Intervention de François de Rugy

Séance en hémicycle du 12 juin 2013 à 15h00
Conditions de privatisation de la société nationale corse méditerranée — Explications de vote

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrançois de Rugy :

Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, la création d’une commission d’enquête parlementaire est toujours la démonstration d’un échec, d’un dysfonctionnement. Dans le cas présent, nous constatons que beaucoup d’éléments semblent avoir amené à la disparition d’une entreprise qui, au final, aura profité à quelques fonds d’investissement.

Comment en sommes-nous arrivés là ? Qui peut avoir conduit une entreprise, la SNCM, qui faisait la fierté des régions Corse et Provence-Alpes-Côte d’Azur, à ne plus être que l’ombre d’elle-même, attendant à l’agonie le coup de grâce d’une injonction européenne ?

Cette entreprise était florissante, et rayonnait avec ses deux navires amiraux, le Danielle Casanova e t le Napoléon Bonaparte, d ont les noms traduisent ce lien entre la Corse et le continent.

Aujourd’hui, sept ans plus tard, où en sommes nous ? La SNCM a connu une descente aux enfers en termes d’activité, prise en étau entre la concurrence déloyale d’autres compagnies telle que Corsica Ferries et la vente de ses actifs, ses navires amiraux en premier lieu. Cet étau s’est traduit par une perte de 12 millions d’euros en 2012, pour un chiffre d’affaires de 300 millions.

Voilà de plus que l’Europe, à juste titre ou non, demande à la SNCM le remboursement de tout ou partie du concours public obtenu. Cela représente un montant de 230 millions d’euros, soit 75 % de son chiffre d’affaires actuel. Pire, l’entreprise est aussi menacée de devoir rembourser à l’office des transports de la Corse 220 millions d’euros au titre des services complémentaires. Au total, ces deux sommes représentent plus de 180 % du chiffre d’affaires de l’entreprise. Cela signifierait sans aucun doute la fin de la SNCM.

Si nous en sommes arrivés là, c’est bien à la suite d’un choix politique qui a amené à privatiser la SNCM en 2005 au profit d’un fonds d’investissement, Butler capital partners, qui a étrangement bénéficié de ces aides et de la bienveillance de l’État alors que son engagement était limité et plus faible que d’autres offres, dont celle de Connex. Ce fonds a réalisé une plus-value de 50 millions d’euros quelques années plus tard en sortant du capital pour revendre ses parts à Veolia transdev, qui n’est autre que la nouvelle dénomination de la société Connex, dont l’offre avait été repoussée en 2005 et qui a payé son entrée majoritaire dans le capital de la SNCM en 2008 bien plus cher que si elle avait été retenue trois ans plus tôt.

Il est important de rappeler que Veolia transdev est détenu en grande partie par la Caisse des dépôts et consignations, institution qui ne gère pas l’argent de l’État, mais l’épargne des Français collectée dans le cadre du livret A. Comment croire en un tel scénario de montage financier complexe, ne respectant aucune règle prudentielle habituelle, écartant le contrôle de l’État et de ses représentants ? Pourtant ce scénario s’est accompli, entraînant à sa perte toute une entreprise, ses 1 700 emplois directs, ainsi que l’économie complémentaire qu’elle générait.

Il est donc plus que nécessaire de remettre les choses à l’endroit. Cette commission d’enquête permettra, espérons-le, de faire toute la lumière sur ce mauvais feuilleton financier et ce drame social en devenir.

Malheureusement, aux problèmes de la SNCM ont succédé ceux de SeaFrance. Il n’y a pas de fatalité à ce que les sociétés de transport maritime de passagers ne fonctionnent pas en France. N’aurait-il pas fallu s’inspirer de ce qui se fait avec la Brittany Ferries, qui a aussi connu des difficultés, mais qui est une société de transport maritime ancrée dans la réalité de deux régions, la Bretagne et la Normandie, et qui assure des liaisons régulières dynamiques entre ces régions et les îles britanniques ?

Nous devons examiner le passé, afin de s’assurer que les intérêts de la nation et des Français n’ont pas été spoliés, et faire toute la vérité en la matière. Nous devons parallèlement soutenir toute initiative qui apporterait des garanties dans l’avenir afin que les intérêts collectifs soient assurés, notamment en donnant aux Parlementaires toute leur place dans le contrôle des choix de l’exécutif d’alors. C’est pourquoi nous voterons en faveur de la création de cette commission d’enquête parlementaire.

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