Intervention de Philippe Goujon

Réunion du 18 décembre 2012 à 16h15
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPhilippe Goujon :

Vous avez, à tort, écarté la piste d'une amélioration du PACS ou de la création d'une union civile réservée aux personnes homosexuelles, qui existe pourtant dans la moitié des pays européens. Les différences entre le PACS et le mariage sont aujourd'hui assez minimes. Nous aurions pu trouver un consensus sur une amélioration du PACS et ainsi éviter ce débat qui divise profondément la société française.

L'intérêt supérieur de l'enfant est le grand absent des débats. Vous mettez en avant le droit à l'enfant et le désir d'adopter, mais on parle moins – c'est tabou – des adoptions qui se soldent par des échecs : selon les spécialistes, 10 % des enfants sont rendus chaque année aux services de l'aide sociale à l'enfance. Or l'adoption constitue la chance ultime que donne la société à un enfant pour se construire au sein d'une famille.

Il existe déjà un moyen de garantir la protection des enfants élevés par des personnes de même sexe dont l'une est le parent biologique : la délégation-partage de l'autorité parentale. Ainsi, dans un arrêt du 20 octobre 2011, la cour d'appel de Paris a fait droit à la demande de la mère d'un enfant, dont la filiation n'était pas établie à l'égard du père biologique, de partager l'autorité parentale avec sa conjointe, parce que les circonstances l'exigeaient. Il ne s'agissait pas de circonstances exceptionnelles.

Combien anticipe-t-on d'adoptions par les couples de personnes de même sexe, alors que l'on ne compte que 3 000 adoptions par an pour 30 000 couples qui disposent d'un agrément et que la plupart des pays d'origine des enfants refusent l'adoption par des couples homosexuels ?

S'agissant de l'accès des couples de femmes à la PMA et sans revenir sur la cacophonie à ce sujet, je rappelle, madame la ministre déléguée, que le Conseil constitutionnel et la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) ont estimé qu'il n'y avait pas discrimination lorsque le législateur traitait de manière distincte des situations objectivement différentes. Cependant, si vous légalisez l'accès des couples de femmes à la PMA, comment la même CEDH pourrait-elle écarter le principe d'égalité et ne pas statuer en faveur de l'accès des couples d'hommes à la GPA, bien que cette dernière entre en contradiction avec le droit international et les lois françaises relatives à la bioéthique, en particulier avec le principe – essentiel – de non-patrimonialité du corps humain ?

Nous ne pouvons pas accepter la légalisation de la PMA, ni la création d'une nouvelle filiation par adoption plénière qui ne corresponde pas à la filiation biologique. On ouvre inéluctablement la porte à la marchandisation du corps humain. On détourne des techniques à visée thérapeutique afin de corriger des différences naturelles – deux hommes ensemble et deux femmes ensemble ne peuvent pas procréer – perçues comme inégalitaires. Cette confusion est issue de la théorie du genre. Je regrette que vous ayez empêché la constitution d'une commission d'enquête sur ce sujet, de même que vous avez refusé une mission d'information sur le mariage homosexuel. Je rejoins mon collègue Philippe Houillon : la campagne présidentielle n'a pas tout tranché, le peuple aurait dû être consulté.

Nous sommes en train de fragiliser l'ensemble du droit de la filiation et du droit des successions. Le Défenseur des droits et les notaires nous ont alertés sur ce point. En déstabilisant l'institution du mariage, nous risquons de voir se fissurer le ciment sur lequel est bâtie notre société.

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