Intervention de Florence Provendier

Réunion du mercredi 22 septembre 2021 à 9h30
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFlorence Provendier, rapporteure :

Les bibliothèques constituent le premier équipement culturel en France. Pourtant, elles ne font l'objet d'aucune loi, contrairement aux musées et aux archives. À l'initiative de Sylvie Robert, sénatrice d'Ille-et-Vilaine, la proposition de loi relative aux bibliothèques et au développement de la lecture publique a vocation à consacrer dans le code du patrimoine le rôle central que jouent les bibliothèques dans notre société. Elle fait suite à son rapport au Gouvernement sur l'adaptation et l'extension des horaires d'ouverture des bibliothèques publiques de France ainsi qu'à son rapport d'information, rédigé avec sa collègue Colette Mélot, sur l'extension des horaires d'ouverture des bibliothèques publiques. La présente proposition de loi s'inscrit également dans la droite ligne du rapport d'Erik Orsenna et de Noël Corbin, intitulé « Voyage au pays des bibliothèques. Lire aujourd'hui, lire demain », et à la mission flash d'Aurore Bergé et de Sylvie Tolmont, sur les suites données à ce dernier.

Adoptée à l'unanimité par le Sénat en juin 2021, la proposition de loi a ainsi pour ambition de réaffirmer les missions des bibliothèques territoriales dans l'accès à la culture, à l'information, à l'éducation, aux savoirs et aux loisirs. Le texte consacre également les grands principes qui doivent les guider, tels que l'égal et le libre accès, la gratuité, le pluralisme des collections et la neutralité du service public. Les articles sont volontairement définis en des termes suffisamment larges pour couvrir la pluralité des fonctions et des publics. Par exemple, l'obligation faite aux bibliothèques de garantir l'accès à la culture, à l'information, à l'éducation et aux savoirs inclut des objectifs plus spécifiques, tels que la lutte contre l'illettrisme, l'illectronisme ou encore l'analphabétisme.

Le texte traduit également les évolutions de notre temps, en introduisant le numérique dans les collections des bibliothèques et en offrant d'autres services que ceux directement liés à la lecture publique. Il souligne aussi le rôle central du bibliothécaire, aussi bien dans la médiation et l'accessibilité au savoir, que dans le lien social qu'il tisse.

Le Président de la République, dans son discours du 17 juin 2021, a déclaré la lecture grande cause nationale, reconnaissant de fait que les bibliothèques œuvrent dans l'intérêt de l'ensemble de la société. Comme le soutient Victor Hugo dans Choses vues : « Lire, c'est voyager ; voyager c'est lire ». Les bibliothèques sont les vaisseaux qui nous ouvrent les portes de la connaissance de soi, des autres et du monde. Écrins de liberté, ils jouent ainsi un rôle essentiel au sein de la cité en ce qu'ils cultivent l'ouverture d'esprit, ouvrent le champ des possibles et permettent le vivre-ensemble, en contribuant à la citoyenneté et au plein exercice de la démocratie.

La bibliothèque doit être accessible à tous. J'entends par là qu'il faut aussi garantir l'accessibilité des lieux et des contenus aux personnes en situation de handicap ou, plus largement, aux personnes empêchées. La bibliothèque est un vecteur qui sait se déployer hors les murs : la coopération avec d'autres organismes culturels, éducatifs et sociaux tels que les écoles, les musées, les bibliothèques des prisons et des établissements hospitaliers, les centres d'accueil de la petite enfance, les associations, est au cœur de ses missions. La bibliothèque est aussi un lieu plastique, un troisième lieu, qui s'adapte aux évolutions des technologies et des usages. Le principe de mutabilité pourrait ainsi figurer parmi ses grandes caractéristiques.

Alors que les bibliothèques départementales jouent un rôle structurant dans la mise en réseau des bibliothèques de leur territoire, tant dans l'allocation des documents et objets, que dans le conseil et la formation des bibliothécaires, professionnels et bénévoles, les départements devraient avoir pour interdiction de les supprimer, de cesser de les entretenir ou de les faire fonctionner. Malheureusement, l'amendement que j'avais déposé en ce sens a été déclaré irrecevable au titre de l'article 40 de la Constitution, au motif que la loi ne peut interdire à un département de renoncer à une compétence. On en connaît pourtant des cas.

Tout comme il n'y a pas qu'une vie dans la vie, les livres peuvent avoir plusieurs vies. Afin de favoriser le développement de la lecture publique et faciliter le désherbage réalisé par les bibliothèques, celles-ci devraient avoir le droit de donner des livres à des associations, des fondations ou encore à des organisations de l'économie sociale et solidaire. Cette possibilité aurait tout d'un cercle vertueux : elle éviterait de jeter au pilon des millions de livres et participerait à l'économie circulaire.

Il est temps de consacrer dans la loi le rôle fondamental des bibliothèques, qui contribuent au développement de l'esprit critique, à l'émancipation de l'individu et à l'intégration sociale, autant d'ingrédients essentiels au vivre-ensemble et à notre démocratie.

Je remercie toutes les personnes qui ont participé aux auditions et aux réunions de travail préparatoires, ainsi qu'aux bibliothécaires et aux élus, qui m'ont accueillie avec un immense professionnalisme lors de mes visites.

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