Intervention de Bernard Perrut

Séance en hémicycle du 9 septembre 2014 à 15h00
Adaptation de la société au vieillissement — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBernard Perrut :

Madame la présidente, madame la ministre, madame la secrétaire d’État, chers collègues, l’accroissement de l’espérance de vie est à la fois une chance et un défi, car il faut faire face à un nombre croissant de personnages âgées, qu’elles vivent à domicile ou en établissement.

On mesure à quel point l’enjeu est de taille, à quel point le défi ou, plutôt, les défis sont importants.

Il s’agit, tout d’abord, d’un défi de civilisation : il faut changer le regard que porte notre société sur les personnes âgées ; l’objectif est non pas simplement d’ajouter des années à la vie, mais de donner de la vie aux années.

Il s’agit également d’un défi en termes de cohésion sociale, qui concerne les solidarités et les relations intergénérationnelles. À cet égard, je veux réaffirmer ici le rôle essentiel de la famille et des aidants.

Il s’agit aussi d’un défi financier. Avec ces dépenses supplémentaires, c’est la préservation de notre modèle social qui est en jeu.

Il s’agit encore d’un défi en termes de pouvoir d’achat, car les frais liés à la dépendance et à la vie en établissement sont lourds pour les personnes âgées et les familles, qui font d’énormes sacrifices.

C’est aussi un défi en termes de simplification des procédures et des parcours, car tout est complexe : il faut connaître ses droits, organiser les aides à domicile et les soins. Comme beaucoup d’élus, je mesure chaque jour, dans ma ville, combien il est important d’innover dans ce domaine, par exemple en ouvrant un guichet unique d’accueil et d’accompagnement des personnes âgées et de leur famille, en valorisant le bénévolat, en encourageant les actions intergénérationnelles et la lutte contre la solitude, ou encore en créant un EHPAD adossé à un foyer logement, afin de prendre en compte, sur le même site, les besoins de chacun, lesquels évoluent d’ailleurs.

Ce texte prend en considération – ce que je salue – les proches des aidants et reconnaît un droit au répit ; c’est essentiel. Il témoigne aussi de la volonté de favoriser – beaucoup d’élus locaux le font déjà – les déplacements, les transports, le cadre de vie et l’accessibilité et, ce faisant, de renforcer le lien social, l’accès aux soins, à la culture et aux activités physiques. En effet, le maintien à domicile n’est pas le confinement à domicile. Bien au contraire, il doit favoriser un projet de vie personnel. La prévention et des aides précoces sont par conséquent indispensables. Vous en faites l’un des objectifs de ce texte ; j’y souscris pleinement.

Si le maintien à domicile constitue la priorité des Français, il faut que la revalorisation de l’APA à domicile permette une meilleure adaptation des plans d’aide et la diminution du reste à charge. Soyons cependant réalistes : l’augmentation des aides, avec quelque 355 millions d’euros supplémentaires, ne sera pas suffisante pour régler la question de la perte d’autonomie à domicile. De plus, le projet de loi fait reposer uniquement ce complément de financement sur la CASA, acquittée par les seuls retraités imposables. Il aurait d’ailleurs mieux valu que la CASA ne soit pas détournée de sa destination. En outre, l’évolution de l’APA ne doit pas se limiter à sa revalorisation. Il faut certainement réformer la grille AGGIR pour mieux prendre en compte les besoins en fonction du projet de vie de la personne et de son environnement humain, social et familial.

Ce texte n’est pas, à mon sens, à la hauteur de votre ambition pour le secteur des services à la personne. Vous les avez d’ailleurs déjà beaucoup fragilisés avec le plafonnement global des avantages fiscaux, l’augmentation de la TVA et la suppression du forfait, alors même qu’ils jouent un rôle essentiel dans nos villes et nos villages. Les associations, sur le terrain, avec leurs salariés, qui font un travail admirable, méritent plus de considération et davantage de moyens.

Que penser également des 40 millions d’euros prévus pour l’adaptation des logements aux contraintes de l’âge et du handicap ? Cette somme sera, bien sûr, bien insuffisante.

Qu’en est-il, par ailleurs, de la réduction des inégalités sociales et territoriales ? Vous la prônez à juste raison : il est effectivement nécessaire de s’attaquer au problème, car il existe des disparités entre les départements, mais quelle gouvernance proposez-vous, à l’heure où vous entendez précisément supprimer les conseils généraux ?

On ne peut, enfin, que regretter le report de la réforme de la dépendance, alors qu’il est essentiel de prendre en charge la perte d’autonomie – on sait combien de personnes âgées et combien d’EHPAD compte notre pays. Le financement des EHPAD, voilà une urgence, alors même que les prix ne cessent d’augmenter et que les moyens financiers et humains manquent. Quand allez-vous prévoir, aussi, un financement qui réduise de façon significative le reste à charge supporté par les résidents et les familles ?

Ce texte, madame la ministre, madame le secrétaire d’État, est plein de bonnes intentions, mais il n’apporte qu’une réponse trop partielle, avec seulement 645 millions d’euros pour traiter le problème du vieillissement de la population. Vous évitez, aujourd’hui, de poser la véritable question : celle du financement global de la prise en charge de la dépendance. Toutefois, je ne doute pas de votre bonne volonté, et j’exprime le souhait que vous puissiez, à terme, apporter la réponse que nous attendons.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion