Intervention de Jean-Michel Blanquer

Réunion du mardi 8 septembre 2020 à 18h00
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Jean-Michel Blanquer, le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports :

Je note votre question.

Sur la relation entre sport et éducation, vous avez abondé la question de M. Juanico. Le temps me manque pour dresser un bilan global de cette question, mais je pourrai le faire ultérieurement, d'autant que nous nous situons à un moment charnière. Des actions ont déjà été engagées – je vous ai livré les chiffres des établissements labellisés « Génération 2024 » – mais le meilleur reste à venir. La jonction entre les deux est un événement encore très récent qui portera ses fruits cette année et à la rentrée prochaine.

Sur la question précise que vous avez posée concernant les groupements d'employeurs, il n'est pas question de faire assumer davantage par les collectivités locales le coût de ces dispositifs sportifs. Je ne sais pas d'où vient cette interprétation, mais je tiens à vous rassurer. Nous conduisons des groupes de travail assez approfondi avec les collectivités locales pour avancer sur cette question. Rien ne sera imposé en la matière mais si une collectivité veut s'impliquer davantage, avec nous à ses côtés, il est tout à fait possible d'imaginer des dispositifs volontaires. Mais, je le répète, aucune demande de fonds ne sera imposée aux collectivités.

Les sections sportives continueront bien évidemment à se développer. J'en parlais hier encore avec Tony Estanguet : la perspective de Génération 2024 est d'être un stimulant pour les sections sportives. Dans le cadre de la réforme du lycée, nous prendrons certainement des mesures en faveur du développement de l'EPS.

J'ai déjà répondu aux interrogations de M. Le Bohec sur la mission « promiscuité ». Je n'ai pas grand-chose à ajouter.

Je suis avec un grand intérêt la grande consultation. Elle sera complémentaire d'enquêtes que nous avons menées cette année : l'enquête « professeur » et l'enquête « directeur d'école » notamment nous sont très utiles pour introduire le travail du Grenelle des professeurs. Je suis ouvert à tout ce qui permettra de contribuer au Grenelle des professeurs. J'ai indiqué qu'il s'agissait d'un processus d'interlocution avec les organisations syndicales sur des aspects – qui, parfois, peuvent être assez techniques – d'évolution de la rémunération, mais cela concernera également de nombreux acteurs, dont la représentation nationale, pour prendre en considération le diagnostic que l'on peut dresser de la situation et les améliorations que l'on peut apporter.

Il va de soi que vous êtes plus que bienvenus, ainsi que les autres membres du collectif, dans les groupes de travail et les processus qui se mettront en place. Nous aurons largement l'occasion d'en reparler, mais je vous remercie de cette proposition.

Monsieur Nadot, je vois que le collège Jules-Ferry de Villefranche-de-Lauragais fait l'objet d'une attention particulière. Je m'engage à examiner de près la situation. Il est toujours intéressant de se pencher sur des cas limites qui, parfois, traduisent un éventuel dysfonctionnement. Je ne veux pas m'engager à ce stade. Je sais que le nouveau recteur et le DASEN sont très attentifs aux enjeux d'équité territoriale. Nous nous pencherons sur la question.

En ce qui concerne les ULIS, je rappelle que nous en créons 362 supplémentaires en cette rentrée, y compris dans le second degré puisque l'ULIS dont vous nous parliez est un ULIS du second degré. Cela porte à 9 599 le nombre d'ULIS en France. Nous poursuivons donc notre politique de l'école inclusive et les ULIS se développent, avec les taux d'encadrement favorables qui les caractérisent.

Madame Mörch, merci de ce que vous avez dit, fort justement, sur la Haute‑Garonne et sur le très beau travail accompli par les uns et les autres pour faire face à la situation. C'est l'occasion de rendre à nouveau hommage à notre service public très professionnel ainsi qu'aux acteurs d'arrière-plan de l'action éducative qui permettent que le système fonctionne au jour le jour.

Vous m'avez demandé comment nous nous emparons du plan jeunes. C'est un vaste sujet que ma réponse n'épuisera pas. Ses 6,5 milliards d'euros sont interministériels, répartis essentiellement entre notre ministère, celui de l'enseignement supérieur et celui du travail. La coopération entre ces ministères fonctionne bien, elle n'a pas toujours été aussi forte lors des dernières décennies. L'exemple type de cette coopération interministérielle, ce sont les campus des métiers et des qualifications.

S'emparer du plan jeunes, c'est utiliser les moyens nouveaux pour, par exemple, inciter à l'apprentissage en cette rentrée. C'est également développer les formations en lycée professionnel que j'ai évoquées précédemment. C'est aussi proposer 100 000 services civiques supplémentaires. C'est, de façon générale, utiliser tout ce que nous pouvons dans le plan de relance qui correspond à la jeunesse. Nous aurons l'occasion d'en parler plus largement, mais ce ministère est bien évidemment central dans la priorité jeunesse affichée par le Président de la République.

Monsieur Testé, je vous confirme que 12 500 jeunes en service civique seront affectés dans le premier degré à cette rentrée, soit 2 500 supplémentaires. Nous n'excluons pas d'en affecter davantage, si nécessaire. Un quart des écoles au moins peuvent donc en être bénéficiaires. Lorsque j'avais fait les premières annonces à ce sujet, certains disaient que l'apport d'un service civique n'était peut-être pas si désiré que cela dans les écoles. Je pense que certains directeurs d'école sont, au contraire, très désireux d'en bénéficier. Nous verrons ce qu'il en est dans la réalité. Nous serons particulièrement attentifs à leur affectation dans le premier degré afin qu'ils puissent soulager le directeur – ou la directrice, car il s'agit souvent d'une directrice – dans sa vie quotidienne. Mais nous y veillerons également dans le second degré pour prêter main-forte, par exemple, pour les devoirs.

Les critères d'affectation tiennent surtout aux demandes des responsables du premier et second degrés, sachant qu'un volant de jeunes en services civiques est géré par la direction générale de l'enseignement scolaire. Là encore, le fait d'être un même ministère de la jeunesse et de l'éducation nationale aide à introduire une grande fluidité. Ce sont, il faut le dire, des opportunités pour des jeunes voulant s'engager dans le service civique que de pouvoir contribuer à la vie quotidienne de notre éducation nationale.

Madame Granjus, je rattache votre question relative aux acteurs de la fragmentation identitaire aux questions de M. Freschi, car elles se rejoignent. Comme vous le savez, je suis particulièrement mobilisé sur ces sujets. Le temps manque pour entrer dans les détails mais je dirai, premièrement, que l'édiction de la norme était un point majeur et l'une des premières mesures que nous avons prises. Grâce notamment au travail du Conseil des sages de la laïcité, plus personne ne peut dire que les règles de l'éducation nationale sont floues. Elles sont très claires. C'est vrai pour la norme de fonctionnement interne de l'éducation nationale, c'est vrai également pour ce qui est des enjeux dans la société. Je pense notamment aux règles qui régissent les établissements hors contrat, pour lesquels vous avez voté deux lois importantes : la loi Gatel et la loi pour une école de la confiance.

La norme doit être claire, et je pense qu'elle l'est. Si, d'aventure, quelqu'un pense qu'il en va autrement, la prochaine loi sur le séparatisme pourra être l'occasion de préciser ce que l'on estimerait ne pas l'être suffisamment. Mais, à mon avis, il ne demeure aucune ambiguïté sur la laïcité, la lutte contre le fondamentalisme et ses conséquences sur la société.

La mise en œuvre de cette norme repose largement sur nos équipes « valeurs de la République » des rectorats et sur la capacité d'intervention que nous avons développée ces trois dernières années. En la matière, je suis toujours très attentif aux observations que vous m'adressez sur les réalités de terrain, car nous agissons depuis le ministère par le biais d'une cellule dédiée à cet enjeu pour rétablir ce qui doit l'être chaque fois que nécessaire. Cela dit, il y a aussi ce que disent et pensent les uns et les autres au quotidien, qui se fonde parfois sur les discours que je peux tenir.

Vous avez mentionné l'enquête selon laquelle 40 % des enseignants s'autocensurent. Certains pensent encore que l'institution voudrait cacher les problèmes, ce n'est pas le cas. Personne ne doit se sentir seul face à de tels phénomènes. Je le répète, tout chef d'établissement et tout professeur doivent savoir que l'institution est derrière eux pour les aider chaque fois que de besoin. Un site internet, une adresse mail et des équipes dédiées dans les rectorats sont à disposition.

Vous avez évoqué le récent ouvrage de M. l'inspecteur général honoraire Obin. Je rappelle que j'ai toujours rendu hommage au rapport qu'il avait rendu il y a quelques années. Je n'éprouve aucune réserve à ce sujet. D'après ce que j'ai lu, il reconnaît la politique menée depuis trois ans en la matière. Certes, tout n'est pas parfait dans notre action, mais la pente à remonter est forte, d'autant que des phénomènes de société autour de l'école ne sont pas aisés à endiguer. À mon sens, cette question relève d'une logique globale. De tels enjeux réclament un état d'esprit de rectitude, afin que ne subsiste aucun doute quant à la mobilisation de l'éducation nationale à les relever. Cela passe également par l'éducation civique et morale – et donc l'éducation à la laïcité. Cette problématique sous-tend l'école de la République et ses enjeux s'inscrivent dans nos politiques en faveur de la jeunesse.

En tout cas, nous ne sommes pas impuissants face aux phénomènes de radicalisation et de fondamentalisme qui traversent parfois notre société, et qui sont des phénomènes minoritaires. S'agissant de l'islam, je rappelle toujours que, dans les enquêtes, les musulmans, dans leur grande majorité, disent leur attachement à la République et à la supériorité des valeurs de la République sur la religion. C'est aussi cette catégorie de la population que nous protégeons quand nous luttons contre le fondamentalisme musulman. Peut‑être avons‑nous besoin de canaliser davantage cette énergie pour bien signifier que les valeurs de la République sont particulièrement adaptées aux enjeux d'intégration de l'ensemble de la population. Je ne cesse de le répéter et cela fait partie du message de l'école à ces enfants.

Madame Dubois, vous m'avez interrogé sur le harcèlement scolaire, sujet qui suscite également une très forte mobilisation. Vous avez déclaré, à juste titre, que sa prévention doit intervenir dès le plus jeune âge. Tout est lié : les valeurs de la République sont liées à la lutte contre le harcèlement scolaire, nous renvoyant toujours aux mêmes enjeux : pas de pression sur autrui, pas de harcèlement d'autrui, pas de loi du plus fort. Ce ne sont pas simplement des principes que l'on transmet, mais des valeurs qui doivent être vécues au quotidien.

Cette prévention doit donc s'exercer, en effet, dès le plus jeune âge. Le 4 septembre, trois jours après la rentrée, j'étais à Sèvres dans une école primaire. Je n'y étais pas par hasard puisqu'elle était située à côté de la maison de Gambetta où je me suis rendu en ce 4 septembre. Nous étions donc dans une école voisine qui dispense les programmes que nous prônons de lutte contre le harcèlement scolaire adossés à une série de dispositifs, dont certains sont chers à M. Le Bohec, à savoir des séances d'écoute ou de discussion entre les enfants dès la classe maternelle. D'autres écoles encouragent les séances de méditation, les séances de calme, les séances de discussion, de débat, d'apprentissage de l'argumentation et de lutte contre le harcèlement scolaire. Bref, dans l'enjeu du collectif au sein du système scolaire s'adressant tant aux élèves qu'aux adultes, ces principes doivent, dès l'école maternelle, être transmis, au même titre que les savoirs fondamentaux qui contribuent d'ailleurs également à la lutte contre le harcèlement scolaire.

Ces dispositifs se déploient donc. J'ai eu l'occasion de les présenter en présence de Mme Macron voilà un an, lors des journées que nous consacrons à la lutte contre le harcèlement scolaire. Aujourd'hui, un système de formation des professeurs et d'intervention d'équipes dédiées dans les écoles et les établissements se diffuse. Pour aller dans votre sens, l'école primaire est effectivement particulièrement concernée, même si c'est souvent au collège que le harcèlement scolaire est le plus visible. Notre stratégie commence à se développer et à se concrétiser par de premiers résultats, même si ceux-ci demeurent insuffisants. La politique que nous menons est assez ressemblante de celle de certains pays scandinaves. J'espère bien obtenir des résultats comparables, même si nous le faisons « à la française », si vous me permettez l'expression : certains points sont différents mais, je l'espère, se révéleront efficaces.

En tout cas, je serai amené à en reparler régulièrement tout au long de l'année, parce que notre politique contre le harcèlement scolaire participe de la politique du bon climat scolaire. Cette question me renvoie à celle sur la circulaire de rentrée. Les sujets ne sont pas cloisonnés : lorsque l'on travaille pour le sport scolaire, on travaille contre le harcèlement scolaire, lorsque l'on travaille pour les valeurs de la République, on travaille contre le harcèlement scolaire, lorsque l'on travaille sur les savoirs fondamentaux, on travaille contre le harcèlement scolaire et lorsque l'on travaille sur des pédagogies de projets collectifs, on travaille contre le harcèlement scolaire. Notre capacité à inscrire un bon climat scolaire dans chaque école et dans chaque établissement est au cœur de la politique engagée. C'est le sens de l'école de la confiance. Chacun doit, dès son arrivée à l'école, y venir avec bonheur et confiance. C'est la raison pour laquelle j'insiste sur cette dimension de la rentrée scolaire.

Je rappelle que, parmi les conséquences de la loi pour l'école de la confiance, figure la mise en place du conseil d'évaluation. Ce conseil, qui répond à un engagement du Président de la République lors de la campagne présidentielle, permet d'enclencher dès cette rentrée le processus d'évaluation des établissements de France, par vagues annuelles. C'est ainsi que chaque établissement sera évalué tous les cinq ans au moyen d'auto-évaluations, mais aussi par des équipes dont c'est la fonction. Des parlementaires sont membres de ce conseil, conformément aux discussions que nous avions eues dans l'hémicycle. Parmi les éléments d'évaluation, outre des éléments pédagogiques stricto sensu, figure également tout ce qui relève du climat scolaire. Chaque école et chaque établissement a donc vocation à développer une politique en la matière avec, en son centre et comme résultat, la lutte contre le harcèlement qui deviendra systématique et universelle. Je suis confiant quant à notre capacité à avancer sur le sujet, même si je ne sous‑estime pas le fait que les problèmes sont encore présents et que chaque cas est à étudier avec le plus grand sérieux.

Vous avez raison, madame Tamarelle, les problèmes de santé sont une difficulté structurelle du système depuis de nombreuses années. Nous remontons la pente, peut‑être pas assez rapidement. C'est un sujet qui sera encore sur la table au cours de cette année scolaire, en lien avec le ministère de la santé si nous voulons obtenir des résultats plus rapides. À ce stade de la soirée, je peux vous assurer que je partage pleinement votre diagnostic et vous assure de mon entière volonté de progresser avec réalisme et volontarisme, en lien avec les autorités de santé.

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