Intervention de Pierre Razoux

Réunion du mercredi 22 janvier 2020 à 9h30
Commission de la défense nationale et des forces armées

Pierre Razoux, directeur de recherche à l'Institut de recherche stratégique de l'École militaire (IRSEM) :

Le retrait américain n'aura aucun impact sur H5, parce qu'il a lieu en Syrie, pas en Jordanie. Les Américains restent très présents en Jordanie. Ce n'est pas le retrait américain de Syrie qui va influencer la sécurité de la base et du déploiement français H5.

Comment inverser la perte d'influence française au Moyen-Orient ? Tout simplement, en redonnant de la cohérence et de la lisibilité à l'action de la France, et en disant clairement à tous nos partenaires sur les rives nord, sud et ouest, que ce qui doit guider l'intérêt de la France, ce sont d'abord et avant tout les intérêts nationaux et européens. Il faut se prononcer non plus de manière générique, mais plutôt au cas par cas, en identifiant chaque dossier, et en disant : « sur telle affaire, tel dossier, l'intérêt de la France et de l'Europe est de soutenir ceci ou cela, ou d'avoir telle ou telle vision ». En poussant cette idée d'Organisation pour la sécurité et la coopération du Golfe, où tout le monde peut discuter dans le Golfe, je pense que nous y gagnerions vraiment.

Concernant le détroit d'Ormuz, tout le monde dans la région a intérêt à le garder ouvert, à commencer par les Iraniens. Je pense qu'aujourd'hui, ceux qui pourraient être tentés de le fermer sont plutôt les Américains, pour couper les approvisionnements énergétiques de la Chine. Les Iraniens et les pays du Golfe, au contraire, ont tout intérêt à le laisser ouvert, et font passer le message que c'est gagnant-gagnant ou perdant-perdant. Soit le détroit est ouvert pour tout le monde, aussi bien la rive nord que la rive sud, soit, si certains acteurs décident de le fermer, l'Iran prendra les mesures qui s'imposent de son point de vue.

Par ailleurs, l'idée de Donald Trump d'étendre l'OTAN à cette région est à vocation purement interne. Trump dit à son audience politique intérieure qu'elle ne va pas continuer à payer pour la sécurité des autres. Si les autres veulent que les États-Unis restent, il va falloir payer. Nous avons vu récemment les réactions des pays de l'OTAN, dont le Secrétaire général a été très mesuré, disant qu'il ne voulait pas faire la guerre des autres. Si les Américains et les Iraniens ne s'entendent pas, ce n'est pas l'OTAN qui va faire la guerre là-bas pour servir les intérêts américains. C'est très clair. Sur place, je pense qu'il n'y a pas une appétence phénoménale pour l'OTAN. Dans d'autres fonctions, j'ai mis en œuvre ce qu'on appelle l'initiative de coopération d'Istanbul, c'est-à-dire le programme de l'OTAN vis-à-vis des pays du Golfe. Cela n'a jamais suscité une appétence significative. Par contre, les pays du Golfe voient l'OTAN comme un cercle d'échanges et comme un outil d'interopérabilité, mais je pense que cela ne va pas au-delà.

Pour terminer sur la question du nucléaire, l'Iran peut avoir la bombe très vite, mais encore une fois, ce n'est pas leur intérêt. Leur intérêt est de rester en dessous de ce seuil afin de rester dans le système actuel. Les Israéliens et les Américains disent que toutes les options sont sur la table, y compris l'action militaire. Les Iraniens répondent en disant qu'ils ont besoin d'être dissuasifs. Ils demandent qu'on leur laisse une marge défensive et un rôle régional, autrement, ils n'auront pas d'autre choix que de faire la bombe, mais dans ce cas-là, ils peuvent la faire très vite.

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