Intervention de Bernard Roman

Réunion du 18 décembre 2012 à 16h15
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBernard Roman :

J'aimerais d'abord souligner que je n'ai entendu aucun propos homophobe au cours des réunions de travail auxquels nous avons assisté. Nous nous réjouissons que l'homophobie ait reculé dans notre pays grâce au législateur. Il y a trente ans, l'homosexualité était un délit figurant dans le code pénal, et une brigade des renseignements généraux fichait les homosexuels. Il y a vingt ans, en 1992, c'était une maladie grave inscrite dans le code de la santé publique. Il y a treize ans, nous avons sorti l'homosexualité de son « ghetto » en instituant le PACS, ce qui a permis à de nombreuses personnes de révéler leur homosexualité et à de nombreux parents d'apprendre qu'ils avaient un enfant homosexuel. Aujourd'hui, nous faisons un pas immense dans l'histoire du code civil : nous proposons le mariage pour les couples homosexuels.

Dans tous les pays où le mariage homosexuel a été institué, l'opposition a parfois été vive, mais, quelques mois après la réforme, la chose était banalisée et ne posait plus de problème. Le Portugal est le cas le plus typique : lorsque le mariage homosexuel fut voté par le Parlement, 75 % de la population y était opposée. Aujourd'hui, elle y est favorable à 92 %.

Pensons aussi à l'immense espérance que nous apportons aux enfants vivant dans un foyer où le couple est homosexuel. Le taux de suicide est quatre fois plus important chez les adolescents homosexuels que chez l'ensemble des adolescents ; l'homophobie et la discrimination sont les premiers maux dont souffrent les enfants qui vivent dans des familles homoparentales. Je remercie donc Mme Taubira et Mme Bertinotti de porter ce texte avec autant de conviction. Il marquera l'histoire de notre République.

Tous les pays ont été confrontés à la question de la filiation dans les couples de femmes homosexuelles, et j'aimerais connaître la position du Gouvernement à cet égard. Le projet de loi autorise le mariage et l'adoption par des couples de même sexe. Dans les couples d'hommes, il permettra l'adoption des enfants conçus auparavant par l'un des conjoints. Des dizaines de milliers de couples le demandent, on ne peut donc l'ignorer. Pour les couples de femmes, le texte permettra non seulement d'adopter l'enfant que l'une des conjointes aura déjà, mais aussi d'avoir un enfant et, à la conjointe qui ne l'aura pas porté, de l'adopter. Une telle possibilité légitime la procréation médicalement assistée. En Belgique, le droit à la PMA pour les couples homosexuels a été légitimé par le fait qu'il était déjà ouvert aux couples stériles — ce qui est le cas d'un couple de femmes. Si on ne légalise pas la PMA alors que l'adoption la rend légitime, on encouragera l'illégalité. Il n'est certes pas illégal d'aller en Belgique ou en Espagne pour bénéficier de la PMA, mais, lorsqu'on n'en a pas les moyens, on utilise toutes les techniques possibles. La PMA existe déjà : on a même caché à certains enfants qu'ils étaient nés de cette manière. Le problème n'est donc pas uniquement celui de la recherche des origines, mais aussi celui de l'ignorance de la manière dont on a été conçu.

Des questions de filiation se poseront également. De grands spécialistes internationaux du droit civil nous ont expliqué que les modèles qui fonctionnent le mieux sont ceux qui transposent à l'identique les droits des couples hétérosexuels au profit des couples homosexuels, y compris en matière de filiation. C'est notamment le cas au Québec. Inspirons-nous de ces modèles qui permettent de répondre, dans le respect de l'égalité des droits, à toutes les situations.

De même, le Défenseur des droits estime que le texte n'assure pas suffisamment la sécurité juridique des enfants. Or le meilleur moyen de protéger les enfants de couples de femmes homosexuelles serait d'autoriser la PMA qui suppose que l'on s'adresse au juge ou à un notaire. La République a le devoir, lorsqu'elle crée un nouveau droit, d'en assurer l'effectivité. Les femmes ont le droit de se marier et d'adopter : permettons-leur d'adopter l'enfant qu'elles auront voulu ensemble !

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