Projet de loi de finances rectificative pour 2017 — Texte n° 384

Amendement N° 401 (Retiré avant séance)

Publié le 4 décembre 2017 par : M. Alauzet.

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Le chapitre premier du titre premier de la troisième partie du livre premier du code général des impôts est complété par un III ainsi rédigé :

« III. – Déclarations des dispositifs de planification fiscales conçus et commercialisés par les intermédiaires fiscaux et financiers.
« Art. 1649 terA. – I. – Les intermédiaires fiscaux et financiers, ont obligation de communiquer les informations relatives à la conception et au fonctionnement de dispositifs de planification fiscale à caractère potentiellement agressif, et ayant une dimension transfrontalière, s'ils interviennent dans ces dispositifs, dans le cadre de leur profession, par la conception et la promotion de ceux-ci.
« Les dispositifs de planification fiscale mentionnés à l'alinéa précédent ont pour but l'obtention d'un avantage fiscal qui est établi lorsque le résultat attendu provient :
« 1° Du dispositif ou de la série de dispositifs à caractère potentiellement agressif et ayant une dimension transfrontalière ;
« 2° De la structure spécifique du dispositif ou de la série de dispositifs à caractère potentiellement agressif et ayant une dimension transfrontalière.
« Les dispositifs mentionnés au premier alinéa sont identifiés à l'aide de marqueurs dont la liste est fixée par une loi.
« Le dispositif ou la série de dispositifs sont soumis à l'obligation de communication du premier alinéa que s'il présente au moins un des marqueurs de la liste fixée par uune loi.
« II. – L'obligation de communication du I intervient dans un délai de trente jours suivant la fourniture par les intermédiaires aux bénéficiaires de ces dispositifs.
« Les intermédiaires sont tenus de garantir l'anonymat des bénéficiaires ou bénéficiaires associés auxquels ils ont fourni les dispositifs de planifications faisant l'objet de l'obligation de communication du I.
« III. – Le fait de ne pas satisfaire à l'obligation de communication prévue au I dans le délai de trente jours prévu au II est sanctionné par les sanctions fiscales prévues à l'article 1729 B.
« IV. – Le I est applicable à partir du 1er janvier 2019 à compter de l'entrée en vigueur d'une disposition adoptée par l'Union européenne et poursuivant le même objectif.
« Les informations obtenues en raison de l'obligation de communications du I pourront faire l'objet d'une communication aux administrations des autres États membres de l'Union européenne comme le prévoit l'article L. 114 A du livre des procédures fiscales. »

Exposé sommaire :

Les « Paradise papers » ont révélé l'existence d'un système généralisé d'optimisation fiscale, un système qui flirte dangereusement avec la fraude fiscale. En jouant avec les différentes réglementations fiscales, grâce à l'aide d'équipes d'experts travaillant dans le plus grand secret, les entreprises minimisent l'impôt dont elles s'acquittent tout en se préservant des poursuites judiciaires. Ceux sont ainsi des milliards d'euros de recettes fiscales qui disparaissent : 20 milliards pour la France, 120 pour l'Union Européenne et 360 au total d'après les estimations de G. Zucman.

Ces pratiques sont immorales, elles remettent en cause les valeurs que portent la France et les grands principes fondateurs de la République française. Les entreprises qui les suivent rompent avec l'égalité devant l'impôt, ce faisant, elles refusent de contribuer au financement l'État français et rejettent la solidarité qui est au fondement de notre modèle social. Elles laissent la France subir l'érosion de sa base d'imposition et bénéficient de l'aide d'intermédiaires promouvant la création de dispositifs de planification fiscale à caractère agressif.

Pour lutter contre l'optimisation fiscale abusive, qui déconnecte l'activité économique et le bénéfice réalisés en France du montant de l'impôt acquitté par l'entreprise auprès de l'État français en favorisant les transferts vers les juridictions à taux d'imposition très faible, la transparence constitue un outil essentiel. La transparence permet aux citoyens d'évaluer, selon leurs propres critères éthiques, l'attitude des entreprises desquelles ils sont clients et d'adapter leurs comportements en conséquence. La transparence permet à l'administration fiscale de mieux détecter et sanctionner les cas de fraudes. La transparence permet de rendre l'optimisation fiscale abusive inacceptable.

Malgré tout, la transparence est souvent accusée de désavantager les entreprises en situation de concurrence en révélant leurs stratégies. Le Conseil constitutionnel a suivi cette logique en censurant en 2016 le reporting fiscal public[1], disposition qui existe pourtant depuis 2013 pour les banques, pour cause d'entrave à la liberté d'entreprise de l'article 4 de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen de 1789. Cependant, l'évasion et l'optimisation abusive constitue sans doute possible des entraves aux principes constitutionnels du consentement à l'impôt et de l'égalité devant l'impôt des articles 14 et 13 de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen de 1789. C'est une jurisprudence du Conseil constitutionnel datant de 2010[2], la lutte contre l'évasion fiscale elle-même est un objectif à valeur constitutionnel.

L'État n'ayant pas accès aux informations relatives à l'organisation comptable et fiscale de l'entreprise, il ne peut faire respecter les principes constitutionnels mentionnés : la transparence fiscale est donc essentielle pour garantir le respect de la Constitution. Si la liberté d'entreprendre est elle aussi un principe à valeur constitutionnel, elle n'a jamais été conçue pour être absolue. Les jurisprudences du Conseil constitutionnel l'ont maintes fois souligné[3], elle peut être limitée afin de défendre l'intérêt général ou de protéger d'autres exigences constitutionnelles.

En un mot : la transparence est possible, elle est même nécessaire.

Cet amendement propose une première avancée en matière de transparence pour les grandes entreprises : la transmission, à l'administration fiscale, des dispositifs de planification fiscale conçus par des intermédiaires experts en fiscalité.

La mesure proposée ne représente pas un obstacle à l'activité des entreprises concernées, l'anonymat des clients de l'intermédiaire est garanti par l'amendement. De plus, la communication est faite uniquement auprès de l'administration fiscale donc dans un cadre particulièrement limité. Ces informations permettront à l'administration de mieux cerner les risques de fraude pour cibler les contrôles.

L'intérêt de la mesure peut être résumée en rapportant la déclaration de Pierre Moscovici lors de lors de la présentation des propositions de la Commission Européenne pour une plus grande transparence en matière d'intermédiation dans la planification fiscale : « Aujourd'hui, nous nous concentrons sur les professionnels qui encouragent les pratiques fiscales abusives. Les administrations fiscales devraient disposer des informations dont elles ont besoin pour contrecarrer les dispositifs de planification fiscale à caractère agressif. Notre proposition fournira une plus grande sécurité aux intermédiaires qui respectent l'esprit et la lettre de notre législation et rendra la vie très difficile à ceux qui ne le font pas. Notre travail en faveur d'une fiscalité plus juste dans l'ensemble de l'Europe continue à progresser. »

La mesure s'inscrit dans la continuité du projet BEPS de l'OCDE. Elle participe activement à la recherche d'une solution européenne à l'évasion et à l'optimisation fiscale. Elle repose sur la création d'une liste marqueurs telle que déjà dessinée au niveau de l'Union. Cette liste sera déterminée par décret en Conseil d'État donnant ainsi une certaine souplesse et une meilleure capacité d'adaptation aux évolutions européennes.

Conditionnée à l'adoption de mesures proches au niveau européen, la mesure permet à la France d'assumer le rôle de leader en matière de lutte contre l'évasion et l'optimisation fiscale et envoie un signal fort aux États membres, aux acteurs économiques et aux citoyens.

[1] Décision n° 2016‑741 DC du 08 décembre 2016 - Loi relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique

[2] 2010‑70 QPC, 26 novembre 2010, cons. 4, Journal officiel du 27 novembre 2010, page 21118, texte n° 41, Rec. p. 340

[3] Décision n° 89‑254 DC du 4 juillet 1989 / 2010‑55 QPC, 18 octobre 2010, cons. 4, Journal

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