Intervention de Nicolas Sansu

Séance en hémicycle du 3 avril 2013 à 15h00
Sécurisation de l'emploi — Avant l'article 1er, amendement 4998

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaNicolas Sansu :

Je poursuis cet exposé historique, qui vise à souligner tout l'intérêt qu'il y a d'inscrire dans le code du travail cette disposition sur l'utilité sociale des entreprises.

La Constitution du 19 avril 1946 renouera avec la tradition républicaine de la proclamation constitutionnelle des principes économiques et sociaux. Ce texte consacre à ces droits un titre particulier et 18 articles. À la suite de l'échec du référendum constituant du 5 mai 1946, ces principes firent l'objet d'une synthèse et furent intégrés au préambule de la nouvelle Constitution qui instaure la Quatrième République.

C'est ce dernier texte qui constitutionnalise aujourd'hui certains principes essentiels de notre droit social. Les obligations sociales du préambule de 1946 imposent en particulier l'existence de conditions particulières en matière de licenciement.

L'exigence du respect d'un minimum social constitutionnel doit être une limite apportée au principe d'autonomie de la volonté – en l'occurrence, la liberté d'entreprendre. L'une des limites à ce principe réside dans les règles particulières, reconnues conformes à la Constitution, qui régissent les licenciements des salariés.

Dans le même sens, le Conseil constitutionnel considère dans sa décision du 28 mai 1983 que le premier droit d'un travailleur est celui d'obtenir un emploi : « Il appartient au législateur de poser les règles propres à assurer au mieux le droit pour chacun d'obtenir un emploi en vue de permettre l'exercice de ce droit au plus grand nombre possible d'intéressés. »

Néanmoins, la prudence de la formulation révèle que ce droit n'est pas un droit au plein-emploi permanent.

Pour finir, une jurisprudence particulièrement intéressante en dépit de la décision susvisée du 12 janvier 2002 : dans sa décision du 10 juin 1998, le Conseil admet en effet que « dans le contexte actuel du marché du travail », la réduction de la durée du travail décidée par le législateur n'est pas manifestement inappropriée à l'objectif de sauvegarde du droit à l'emploi, d'autant, précise le juge constitutionnel, que le sacrifice ainsi imposé à la liberté d'entreprendre est compensé par l'attribution aux entreprises de nombreuses aides financières.

Cette solution sera d'ailleurs confirmée par la décision du 13 janvier 2000, dans laquelle le Conseil constitutionnel juge qu'« en portant à 35 heures la durée légale du travail effectif, le législateur a entendu s'inscrire dans le cadre des cinquième et onzième alinéas du préambule de 1946. »

En conséquence, le Conseil considère que le législateur était fondé à limiter la liberté d'entreprendre, en particulier le pouvoir de direction et d'organisation de l'employeur, en subordonnant l'octroi de l'allègement de cotisations sociales à la signature d'un accord collectif sur la réduction du temps de travail.

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