Intervention de Nicolas Dupont-Aignan

Séance en hémicycle du 20 juin 2013 à 15h00
Lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière-procureur de la république financier — Discussion générale commune

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaNicolas Dupont-Aignan :

Madame la présidente, madame la garde des sceaux, monsieur le ministre, mes chers collègues, la lutte contre la fraude fiscale est avant tout une exigence morale. Mais elle est aussi une exigence financière. Au moment où nos concitoyens, comme nos petites entreprises, sont accablés d’impôts, il est insupportable de savoir que de gros contribuables comme certaines multinationales s’exonèrent de toute règle commune.Pis encore, il est insupportable de savoir que des criminels détournent par la fraude à la TVA - dixit la Cour des comptes - entre 10 et 15 milliards d’euros chaque année.C’est pourquoi l’unanimité de la représentation nationale devrait se faire sur un tel sujet. La commission des affaires étrangères m’a chargé, avec mon collègue Alain Bocquet, de préparer un rapport sur les paradis fiscaux. Même si nous ne rendrons celui-ci qu’en septembre, nous avons, depuis six mois, reçu bon nombre de personnalités et enquêté dans certains paradis fiscaux. La gravité de la situation est toujours sous-estimée. L’ampleur des détournements, liée à une mondialisation financière hors de contrôle, menace la survie même des États démocratiques.Notre pays, quelle que soit la qualité des fonctionnaires qui oeuvrent à la lutte contre les fraudeurs, n’a pas à être fière de la faiblesse des moyens consacrés à la criminalité financière, ni de la tolérance implicite qui a régné pendant tant d’années à l’égard de ceux qui volent le peuple français. Car c’est bien de cela qu’il s’agit.Votre projet de loi va dans le bon sens. Bien entendu, je le voterai, même s’il n’est pas encore, à mon avis, à la hauteur des défis qui sont devant nous.Il contient des mesures techniques utiles, qui confortent des dispositions prises par le Gouvernement précédent. Vous voulez faire croire que, tout à coup, la France se mobilise. C’est vrai, il y a une réelle mobilisation. Mais vous n’allez pas fondamentalement au bout de votre logique. Les amendements de votre majorité constituent parfois des progrès, notamment sur les lanceurs d’alerte. Mais pourquoi ne pas aller plus loin ?Vous avez l’occasion historique, au moment où les États-Unis d’Amérique montrent le chemin avec la loi FATCA, au moment où l’Angleterre libérale se mobilise avec, par exemple, le recrutement de 700 enquêteurs pour mettre un terme aux « carrousels » de TVA – ils y ont réussi –, au moment où même un petit État comme la Belgique a mis en place une cellule de coordination entre l’autorité judiciaire et l’autorité fiscale, qui a mis fin à un milliard par an de fraude à la TVA : au même moment, vos services à Bercy nous expliquent qu’on est en train de réfléchir au logiciel et à la structure qui permettront de croiser uniquement les fichiers du fisc.Je vous demande, monsieur le ministre, madame la garde des sceaux, d’aller plus loin. Votre majorité a bien dû y penser, elle a dû se ranger, en fin de compte, aux arguments du pouvoir : pourquoi ne pas faire sauter ce monopole d’Ancien Régime, insupportable dans un État démocratique ? N’avons-nous pas payé suffisamment cher, en termes de discrédit politique, le fait que le ministre par qui doit passer toutes les demandes de poursuite avait lui-même un compte à l’étranger ? Et vous ne voulez pas faire sauter ce verrou ?Si vous voulez vraiment lutter contre la fraude fiscale, si vous voulez qu’en France, comme aux États-Unis, les voleurs aient peur et puissent s’attendre à de vraies peines de prison, vous devez faire sauter ce verrou, faire sauter la commission des infractions fiscales. Vous allez, et c’est un peu symbolique de l’action de votre Gouvernement, changer sa composition . Belle victoire, mais qui ne changera rien ! Car depuis dix ou quinze ans, il y a toujours, comme par hasard, mille affaires qui sont traitées par la CIF. Et si vous cherchez les peines de prison, il n’y en a quasiment pas.Vous allez rendre les peines plus dissuasives. Bravo ! Mais vous maintenez le verrou qui empêchera de saisir la justice, et vous maintenez la faiblesse des moyens.J’ai deux questions à vous poser, madame la garde des sceaux, monsieur le ministre.Il contient des mesures techniques utiles qui confortent des dispositions prises par le Gouvernement précédent. Vous voulez faire croire que, tout à coup, la France se mobilise. C’est vrai, il y a une réelle mobilisation. Mais vous n’allez pas fondamentalement au bout de votre logique. Les amendements de votre majorité constituent parfois des progrès, notamment sur les lanceurs d’alerte. Mais pourquoi ne pas aller plus loin ?D’abord, je voudrais avoir des informations précises sur l’accord que vous avez signé ou que vous vous apprêtez à signer avec l’administration américaine sur le FATCA. D’après ce que j’ai compris, nous livrerons aux États-Unis des renseignements qu’ils nous livreront pas pour les citoyens français qui ont des comptes à Miami ou ailleurs. Il n’y aura pas de réciprocité… Je voudrais savoir si c’est exact.Ensuite, j’aimerais que vous puissiez nous donner les éléments qui permettraient de traduire dans les faits votre volonté, que je ne nie pas, de lutter contre la fraude fiscale. Souvent, vous accusez le Gouvernement précédent, ce que j’avais fait moi aussi, d’avoir démuni les pôles financiers. Mais, chose curieuse, les magistrats des pôles financiers, que j’ai reçus, m’expliquent que, depuis un an, il n’y a pas vraiment eu de renforcement en greffiers, en inspecteurs, en juges. J’aimerais qu’après cette première année de mise en route vous donniez enfin des moyens aux pôles financiers. Il ne suffit pas de créer un poste de procureur pour que la justice de notre pays ait les moyens d’agir.Je voudrais également poser une question au ministre du budget. Il faut lutter contre la fraude fiscale mais, en même temps, il faut se poser la question de la pression fiscale. Si vous réussissez à reprendre de l’argent aux voleurs dans les « paradis » fiscaux qui minent nos États, qu’allez-vous en faire ? Vous servirez-vous de cet argent pour baisser les impôts insupportables qui pèsent sur nos petites entreprises, pour alléger le fardeau fiscal ou pour continuer une mauvaise politique économique ? Autrement dit, la lutte contre la fraude fiscale est certes très positive, et rien n’excuse la fraude, mais nous ne pouvons pas continuer à avoir les impôts les plus élevés dans tous les domaines par rapport à nos partenaires européens.C’est un peu symbolique de l’action de votre gouvernement, vous allez changer la composition de la CIF. Belle victoire, mais qui ne changera rien ! Car depuis dix ou quinze ans, il y a toujours, comme par hasard, 1 000 affaires qui sont traitées par la CIF. Et si vous cherchez les peines de prison, il n’y en a quasiment pas.Vous allez augmenter la dissuasion des peines, bravo ! Mais vous maintenez le verrou qui empêchera de saisir la justice et nous garderons la faiblesse des moyens.Dernière question : allez-vous enfin prendre des mesures contre Monaco, Andorre, le Liechtenstein, le Luxembourg ? Comment croire ces États quand ils affirment vouloir la transparence financière, alors que vous savez pertinemment qu’ils ne font aucun effort de transparence sur les trusts et les sociétés qui cachent les véritables bénéficiaires des comptes ou des sociétés offshore ?

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