Intervention de Florence Parly

Réunion du vendredi 18 septembre 2020 à 10h00
Commission de la défense nationale et des forces armées

Florence Parly, ministre des armées :

Depuis notre dernière rencontre, en juillet dernier, durant tout l'été, les militaires français ont été sur tous les fronts. Je souhaiterais saluer leur action et rendre hommage aux quatre soldats morts en opération au Mali et au Tchad.

Je tiens également à saluer l'action des unités engagées au Liban dans le cadre de l'opération Amitié, décidée par le Président de la République. Ces militaires sont venus en aide au Libanais après la double explosion dans le port de Beyrouth, intervenue le 4 août dernier, qui a surpris le monde entier. Nous avons été les premiers à réagir. Près de 750 hommes se sont rendus sur place, dont plusieurs détachements du génie. Leur compétence a été précieuse, puisqu'ils ont activement contribué à déblayer non seulement le port de Beyrouth, qui est le poumon économique du Liban, mais aussi des écoles et la gare routière. Les plongeurs de la marine nationale ont directement aidé à dégager de nombreuses épaves des approches sous-marines du port, afin de permettre aux bateaux d'accoster. Le bataillon de marins-pompiers de Marseille a fait preuve d'une belle solidarité en faisant don de dix véhicules d'intervention aux pompiers de Beyrouth.

Cette opération éclair, tant par la rapidité de son déploiement que par son efficacité, prouve, une fois de plus, la disponibilité et le professionnalisme de nos armées, ainsi que leur capacité à réagir vite sans que leurs missions soient par ailleurs obérées, puisqu'aucune d'entre elles, tant à l'intérieur qu'à l'extérieur de nos frontières, n'a été interrompue.

Avant de les détailler, je referai avec vous un constat simple de la situation internationale de ces derniers mois. Loin d'effacer les tensions internationales, la crise sanitaire constitue un prétexte commode pour justifier des comportements injustifiables qui fragilisent toujours un peu plus l'ordre international fondé sur le droit, auquel nous sommes profondément attachés. Le comportement de plusieurs puissances, animées de prétentions globales ou régionales, a atteint un niveau de désinhibition inédit. Les intimidations publiques, les démonstrations de force, les armes interdites et les stratégies de désinformation, qu'elles se déploient par WhatsApp, Tweeter ou même dans la rue, sont employées sans aucun complexe. Le désir de coopération internationale est de plus en plus supplanté par la compétition stratégique et le risque d'escalade non maîtrisée.

La France privilégiera toujours la voie exigeante du multilatéralisme, le dialogue et la coopération à l'isolement et à la confrontation, ce qui n'exclut pas la fermeté. C'est une ambition que nous portons au quotidien avec nos partenaires européens au sein de l'Europe de la défense, qui grandit chaque jour. Car le dialogue et la coopération, loin de se réduire par des réunions à Bruxelles ou en visioconférence, mènent aussi à l'action. Agir concrètement et nous mobiliser lorsque la sécurité de nos concitoyens européens est menacée, c'est l'objectif n° 1 de l'Europe de la défense.

Nous le faisons dans le détroit d'Ormuz dans le cadre de l'opération Agénor qui contribue au respect de la liberté de navigation et à la stabilisation de cette zone. C'est également le sens de l'engagement des Européens au Sahel, au travers de la mission de formation de l'Union européenne au Mali (EUTM), comme dans la task-force Takuba, dont l'opérationnalisation se poursuit en dépit de la crise politique au Mali. C'est enfin l'ambition des Européens de peser sur le règlement de la crise libyenne et, plus largement, pour restaurer la stabilité indispensable dans l'espace méditerranéen, aux portes de l'Europe.

C'est la raison pour laquelle nous avons décidé de renforcer notre contribution à l'opération de l'Union européenne Irini, en déployant la frégate Latouche-Tréville au cours des toutes prochaines semaines. Il s'agit de faire respecter l'embargo sur les armes mis en place par le Conseil de sécurité des Nations unies, condition essentielle pour réduire le niveau des tensions et engager un processus politique vertueux en Libye.

Avec les Européens, nous agissons au quotidien et nous préparons l'avenir de nos capacités militaires. En juillet, lors de la présentation du rapport sur les exportations d'armement, je vous avais dévoilé qu'en 2019, 42 % de celles-ci avaient pour destination les pays européens. Cette politique d'exportations résolument européenne continue de porter ses fruits après l'annonce récente du Premier ministre grec d'acquérir dix-huit Rafale. J'insiste sur le fait que c'est la première fois qu'un pays européen exprime le souhait de se doter des avions Rafale.

J'évoquerai notre priorité absolue, à l'intérieur comme à l'extérieur de nos frontières, qu'est la lutte contre le terrorisme. J'étais, il y a quelques semaines, au Levant. En Irak, Daech est encore et toujours une réalité. Ses combattants se terrent dans les reliefs montagneux. Ils n'ont plus de territoire, mais ils organisent une véritable vie souterraine. La clandestinité a toujours été, peu ou prou, leur mode d'action, mais j'ai retiré de ce déplacement la conviction que Daech continue d'exister.

Nous devons continuer ce combat aux côtés de nos partenaires irakiens, de nos partenaires kurdes et dans le cadre de la coalition internationale. En Jordanie, j'ai rendu visite à nos aviateurs sur la base H5. Je peux vous dire qu'ils continuent d'effectuer des missions de reconnaissance et de renseignement. Ils repèrent les positions de Daech et en décèlent les activités suspectes. Je soulignerai un fait qui n'est peut-être pas très connu : grâce à eux, la France couvre 25 % des besoins en images de la coalition tout entière !

À Bagdad et à Erbil, j'ai réaffirmé le soutien de la France à l'Irak dans ce combat. J'ai rappelé notre volonté de voir la région se stabiliser et se pacifier. L'Irak, pays souverain, doit être mis à l'abri des ingérences extérieures qui sont nombreuses et vont croissant. Il ne doit pas être pris en tenaille entre la Turquie et l'Iran.

Pour finir, je dirai quelques mots du Sahel et de la situation au Mali. Après le coup d'État du 18 août, une transition doit être engagée au plus vite. C'est pourquoi nous soutenons la médiation conduite par la communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest (CEDAO).

Le contexte politique au Mali n'a pas entamé notre détermination à poursuivre la lutte contre les groupes armés terroristes qui sévissent dans toute la région. Les opérations continuent. Notre priorité est de fédérer les alliés qui sont sur place, à nos côtés, et ceux qui souhaitent nous rejoindre. J'échange très régulièrement à ce sujet avec mes homologues européens.

Tel est le panorama international dans lequel les armées françaises évoluent.

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