Intervention de Florence Parly

Réunion du mardi 14 septembre 2021 à 16h00
Commission de la défense nationale et des forces armées

Florence Parly, ministre des Armées :

Monsieur Jacques, je ne pourrai répondre que très partiellement à votre question, qui est extrêmement délicate, puisqu'elle concerne les options militaires dont nous disposons pour faire face à la situation et au risque de résurgence du terrorisme en Afghanistan. Il est difficile d'évoquer des options militaires à ce stade et dans le cadre de la présente audition – on ne saurait débattre de tels sujets en public, d'autant plus que lesdites options n'ont pas la consistance que vous imaginez. Il n'est pas question, aujourd'hui, d'intervenir militairement, ce qui exclut toute option militaire. Nous avons un certain nombre d'atouts qui permettraient de construire des réponses si une telle décision était prise. En particulier, le fait que nous ayons des forces prépositionnées dans la région est un élément majeur, qui permettrait d'envisager différents scénarios – je ne dis pas que ces derniers existent mais que cela permet de les envisager.

Par ailleurs, le dialogue que nous entretenons avec des partenaires européens mais aussi d'autres pays, comme le Qatar, est fondamental. Nous l'avons vu, ce pays est devenu une sorte de plateforme à partir de laquelle des échanges ont eu lieu entre les talibans et plusieurs pays – je parle bien d'échanges et non pas de négociations – pour faciliter le retour ou l'évacuation d'un certain nombre de personnes. La France a un partenariat historique avec le Qatar, qui est crucial pour faire face à la situation. De même, nous entretenons des partenariats stratégiques qui apparaissent aujourd'hui particulièrement pertinents ; je pense, par exemple, à celui qui nous lie à l'Inde, pays directement concerné par l'évolution de l'Afghanistan. On peut aussi mentionner les Émirats arabes unis. Si une option militaire devait être envisagée, elle serait soumise à des conditions. Or, nous avons patiemment travaillé pour remplir ces conditions, et nous continuons à le faire par des partenariats qui continuent à grandir – en particulier avec l'Inde. Par ailleurs, nous avons atteint avec les Émirats arabes unis un niveau de confiance qui a été parfaitement illustré au cours des dernières semaines.

Madame Roques-Etienne, nous n'avons pas une vision consolidée de l'ensemble des coûts d'Apagan, car le ministère des armées n'en assume qu'une partie ; ce qui relève de l'accueil en France des personnes évacuées, par exemple, dépend du ministère de l'intérieur. Pour ce qui concerne le ministère des armées, le coût de l'opération est principalement lié au transport aérien, qui représente 23 des 24 millions d'euros que nous avons engagés pour financer Apagan. Nous avons également assumé des frais de personnel et nous avons déployé des moyens de fonctionnement pour accueillir les personnes évacuées à Abou Dhabi : c'est ce qui explique le million complémentaire.

Madame Valetta Ardisson, on ne peut pas dire, comme vous l'avez laissé entendre, qu'on savait ce qui allait se passer, à moins de préciser ce que vous entendez par là. Nous connaissions les échéances fixées au terme de la négociation menée entre les États-Unis et les talibans à Doha. Nous savions que le désengagement américain interviendrait le 31 août. Mais personne n'avait anticipé la vitesse avec laquelle les talibans allaient reprendre le contrôle de la totalité du pays. Lorsqu'ils ont pris connaissance du calendrier, tous les acteurs présents en Afghanistan imaginaient qu'ils auraient du temps pour conduire les opérations d'évacuation.

Nous avons fait preuve d'anticipation dans la mesure où, dès le printemps 2021, nous avons exhorté tous les Français se trouvant dans le pays à rentrer. Le ministère de l'Europe et des affaires étrangères a affrété un vol à la mi-juillet, qui a conclu le cycle préliminaire d'incitation au retour de tous ceux qui pouvaient le faire. Tous, cependant, ne l'ont pas souhaité. Vous avez été témoins de cette situation, par les nombreux messages que vous avez reçus pendant cette période. Vous avez été destinataires d'appels au secours de personnes qui ne se sont manifestées qu'à quelques heures du dernier vol en partance de Kaboul.

Il y a des choses qui pouvaient être anticipées, et qui l'ont été. Ce qui ne pouvait pas l'être, c'est la vitesse avec laquelle les talibans se sont rendus maîtres de Kaboul, la chose ayant été effective dès le 15 août. Souvenez-vous de l'enchaînement des événements : à treize heures, on nous a annoncé que le président afghan avait fui le pays et, à quinze heures, que les talibans avaient pris le contrôle de Kaboul. L'enchaînement a été vertigineux : personne ne pouvait prévoir que l'État afghan allait s'effondrer. Les Américains ne pouvaient imaginer que des forces qu'ils avaient formées pendant des années refuseraient le combat et seraient dans l'incapacité d'empêcher l'arrivée des talibans. Mais quand survient l'imprévisible, il importe d'être préparé à y faire face. Nous avons ainsi déployé avec beaucoup de rapidité et d'agilité une opération qui constitue une prouesse sur les plans technique et logistique. Des militaires sont partis dès que le Président de la République a décidé le lancement de l'opération, le 15 août ; ils sont arrivés sur place le lendemain ; le pont aérien commençait le 17. Voilà ce que nous avons réussi dans un contexte chaotique. Affirmer que l'on savait ce qui allait se passer revient à dénaturer et à déconsidérer tout ce qui a été accompli dans des conditions extraordinairement difficiles.

On ne peut que soutenir et relayer l'appel à agir en faveur des femmes afghanes. Dans la société civile, beaucoup d'associations se structurent, les initiatives individuelles se multiplient pour venir en aide à ces femmes, tant celles qui sont restées que celles qui se sont enfuies. Notre solidarité peut s'exprimer de façon plus immédiate et plus concrète envers les secondes. Nous nous efforçons de venir en aide aux autres, et de leur permettre de partir, si elles le souhaitent, comme les hommes, mais il y a encore quelques obstacles à franchir.

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