Protection des mineurs victimes de violences sexuelles — Texte n° 3721

Amendement N° CL59 (Retiré)

Sous-amendements associés : CL121

Publié le 5 février 2021 par : Mme Louis.

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Rédiger ainsi cet article :

« Au début de la section 5 du chapitre VII du titre II du livre II du code pénal, il est ajouté un article 227‑15 A ainsi rédigé :

« « Art. 227‑15 A. – Le fait pour un majeur de commettre volontairement sur la personne d’un mineur de 15 ans, alors même qu’il a connaissance de cet âge ou ne pouvait l’ignorer, un acte de pénétration sexuelle de quelque nature qu’il soit, commis sur la personne du mineur ou sur la personne de l’auteur est puni de vingt ans de réclusion criminelle.

« « N’est pas pénalement responsable le jeune majeur qui, avant l’acquisition de la majorité́ légale, entretenait déjà une relation continue et pérenne avec un mineur de 15 ans, sous réserve de l’existence d’une situation d’autorité ou de dépendance entre ce jeune majeur et ce mineur. » »

Exposé sommaire :

L’article 2 poursuit le but légitime d’érriger en crime autonome le fait pour un majeur d’obtenir une relation sexuelle avec pénétration d’un mineur de moins de 15 ans. Toutefois, la rédaction adoptée souffre d’un fort risque d’inconstitutionalité et manque de cohérence étant rappelé qu’une inconstitutionalité pourrait avoir de graves conséquences sur les procédures en cours, au préjudice des victimes.

Dans son avis du 15 mars 2018 relative à la loi du 3 août 2018, le Conseil d’Etat avait émis de forte objections à l’instauration d’un seuil d’âge brut du fait de son effet couperet.

Le Conseil d’Etat avait indiqué que « dans l’hypothèse, par exemple, d’une relation sexuelle qui serait librement décidée entre un mineur de 17 ans et demi et une adolescente venant d’avoir 14 ans et qui se poursuivrait de manière habituelle, pendant plusieurs mois au-delà de la première rencontre, – relation licite au regard du code pénal même si elle comporte des actes de pénétration sexuelle –, la disposition envisagée conduit à ce que le premier soit, dès ses dix-huit ans et alors que rien ne vient modifier son comportement, passible d’un crime de viol pouvant le renvoyer devant la cour d’assises ».

En outre, les rédacteurs de cette proposition de loi ont choisi étragement la notion « d’atteinte sexuelle », notion qui correspond au délit qui porte actuellement ce même nom et qui est retenu par les juges à défaut d’avoir pu qualifier un viol et une agression sexuelle. En d’autres termes, l’atteinte sexuelle présupose un consentement de la victime.

Enfin, l’article 2 tel que rédigé n’est pas satisfaisant d’un point de vue de l’élément moral. En effet, l'intention requise est ici présumée et découle de la simple matérialité des faits, à savoir l'acte de pénétration sexuelle. L’élément intentionnel de l’infraction résulterait de la pénétration sexuelle elle-même. Une telle proposition en matière criminelle constitue un risque constitutionnel, à défaut d’élément intentionnel explicite et expresse.

Par souci de cohérence avec la présentation actuelle et l’ordre du code pénal, l’infraction qui renvoie à la pénétration sexuelle doit se situer avant celle de tout acte de nature sexuelle autre que la pénétration sexuelle, d’où cette modification de l’article 2 qui intègre en premier lieu, l’acte de pénétration sexuelle.

Il s’agit donc de créer un crime autonome concernant les mineurs de moins de 15 ans, victimes de violences sexuelles de la part de majeures, lorsqu’il y a une pénétration sexuelle. Cette proposition de rédaction résulte d’un long travail de fond, travaillée en lien avec deux universitaires pénalistes, Carole Hardouin-Le Goff et Haritini Matsopoulou.

Les textes actuels qui répriment les agressions sexuelles visent en effet à protéger la liberté sexuelle de chacun. Mais s’agissant de jeunes mineurs, ce n’est pas une liberté sexuelle que l’on veut pénalement protéger. C’est en vérité la protection de l’enfant en tant que tel, la sauvegarde de son intégrité physique et psychologique que l’on veut pénalement garantir. C’est la raison pour laquelle il convient de faire des violences sexuelles sur mineur de 15 ans des infractions autonomes, dans une nouvelle section à part entière.

Dès lors que c’est la sauvegarde de l’intégrité physique et du développement psychologique des enfants et non plus la protection de leur liberté sexuelle qui justifie l’incrimination, il n’est plus utile, en conséquence, de prendre en compte le critère de contrainte. La question sur le consentement de la victime devient en effet hors-sujet. Ainsi ces infractions autonomes ne soulèvent plus la question jusqu’alors posée du consentement de la victime mineure de 15 ans.

Carole Hardouin-Le Goff, Maître de conférences à l’Université Paris II Panthéon-Assas explique à ce titre que : « Si la défense d’une liberté sexuelle appelle le juge à se placer sur le terrain de la contrainte dans la réalisation de l’acte incriminé, la défense du développement physique et psychologique de l’enfant l’obligera à sanctionner ipso facto comme agression sexuelle tout acte sexuel intentionnel commis par un adulte sur un mineur en deçà d’un certain âge. C’est cette fonction expressive du droit pénal qui « pèche » aujourd’hui en ce qui concerne les abus sexuels sur mineurs en droit français ».

Afin d’éviter l’effet couperet de ces infractions autonomes, il est prévu l’insertion de certaines exonérations de responsabilité pénale afin de prendre en compte les relations entre un très jeune majeur et un mineur de moins de quinze ans. Il convient de rappeler que le Conseil d’État dans son avis du 15 mars 2018 avait émis de sérieuses objections très argumentées quant à la création d’une infraction avec un seuil d’âge de 15 ans.

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