Intervention de Marianne Thyssen

Réunion du 15 février 2017 à 16h30
Commission des affaires européennes

Marianne Thyssen, commissaire européenne en charge de l'emploi, des affaires sociales, de la formation et de la mobilité professionnelle :

Il sait exactement ce qui se passe, mais c'est difficile de prédire quelle sera l'issue des négociations.

Une question concerne l'accès à l'allocation chômage. Le règlement 883 sur la coordination des systèmes de sécurité sociale vise à éviter qu'un travailleur passant d'un pays à un autre ne tombe entre deux sièges. S'il se retrouve au chômage, il doit évidemment remplir les conditions du pays où il est pour toucher des indemnités. La question est de savoir si la période de travail de référence, qui permet d'ouvrir ces droits, inclut les périodes travaillées dans un autre État membre, avant l'arrivée dans le pays en question. En l'état actuel de la législation, ces périodes doivent être comptées et l'ouverture des droits peut se faire très vite, même si la personne n'a travaillé qu'une semaine dans le nouveau pays. Ce délai nous paraît être trop court et inciter aux abus. Nous proposons donc d'amender le règlement 883 dans le sens suivant : la personne devra avoir travaillé au moins trois mois dans son nouveau pays, avant de pouvoir demander à agréger ses périodes de travail précédentes pour éventuellement prétendre aux allocations chômage.

Que penser d'un système d'assurance chômage pour l'Europe ? Des études existent, l'une ayant été faite à l'initiative de mon prédécesseur par des think tanks et des experts. Cette possibilité est envisagée comme un système stabilisateur permettant aux États membres de mieux résister aux chocs asymétriques. En revanche, il paraît irréaliste d'imaginer un système où les chômeurs seraient indemnisés directement par le budget européen. L'idée d'un mécanisme de réassurance semble plus réalisable. Quoi qu'il en soit, il faut accroître la convergence des régimes actuels d'allocations chômage qui diffèrent d'un pays à l'autre sur à peu près tout : conditions d'accès, taux de couverture, montant et durée de l'allocation, mécanismes de contrôle et de mobilisation des chômeurs, etc. Travaillons déjà sur la convergence, nous verrons ensuite s'il est possible d'aller plus loin.

Tout ne va pas bien en Europe, mais j'en ai assez d'entendre partout ces propos dépressifs, comme si nous n'étions pas sortis de la crise économique et financière. Depuis mon entrée en fonction, je constate que le taux de chômage reste stable ou diminue mois après mois ; le taux de croissance économique est positif pour le quinzième trimestre consécutif. L'évolution est tout de même positive et tout n'est pas mauvais même si nous sortons d'une crise et que nous allons affronter d'autres défis : changements géostratégiques, mondialisation, numérique, vieillissement de la population, etc.

Nous devons nous adapter et trouver des solutions. Quand on a trop de jeunes sans travail, on doit faire quelque chose pour eux. J'en viens ainsi à la garantie pour la jeunesse, engagement pris par l'ensemble des pays de l'Union européenne de veiller à ce que tous les jeunes âgés de moins de vingt-cinq ans puissent bénéficier d'une offre d'emploi, d'une formation, d'un apprentissage ou d'un stage dans les quatre mois qui suivent la perte de leur emploi ou la fin de leurs études. C'est très important. Je vais lutter pour soutenir cette garantie avec des fonds européens pour autant qu'il y en ait besoin dans des États membres. L'un de vous m'a demandé s'il était possible d'élargir le bénéfice de cette garantie aux jeunes âgés de vingt-cinq à trente ans. C'est déjà possible. Les pays membres peuvent décider de le faire avec le soutien du Fonds pour l'initiative des jeunes.

S'agissant du FEAD, nous luttons pour son maintien. Il est doté de 3,8 milliards d'euros pour la période 2014-2020. Tous les États membres l'utilisent : même les États riches comptent des citoyens pauvres. Le taux de cofinancement a été fixé à 15 %, ce qui est faible, car ces taux s'élèvent souvent à 50 %, voire plus. Nous voulons être aussi généreux que possible.

Quant à l'harmonisation des pratiques sociales, c'est en effet un sujet essentiel. C'est dans cette perspective que nous souhaitons mettre en place le socle européen des droits sociaux que j'évoquais ; les États membres, les partenaires sociaux et les institutions européennes doivent travailler ensemble à imaginer cette boussole commune. Nous souhaitons, je le redis, une convergence vers le haut – qui, contrairement à la convergence vers le bas, nécessite une action, des efforts.

S'agissant du transport, il relève de la responsabilité de Mme Bulc, mais nous travaillons ensemble. Nous attendons le paquet « transports », qui devrait être publié avant l'été 2017. Il comprendra des dispositions spécifiques sur le détachement dans le secteur.

En ce qui concerne les régions ultra-périphériques, votre suggestion concernant Erasmus me paraît féconde, et nous essaierons de l'étudier pour la mettre en oeuvre. Je dois également me pencher sur le service militaire adapté, qui nous semble un dispositif intéressant, permettant de proposer aux jeunes une première solution au problème du chômage, particulièrement élevé dans ces régions.

La Suisse doit respecter les règles, malgré les référendums tendant à limiter l'entrée des citoyens européens. Nous continuons de négocier pour que ce pays mette bien en oeuvre les accords qu'il a signés, notamment sur la libre circulation.

S'agissant des taxis, je ne connais pas l'étude à laquelle vous faites référence.

En ce qui concerne les délocalisations intra-européennes, elles ont lieu depuis longtemps, depuis les années 1950 au moins. C'est l'une des règles d'un marché intérieur ; et toute délocalisation n'est pas mauvaise : certaines peuvent éviter à des entreprises de quitter tout à fait l'Europe. Mais nous devons nous organiser pour mettre en place un socle minimal de droits afin que la concurrence des dispositions fiscales et sociales des différents États ne soit pas à l'origine de délocalisations.

Mesdames et messieurs les députés, je vous suis très reconnaissante de votre soutien. Vous portez l'Europe dans votre coeur, je l'ai constaté. Le débat sur l'Europe sociale que nous avons mené aujourd'hui a lieu partout, et il faut le prendre au sérieux. Nous devons, tous ensemble, montrer aux concitoyens que l'Europe est là pour eux, qu'elle protège nos valeurs et nos principes, qu'il s'agisse des règles du monde du travail ou plus largement du vivre-ensemble dans nos sociétés. Pour cela, nous devons être unis pour affronter les défis du futur.

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