Intervention de Christiane Taubira

Réunion du 18 décembre 2012 à 16h15
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Christiane Taubira, garde des Sceaux, ministre de la Justice :

C'est ce que je souhaite. Il peut même être vif, car je sais que, dans cette maison, la vivacité n'empêche pas la courtoisie nécessaire à la qualité des échanges.

La plupart des vingt-trois articles de ce texte – plus précisément les articles 4 à 23 – sont de coordination, modifiant le code civil et d'autres codes, lois et ordonnances. Le plus important est l'article 1er, qui ouvre le mariage aux couples de personnes du même sexe, en insérant un article 143 dans le code civil. Il réécrit en outre l'article 144 du même code, qui fixe les dispositions relatives à l'exigence d'un âge minimum. Il vise par ailleurs à permettre, sur le territoire national, la célébration du mariage d'un Français avec une personne de nationalité étrangère ou de deux personnes de nationalité étrangère dont la loi personnelle prohibe le mariage homosexuel, par dérogation à la règle selon laquelle les conditions de fond du mariage sont déterminées par la loi personnelle de chacun des époux. Le projet de loi précise cependant que le dispositif s'applique « sous réserve des engagements internationaux de la France ». En effet, la France a conclu avec une douzaine d'États des conventions bilatérales aux termes desquelles les États sont convenus de faire prévaloir la loi personnelle de chacun de leurs ressortissants.

Les articles 2 et 3 du projet de loi visent à modifier certaines dispositions du code civil relatives à l'adoption et à l'attribution du nom de famille. Je tiens à préciser, pour apaiser dès maintenant certaines inquiétudes qui se sont d'ores et déjà exprimées, que le projet de loi ne modifie que deux dispositions du titre VII du code civil. L'ouverture du mariage et de l'adoption à des couples de personnes du même sexe ne modifie pas le droit actuel : il ne s'agit pas de transformer le mariage, mais d'ouvrir le mariage existant. En conséquence, les dispositions concernant les couples hétérosexuels sont maintenues dans le code civil et, contrairement à un bruit largement propagé, les notions de père et mère ne sont pas supprimées de l'intégralité du titre VII du code civil.

S'agissant de l'attribution du nom dans le cas d'une adoption, le projet de loi adapte aux couples homosexuels les règles posées par la loi du 4 mars 2002 relative au nom de famille. Les parents pourront donc choisir le ou les noms des enfants, et si aucun choix n'est exprimé, l'ordre alphabétique s'imposera, de façon à assurer le même nom à l'ensemble de la fratrie.

Les articles suivants sont des articles de coordination, qui visent à modifier des codes, lois et ordonnances, pour assurer la cohérence de notre droit en introduisant dans ces textes les conséquences de cette ouverture du mariage et de l'adoption aux couples de même sexe.

Je rappelle aux élus que vous êtes que ce texte concrétise un engagement du programme présidentiel. Dès le mois de juin, la Chancellerie et le ministère de la Famille se sont mobilisés pour donner corps à cet engagement, notamment par le biais d'auditions communes de représentants d'institutions, d'associations ou des cultes, ainsi que de personnalités. Ces auditions ont mis en évidence des interrogations récurrentes sur des sujets tels que le statut du tiers, ou parent « social », l'ouverture de l'adoption aux couples pacsés, l'accès aux origines ou l'ouverture de la procréation médicalement assistée (PMA) aux couples de femmes. Le Gouvernement a souhaité maintenir ses arbitrages sur le mariage et l'adoption avant que nous n'entrions dans la phase du travail parlementaire.

Celle-ci a démarré avec force grâce au travail de vos rapporteurs, qui ont conduit 120 auditions, permettant à l'ensemble des députés de prendre la mesure des réalités sociologiques qui justifient la création de ces droits nouveaux, conformément à un souci d'égalité et de mise en cohérence de notre législation avec les évolutions de la société.

Les interrogations et les réticences que ce texte suscite permettent aux responsables politiques que nous sommes de mesurer la profondeur de l'empreinte que nous imprimons à la société. La résurgence, ces dernières semaines, de propos qui avaient paru ne jamais devoir revenir dans le débat public témoigne à la fois de la charge émotionnelle d'un tel sujet et de la responsabilité qui est la nôtre, non seulement d'apaiser, mais de faire avancer la société. Il revient à chacun de nous de faire en sorte que toute la passion et les interrogations que ce débat peut susciter ne portent pas atteinte à sa qualité. La volonté de contribuer au progrès de la société doit nous réunir par-delà nos désaccords.

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