans ses segments collectif et privé, s'adapte-t-il ? Sera-t-il en mesure de satisfaire des besoins et des attentes évolutifs ?

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Christel Colin, directrice des statistiques démographiques et sociales de l'Insee

Nous documentons l'évolution de la population à partir de différentes hypothèses et nous prévoyons un vieillissement important au cours des années à venir. Nous en déduisons que, en raison de la réduction de la taille des ménages, les besoins concerneront des logements plus petits et adaptés aux personnes âgées. Une autre tendance qui se dessine, quoique de façon moins massive, est celle d'une réduction de la taille des ménages liée à d'autres facteurs que le vieillissement : il y a quelques décennies, le nombre moyen de personnes par ménage était de 3 ; aujourd'hui, il est de 2,2. Nous publierons au mois de janvier prochain des projections sur le nombre de ménages qui pourront vous éclairer sur la future demande de logements.

Nous documentons également l'évolution des modes de vie et nous observons des tendances contradictoires, avec une augmentation à la fois du nombre de séparations – et donc une augmentation des besoins de petits logements – et du nombre de familles recomposées, qui ont besoin de logements plus grands.

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Les attentes des seniors en termes de logement ont évolué, mais la plupart des logements qui leur sont destinés n'ont pas évolué depuis trente ans. Les logements répondant à ces attentes sont en nombre encore insuffisant et ceux qui existent résultent le plus souvent d'initiatives individuelles. Nous souhaitons anticiper ces besoins, notamment ceux liés à l'autonomie, afin de pouvoir construire des logements y répondant sur les territoires auxquels les habitants sont légitimement attachés et leur éviter ainsi d'avoir à habiter ailleurs. Cela permettrait également de libérer de grands logements, plus adaptés aux familles.

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Christel Colin, directrice des statistiques démographiques et sociales de l'Insee

Nous ne disposons malheureusement pas d'informations précises sur les attentes en termes de logement et je crains que celles que nous publions, notamment sur les souhaits de mobilité par âge, ne répondent pas vraiment à votre question.

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Elles seraient pourtant précieuses, tant pour les maîtres d'ouvrage – elles leur permettraient notamment d'évaluer la profitabilité d'une opération – que pour les territoires, dont certains sont plus attractifs en raison des services d'autonomie qu'ils offrent aux seniors et de la vie sociale à laquelle ceux-ci peuvent participer.

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Christel Colin, directrice des statistiques démographiques et sociales de l'Insee

Je voudrais dire un mot sur l'échelle, nationale ou européenne, des statistiques sur le logement.

L'enquête sur le logement, que l'Insee mène depuis les années 1950, n'est pas réalisée à l'échelle européenne, à la différence, par exemple, de l'enquête sur l'emploi. Toutefois, l'enquête européenne sur les ressources et les conditions de vie comporte des informations sur le logement, notamment sur leur confort – la part des individus vivant dans un logement surpeuplé, par exemple –, sur le taux d'effort des ménages pour le logement et sur les privations, qui concernent notamment le chauffage. Ces informations ne sont toutefois pas ventilées par âge ou par composition familiale.

À la différence des politiques de lutte contre la pauvreté, qui sont suivies par un ensemble d'indicateurs très harmonisés, les politiques de logement me semblent être moins suivies.

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La moitié du parc locatif est détenue par 3,5 % des propriétaires bailleurs : vu l'ampleur de leur parc, ils ne sont plus de simples propriétaires, mais de véritables entreprises employant des gestionnaires de biens. Disposez-vous d'informations sur les incitations et les freins à l'investissement dans l'immobilier en vue de la location ? Il faut élargir cette assiette de 3,5 % et donner aux Français confiance dans la pierre.

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Christel Colin, directrice des statistiques démographiques et sociales de l'Insee

Parmi les 7,3 millions de ménages multipropriétaires, la moitié met en location au moins un des logements possédés, l'autre moitié ne le faisant pas pour des raisons diverses – ces logements peuvent constituer, par exemple, leur résidence principale et une ou plusieurs résidences secondaires. Parmi les trois millions de ménages propriétaires bailleurs, seuls certains détiennent beaucoup de logements qu'ils ne gèrent pas eux-mêmes et 3,5 % sont propriétaires de la moitié du parc locatif.

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S'agissant du taux d'effort que représente le logement sur le budget des ménages, observez-vous des fluctuations ? Dans les périodes où il s'alourdit, au détriment de quels postes cela joue-t-il ?

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Christel Colin, directrice des statistiques démographiques et sociales de l'Insee

Nous ne suivons pas cet indicateur année après année, mais plutôt en tendance. Clairement, le taux d'effort lié au logement – achat, loyer, chauffage – a augmenté depuis le début des années 2000, mais nous n'avons pas documenté les inflexions fines de cette hausse, ni quels postes ont pu en pâtir. Nous savons que le loyer n'est pas le principal facteur puisque sa hausse a suivi celle des revenus. Depuis la fin de l'année 2021, l'inflation, notamment énergétique, a joué de façon importante. Bien que nous ne l'ayons pas mesurée en termes de taux d'effort, nous suivons l'inflation de façon différenciée en fonction du mode de chauffage des logements – ce sont ainsi les ménages ruraux se chauffant au fioul qui en ont le plus pâti – et du niveau de vie.

Membres présents ou excusés

Réunion du jeudi 7 décembre 2023 à 14 h 00

Présents. – M. Mickaël Cosson.