Intervention de Christiane Taubira

Réunion du 18 décembre 2012 à 16h15
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Christiane Taubira, garde des Sceaux, ministre de la Justice :

L'adoption plénière suppose, en principe, le renoncement des parents biologiques à la filiation. Nous allons approfondir cette question.

Notre débat d'aujourd'hui se tient en effet, monsieur Lequiller, avant l'éventuel dépôt d'un amendement tendant à ouvrir l'accès à la PMA aux couples de femmes. Si un tel amendement est déposé, nous passerons tout le temps nécessaire pour l'examiner et répondre aux questions. C'est un sujet très important.

S'agissant de la clause de conscience, il conviendrait sans doute que nous nous entendions d'abord sur ce que recouvre cette notion. Nous sommes dans une République laïque. Nous construisons ensemble un droit qui s'impose ensuite à nous. Une personne peut invoquer une croyance, des principes philosophiques ou d'autres raisons pour ne pas se soumettre au droit : ces cas sont eux-mêmes réglés par le droit. En revanche, il ne me paraît pas acceptable ni conforme au droit que le membre d'un conseil de famille place ses convictions au-dessus du droit d'adopter ouvert aux couples de personnes de même sexe. Invoquer ses convictions pour ne pas accomplir un acte qui concerne sa propre personne – je pense notamment aux objecteurs de conscience – est une chose ; exercer une responsabilité dans une structure instituée par la loi et faire jouer, dans ce cadre, une prétendue clause de conscience pour prendre une décision contraire au droit, en est une autre. Dans une telle situation, il serait plus logique que la personne en cause démissionne.

Le Défenseur des droits a en effet formulé, madame Laclais, des interrogations. Cependant, l'étude d'impact le mentionne précisément : la procédure d'adoption continue à tenir compte de l'intérêt de l'enfant dans les mêmes conditions que précédemment. En particulier, l'article 353 du code civil, qui reprend sur ce point la Convention internationale des droits de l'enfant – dont l'autorité est supérieure à celle des lois –, n'a été en rien modifié : « L'adoption est prononcée à la requête de l'adoptant par le tribunal de grande instance qui vérifie dans un délai de six mois à compter de la saisine du tribunal si les conditions de la loi sont remplies et si l'adoption est conforme à l'intérêt de l'enfant. Dans le cas où l'adoptant a des descendants, le tribunal vérifie en outre si l'adoption n'est pas de nature à compromettre la vie familiale. » La procédure que doivent suivre les couples hétérosexuels en vue d'adopter s'imposera de la même manière aux couples homosexuels. Elle est d'ailleurs jugée comme longue, lourde et tatillonne, mais elle constitue une garantie pour l'enfant.

Contrairement à ce qui est avancé, l'intérêt de l'enfant est une de nos préoccupations majeures : ce texte sécurisera la situation juridique des enfants élevés par des couples homosexuels, sans altérer celle des autres.

Depuis les années 1970, le droit français – c'est sa force – n'opère plus de distinction entre enfants légitimes, naturels ou adultérins. On a ainsi cessé de faire peser sur les enfants les conséquences des choix amoureux de leurs parents.

Quant au droit à l'enfant, il n'existe pas dans le code civil. Nous aurons l'occasion d'y revenir.

J'ai apprécié, monsieur le président, la très bonne tenue du débat et la grande qualité de nos échanges.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion