Intervention de Antoine Savignat

Réunion du jeudi 2 juillet 2020 à 9h30
Commission d'enquête sur les obstacles à l'indépendance du pouvoir judiciaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAntoine Savignat :

J'ai eu un sentiment de malaise lorsque vous avez répondu à la première question de M. le président. Je rappelle que nous sommes une commission d'enquête sur les obstacles à l'indépendance du pouvoir judiciaire, non sur la procédure à l'encontre de François Fillon. En répondant au président, vous avez développé en long, en large et en travers les faits qui avaient été relevés, ceux qui avaient été retenus et la procédure que vous avez engagée. Sur ce dossier en cours, les avocats de François Fillon seront certainement ravis de connaître ce que seront les réquisitions en cour d'appel mais, je le répète, tel n'est pas l'objet de notre commission.

Une procureure a dit qu'elle avait fait l'objet de pressions. Selon vous, psychologiquement, dans le contexte de l'époque, elle a pu avoir le sentiment de faire l'objet de pressions – nous ne sommes pas tous égaux face au stress ou à la gestion d'une crise. Nous l'entendons parfaitement.

Vous avez aussi rappelé, dans le déroulement des faits, que, dans un premier temps, Mme Houlette avait refusé la main tendue que vous lui proposiez dans la gestion de ce dossier, et ce, de manière assez virulente, en mettant terme à une réunion que vous aviez initiée. Dans un second temps, vous lui avez adressé un courrier lui rappelant votre position quant à la gestion du dossier. Cette demande écrite venant d'un supérieur, quand bien même elle n'entrait pas dans le champ de l'article 36 du code de procédure pénale, n'était-elle pas de nature à être assimilée sinon à une pression, du moins à une atteinte à son indépendance dans la gestion du dossier ?

Nous ne sommes là que pour voir si le système fonctionne normalement, et ce que nous pourrions faire pour l'améliorer. On peut légitimement avoir des inquiétudes ou se dire que le système n'est pas assez sécurisé pour permettre cette totale indépendance lorsque l'on voit, dans l'actualité récente, l'ancien délégué du bâtonnier de Paris affirmer qu'il a également fait l'objet de pressions dans la gestion des instructions et des dossiers. A-t-il mal compris ou mal entendu certains propos ?

Enfin, point clé du débat sur l'indépendance de la justice, vous avez soutenu que le garde des Sceaux devait disposer d'instructions et d'informations claires sur le contenu des dossiers, afin qu'il ne les découvre pas dans la presse. Pourquoi en aurait-il besoin, à moins de supposer qu'une fois ces éléments réunis, il ne donne des instructions aux magistrats ? C'est le ministre de l'intérieur qui garantit l'ordre public : c'est à lui qu'il revient, éventuellement, si l'ordre public est en jeu, d'avoir des informations précises sur des enquêtes en cours. Je n'en vois pas l'intérêt sur des affaires personnelles, que visait la circulaire de Mme Taubira.

Ne pensez-vous donc pas que le lien hiérarchique conduise à des interrogations légitimes sur l'indépendance du procureur de la République ?

Par ailleurs, quel est l'intérêt de la remontée d'informations au garde des Sceaux ? Le point a été longuement débattu lors du procès de M. Urvoas. On a vu que les informations qui remontaient du procureur général à la DACG puis au garde des Sceaux, étaient largement expurgées. Pour davantage d'indépendance de la justice, on peut légitimement se poser la question de l'intérêt de conserver cette information exhaustive du garde des sceaux.

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