Intervention de Dominique Potier

Séance en hémicycle du 10 février 2016 à 15h00
Expérimentation territoriale visant à faire disparaître le chômage de longue durée — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDominique Potier :

Dans les quelques minutes qui me sont imparties, je m’attacherai à dévoiler le sens caché de cette proposition de loi. Ce sens caché, je l’ai trouvé dans le récit de la vie de Geneviève de Gaulle-Anthonioz. La traversée de la nuit c’est son expérience des camps de concentration. Le secret de l’espérance c’est celui de la période où elle a présidé ATD Quart Monde, à la suite du père Joseph Wresinski. La lutte contre le nazisme et la lutte contre la misère ont constitué un fil conducteur dans sa vie et se sont traduites dans son combat pour la dignité humaine.

En France, l’État-providence fait globalement ce qu’il peut, et nous pouvons en être fiers. Il fait le minimum, mais pas l’essentiel, car l’essentiel, c’est la dignité humaine. La proposition d’ATD Quart Monde, qui va être votée dans la concorde, nous a fait prendre conscience que le chômage c’est le désoeuvrement tandis que le travail est une oeuvre. Pour moi, c’est là que se trouve le sens caché de notre travail parlementaire.

On peut donner à manger, faire le minimum, mais il manque l’essentiel, parce que nous ne sommes pas des ventres, des objets, des déchets ; nous sommes des mains, une tête, un esprit. Tout est récit dans la vie. En politique, comme dans la vie, on en est souvent orphelin. Que pourrai-je raconter à mes enfants à la fin de ma vie ? Quelle route ai-je tracé ? Quel lait ai-je produit ? Quel moteur ai-je conçu, quelle maison ai-je bâtie, quel conte ai-je colporté, quel logiciel ai-je créé ? En quoi ai-je participé à l’oeuvre commune ? Certains hommes et femmes sont privés de cette participation à une oeuvre commune et, par-là même, d’une part essentielle de leur humanité.

Chers collègues, imaginez la force d’une société qui pourrait dire aux 20 % des jeunes qui sont aujourd’hui au bord de la route qu’elle a besoin d’eux pour bâtir la France de demain. Imaginez la force d’une société qui dirait à des millions de chômeurs qu’elle a besoin d’eux pour la transition écologique, pour bâtir une nouvelle prospérité, recréer du lien social, redonner de l’humanité à nos vies, lutter contre la solitude, faire refleurir des déserts.

Imaginez la force d’une telle société, bâtie sur la fierté de ces individus, de chacune de ces personnes. Elle puiserait là sa véritable force, sa santé, pour lutter à la fois contre l’indolence et l’indécence des privilèges de ceux qui accumulent tout – pouvoir, arrogance, argent –, pour oeuvrer pour un nouveau partage et faire une place à chacun.

Je ne sais pas si cela relève du rêve ou de l’utopie. Mais si nous n’empruntons pas cette voie, je suis persuadé que cela sera un cauchemar.

Il y a toutes les friches qui ont été abandonnées par un État qui manque souvent d’imagination et d’audace, par un marché aveugle et par trop libéral. Il nous faut donc emprunter un chemin nouveau. Ceux qui se sont déjà emparés de cette expérimentation il y a deux ou trois ans sur les terres de Michel Dinet à Colombey-les-Belles ont créé une association intitulée Les tailleurs de bouleaux. Pourquoi le bouleau ? Parce que cette essence pousse en général sur des terres pauvres et peut donc contribuer à reconquérir des terres qui ont été abandonnées, suite à des désastres humains ou naturels.

Chers collègues, il s’agit ici aussi de reconquête : des friches abandonnées, et plus globalement de l’estime de soi. Il s’agit de renouer le fil invisible entre l’individu et les citoyens, qui passe par l’oeuvre.

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