Intervention de Jeanine Dubié

Séance en hémicycle du 28 janvier 2016 à 9h30
Violation des embargos — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJeanine Dubié :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État aux affaires européennes, madame la présidente de la commission des affaires étrangères, monsieur le rapporteur, madame la rapporteure pour avis, mes chers collègues, la France est aujourd’hui tenue d’appliquer des embargos ou des mesures restrictives à l’égard d’une vingtaine de pays, le plus souvent sur la base d’une résolution du Conseil de sécurité des Nations Unies et de décisions prises dans le cadre de l’Union européenne.

Dès lors qu’elles touchent au commerce ou à l’exportation de matériels de guerre, les violations de ces embargos ou de ces mesures restrictives peuvent être poursuivies sur la base de dispositions du code de la défense. En outre, le code des douanes permet de sanctionner le transfert frauduleux de biens à double usage ou de nature civile. Toutefois, le cadre juridique existant ne permet pas de réprimer l’ensemble des actes contraires aux embargos et aux mesures restrictives.

En effet, il n’existe pas, dans notre législation, de dispositif juridique particulier pour appréhender, de façon spécifique, les violations des embargos sur les armes, dans le champ du droit pénal général. Ce vide juridique n’est pas comblé par l’existence des seules dispositions applicables du code de la défense sur le régime de contrôle des importations et exportations de matériels de guerre ou encore du code des douanes.

Par ailleurs, les embargos sur les armes sont toujours plus complexes et étendus dans leur portée. Ils couvrent en effet les agissements d’un grand nombre d’acteurs pouvant intervenir dans une chaîne de transferts d’armes – industriels, courtiers, transporteurs, affréteurs, financeurs – qui ne sont pas pris en compte par le droit existant.

Dès lors, le projet de loi relatif à la violation des embargos et autres mesures restrictives, dont nous discutons aujourd’hui, est, à plus d’un titre, nécessaire. Tout d’abord parce qu’il définit, en droit français, la notion d’embargo ou de mesure restrictive. Ces dernières s’entendent comme « le fait d’interdire ou restreindre des activités commerciales, économiques ou financières ou des actions de formation, de conseil ou d’assistance technique en relation avec une puissance étrangère, une entreprise ou une organisation étrangère ou sous contrôle étranger ou avec leurs agents ou toute autre personne ».

Cette définition, en ne visant pas des champs particuliers ou des domaines d’activité précis, permettra de poursuivre efficacement l’ensemble des faits délictueux, quelle que soit la nature des activités commerciales, économiques ou financières visées par les embargos et par les mesures restrictives.

Par ailleurs, le fait de viser explicitement les prestations de service – c’est-à-dire les « actions de formation, de conseil ou d’assistance technique » – permet de compléter utilement notre arsenal juridique.

Ensuite, le projet de loi crée, au sein du code pénal, une incrimination pénale de violation des embargos ou des mesures restrictives qui peut être punie d’une peine de sept ans d’emprisonnement et de 750 000 euros d’amende ou de dix ans d’emprisonnement et de 1,5 million d’euros d’amende lorsque le délit est commis en bande organisée.

En outre, il convient de préciser les peines applicables aux personnes morales qui se rendraient coupables d’un tel délit : exclusion des marchés publics, interdiction d’opérer des émissions sur les marchés financiers ou encore interdiction de percevoir des aides publiques.

Le projet de loi vient ainsi combler un vide juridique en faisant des violations des embargos en France des infractions pénales. Par ailleurs, il met fin à une zone grise : la responsabilité des acteurs privés intervenant dans un transfert d’armes. Actuellement en effet, les transporteurs ou les financeurs, c’est-à-dire les intermédiaires au sens du courtage, ne sont pas soumis à un contrôle spécifique et ne font l’objet que d’un contrôle a posteriori.

Il est à noter aussi que le projet de loi renforce la réglementation en matière d’exportation et de transfert d’armement en introduisant un contrôle a posteriori, sur pièces et sur place, en contrepartie d’un allégement du contrôle a priori.

L’absence de loi érigeant en infraction la violation des embargos fragilise le contrôle a posteriori, privant les enquêteurs et la justice d’un instrument législatif essentiel à la réalisation de leur mission.

Enfin, le dispositif contenu dans ce texte permettra de répondre à la nécessité d’une meilleure transparence publique sur les questions d’embargo et de sanctions puisqu’il est prévu d’instituer une commission nationale consultative chargée du suivi des régimes d’embargo ou de restrictions économiques à l’encontre de puissances ou d’entités étrangères.

Cette dernière comprendra des représentants du Parlement, des administrations concernées, des entreprises et de la société civile, en particulier des organisations à but non lucratif qui défendent au plan international les droits humains fondamentaux et les grandes causes humanitaires.

Le Gouvernement devra en recueillir l’avis dès lors qu’il sera envisagé d’établir, de modifier, de suspendre ou de reconduire un régime d’embargo, soit dans le cadre national, soit par une décision du Conseil de l’Union européenne, soit par une résolution du Conseil de sécurité des Nations unies, soit dans tout autre cadre international.

Avec l’adoption de ce texte, la France mettra sa législation en conformité avec la recommandation du Conseil de sécurité de l’Organisation des Nations unies, puisque, dans une résolution de septembre 1998, il invitait les États membres à adopter des mesures législatives ou autres mesures juridiques érigeant en infraction pénale la violation des embargos sur les armes imposés par le Conseil.

Ainsi, la France, qui prône régulièrement le respect du droit international et qui a ratifié le traité sur le commerce des armes en avril 2014, sera en pleine adéquation avec ses engagements internationaux.

Par conséquent, le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste soutient le présent projet de loi qui, en renforçant notre législation, assurera plus efficacement le respect des embargos ou des mesures restrictives que la France se doit de mettre en oeuvre.

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