Intervention de Éric Alauzet

Séance en hémicycle du 23 avril 2013 à 15h00
Déclaration du gouvernement en application de l'article 50-1 de la constitution sur le programme de stabilité de la france pour 2013-2017 débat et vote sur cette déclaration — Explications de vote

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaÉric Alauzet :

Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, le débat que nous menons aujourd'hui se déroule dans des conditions singulières.

Interrogé sur les politiques de réduction à marche forcée des déficits par la compression des dépenses publiques et la hausse des prélèvements obligatoires, Manuel Barroso a déclaré, hier, lors d'une conférence de presse : « Tout en pensant que cette politique est fondamentalement juste, je pense qu'elle a atteint ses limites. Pour réussir, une politique ne doit pas seulement être bien conçue, elle doit bénéficier aussi d'un minimum de soutien politique et social. »

Les prises de conscience sont multiples : il n'y a guère que sur les bancs de l'opposition qu'on ne veut pas voir les dégâts de l'austérité, les dégâts de la réduction de la dépense publique à outrance menée dans les pays occidentaux depuis quelques années. Vous êtes dans l'indifférence la plus totale, dans l'aveuglement, vous ne regardez pas les gens qui sont autour de vous. C'est regrettable.

Mais cette politique doit également produire des résultats. Car c'est bien là le problème : le traitement de cheval imposé à nos voisins espagnols, portugais, italiens, grecs, n'est pas simplement synonyme d'aggravation des inégalités sociales ou de contestations populistes dangereuses pour la démocratie : pire, la dette progresse et l'activité économique se contracte. Quand les résultats d'une politique se traduisent par une incapacité de vingt-six pays sur les vingt-sept à atteindre un équilibre budgétaire pourtant affiché comme un objectif, c'est que cette politique n'est pas bonne.

Oui, mes chers collègues, le débat aujourd'hui ne peut faire l'impasse sur ce qui est en train de devenir une nouvelle donne économique et politique. Après le FMI – oui, même le FMI –, c'est au tour des responsables politiques européens de constater que la réduction drastique de la dépense publique qui confine à l'austérité ne marche pas.

Cette prise de conscience n'est pour l'instant que verbale, et Mme Merkel veille à ce qu'elle ne se traduise pas en actes – du moins pas tout de suite : elle a des élections à gagner sur une fiction qu'elle entretient depuis trop d'années pour pouvoir l'abandonner si près du scrutin.

Alors, me direz-vous, pourquoi devrions-nous adopter une trajectoire budgétaire qui s'inscrit dans une sorte de pacte de confiance européen dont les termes sont en partie obsolètes puisque définis il y a plusieurs mois, du temps où M. Barroso et consorts n'avaient pas de doute, comme vous d'ailleurs ?

Nous, écologistes, voyons deux raisons principales pour ne pas refuser cette trajectoire, et une double condition.

Tout d'abord, il est essentiel à nos yeux de ne pas laisser croire que l'absurdité de la doxa européenne en matière budgétaire rendrait inutile l'objectif de réduction de la dette publique. Cette dette est une drogue qui a peu à peu rongé notre économie. C'est elle qui hypothèque l'avenir, abîme les peuples et fait le bonheur des institutions financières qui spéculent sur elle.

Ensuite, en raison des évolutions qui émergent dans ce programme de stabilité. Les objectifs de déficit sont plus raisonnables qu'initialement prévu, de même que la modération de la réduction des dépenses, puisqu'il est proposé 14 milliards de réduction de dépenses pour 2014, au lieu des 20 milliards prévus initialement et du fait du renforcement de la lutte contre la fraude fiscale et du débat qui émerge sur la lutte contre l'évasion fiscale.

La trajectoire affichée s'éloigne donc du carcan de la Commission pour se rapprocher de la réalité de ce qu'il est possible de faire. Nous agissons dans le cadre d'engagements européens qui devront évoluer en profondeur. Refuser de prendre en compte aujourd'hui le cadre défini par nos partenaires, ce serait nous interdire demain de faire évoluer ce cadre pour mener une action conjointe et résolue par la mobilisation de ressources propres à l'Union.

J'ai parlé des raisons de ne pas refuser cette trajectoire budgétaire. Je vous disais également que nous portons, nous écologistes, une double condition à sa réalisation : premièrement, la mise en oeuvre rapide de mesures environnementales dans la politique économique et financière de notre pays. Nous avons la conviction que, sans une fiscalité écologique intelligente, incitative et qui affrontera enfin les tabous comme celui du diesel et du kérosène aérien, il ne sera pas possible d'atteindre les objectifs de rentrées fiscales portés par cette trajectoire, notamment par la réduction des niches fiscales.

Nous avons également la conviction que la transition énergétique et les potentialités de développement d'activités nouvelles doivent être accélérées, car c'est là que se trouve le potentiel d'emplois sans lequel il ne pourra y avoir de redressement de notre économie et de nos finances publiques.

La seconde condition porte sur l'engagement d'aller au bout de la lutte contre l'évasion fiscale. Les prises de position européennes et du G 20 sont encourageantes. Il y a là une exigence de réussite pour desserrer l'étreinte des taux sur la baisse des dépenses publiques.

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