Intervention de Marie-Noëlle Battistel

Séance en hémicycle du jeudi 8 avril 2021 à 15h00
Droit à une fin de vie libre et choisie — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarie-Noëlle Battistel :

Beaucoup d'émotion, aujourd'hui. De la fierté, aussi, de défendre cette avancée.

Il y a une semaine, la commission des affaires sociales de l'Assemblée a adopté à une large majorité la proposition de loi donnant et garantissant le droit à chacun de choisir sa fin de vie, défendue par notre collègue Olivier Falorni et soutenue par 225 députés de tous bords politiques, après des échanges riches, apaisés, très constructifs, qui se sont déroulés dans l'écoute et le respect des convictions de chacun.

Ce chemin législatif a été rendu possible par la volonté du rapporteur Falorni – que je tiens à remercier très sincèrement – de faire travailler ensemble des parlementaires de tous bords, de la gauche à la droite de notre hémicycle, animés par un même esprit de cohésion et guidés par un seul et unique but : accorder aux Français qui souffrent d'une pathologie incurable le droit de choisir librement leur fin de vie. C'est là l'honneur de notre Parlement.

Aujourd'hui, pourtant, nous nous retrouvons face à une violente obstruction, menée par une petite minorité de députés ayant déposé près de 4 000 amendements. Déjà, le 11 mars dernier, certains sénateurs avaient vidé de sa substance la proposition de loi visant à établir le droit à mourir dans la dignité, déposée par notre collègue socialiste Marie-Pierre de La Gontrie. En commission, nous avons montré le meilleur du travail parlementaire ; aujourd'hui, nous renvoyons l'image du pire.

Nous sommes nombreux à continuer de penser qu'il est temps de débattre du sujet dans cet hémicycle, pour plusieurs raisons. Tout d'abord, parce que le débat est attendu des Français : un sondage Ipsos d'avril 2019, confirmé par un autre paru hier, indique que 93 % d'entre eux sont favorables à cette avancée. La récente disparition de Paulette Guinchard, secrétaire d'État chargée des personnes âgées de 2001 à 2002, qui a dû s'exiler pour pouvoir décider de sa propre fin, met en exergue, entre autres, la nécessité d'avancer sur ce sujet.

Ensuite, parce que la question de la fin de vie rassemble au-delà des étiquettes politiques, comme en témoignent nos amendements transpartisans et le dépôt de plusieurs propositions de loi par plusieurs groupes politiques depuis 2017.

En outre, parce que la France, qui est pourtant le pays de grandes avancées humanistes, se retrouve en retard par rapport aux Pays-Bas, à la Belgique, au Luxembourg, à la Suisse, mais aussi à l'Espagne et au Portugal.

Enfin, parce que le législateur, garant des libertés publiques et des droits individuels, se doit de débattre de la possibilité de reconnaître et garantir un droit nouveau. Rappelons que nombre d'avancées de la société, de la contraception à la loi Claeys-Leonetti en passant par le PACS – pacte civil de solidarité – et le mariage pour tous, ont émané du Parlement.

Avec ce texte, nous ouvririons la voie au renforcement des droits humains en fin de vie, en reconnaissant à toute personne en phase avancée ou terminale d'une maladie incurable, lui infligeant des souffrances inapaisables, la possibilité de bénéficier d'une assistance médicalisée active à mourir. Ne diabolisons pas les choses, chers collègues, et ne trompons pas les Français : il ne s'agit en rien d'ouvrir un suicide assisté hors de tout cadre, sans conditions ni respect de la volonté de chacun sur sa fin de vie ; il ne s'agit pas davantage d'opposer les soins palliatifs et ce nouveau droit.

D'une part, ce texte prévoit un cadre strict : un collège de médecins sera chargé de s'assurer que le patient se trouve dans une impasse thérapeutique, et que sa demande est à la fois libre, éclairée, formulée sans pression extérieure, et explicite ; des juristes, des professionnels de santé et des représentants associatifs s'assureront quant à eux du respect des procédures et du consentement de la personne.

D'autre part, ce texte garantit à chacun son autonomie et son choix. Nous affirmons que les personnes doivent être pleinement entendues, jusqu'au terme de leur vie, et que leur choix doit être respecté. Cela concerne ceux qui, face à des souffrances physiques et psychiques insupportables, veulent être dispensés d'agonie, mais également ceux qui, du fait d'autres convictions, émettent un point de vue différent – sachant que les professionnels de santé auront bien évidemment la possibilité de faire jouer leur clause de conscience.

Alors ne soyons pas tentés de renvoyer cette avancée aux calendes grecques. Chers collègues, vous qui ne voulez pas débattre, vous qui ne voulez pas voter, laissez-nous débattre et voter. Permettez un débat digne et apaisé. Votons ce texte aujourd'hui ; les Français comptent sur nous.

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