Intervention de Dominique Raimbourg

Réunion du 18 décembre 2012 à 16h15
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDominique Raimbourg :

Ce texte revêt à la fois une dimension réelle et une dimension symbolique. Malgré son importance, la réalité ne sera finalement que peu affectée par son adoption. Le nombre de mariages homosexuels restera relativement limité. En Espagne, où cette possibilité existe depuis plusieurs années, on enregistre environ 3 000 mariages par an. On estime qu'il y en aurait environ 5 000 à 6 000 en France. On peut faire la même observation concernant l'adoption, compte tenu du fait qu'il y a très peu d'enfants à adopter, en dehors de ceux qui sont déjà élevés par des couples homosexuels. Par ailleurs, lorsqu'il s'agira d'adopter les enfants du conjoint, dans la mesure où ceux-ci ont été conçus dans une union hétérosexuelle, l'existence d'une double filiation biologique ne permettra qu'une adoption simple. Nous ne sommes donc pas à l'aube d'un bouleversement de toutes les couches de la société. Le phénomène est important, mais restera statistiquement marginal.

Quant à la dimension symbolique du texte, elle est surestimée. On ne peut parler d'un mariage « traditionnel » et d'un « nouveau » mariage puisque l'institution n'a cessé d'évoluer. Ce matin, sur France Inter, l'anthropologue Françoise Héritier rappelait que le mariage a tout d'abord été une façon d'échanger des femmes pour permettre la pacification entre différents groupes, ainsi que les unions en dehors de ceux-ci. Il a ensuite permis les alliances de familles et de richesses. Et, jusqu'il y a une trentaine d'années, il fut un outil permettant d'affecter des enfants à des couples mariés et un instrument de domination de l'homme sur la femme. La réforme des régimes matrimoniaux date de 1965 et Jean-Yves Le Bouillonnec a raison de dire que nous sommes présomptueux lorsque nous nous targuons de donner des leçons de liberté au monde entier. Certes, cette évolution est symboliquement importante, mais elle rejoint celle du mariage en général.

Enfin, le rapport aux enfants a profondément changé avec l'introduction de la contraception et de l'IVG, si bien que, depuis une quarantaine d'années, les enfants sont en majorité désirés et leur naissance est programmée. Il me paraît donc injustifié de craindre un bouleversement de civilisation ou un changement de paradigme. En reconnaissant les pratiques de certaines minorités, nous apaisons les choses et faisons preuve de bienveillance. Plus personne n'en parlera dans deux ans, comme cela s'est passé pour le PACS.

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