Intervention de Amin Boutaghane

Réunion du mercredi 4 décembre 2019 à 14h35
Commission d'enquête chargée de faire la lumière sur les dysfonctionnements ayant conduit aux attaques commises à la préfecture de police de paris le jeudi 3 octobre

Amin Boutaghane :

Précisons que l'EMOPT a été créé le 1er juillet 2015, immédiatement après l'affaire de Saint-Quentin-Fallavier, au cours de laquelle Yassin Salhi avait décapité son patron et accroché sa tête au grillage de l'entreprise, avant de tenter d'aller plus loin. J'étais à l'époque chef zonal du renseignement territorial à Rennes en attente d'une nomination à Lyon ; je me suis donc particulièrement intéressé à cette affaire. Le ministre de l'Intérieur, Bernard Cazeneuve, nous avait immédiatement convoqués et avait parlé d'un « trou dans la raquette ». En matière de coordination, l'idée consistait à accélérer la création du FSPRT. Celui-ci a été créé, par décret non publié, le 5 mars 2015, après l'attentat contre Charlie Hebdo et pour faire suite aux nombreux signalements qui avaient alimenté le numéro vert depuis sa création fin avril 2014. La décision avait été prise de créer un fichier, au format Excel, mais la mise en place avait été assez laborieuse. Le but de Bernard Cazeneuve était d'accélérer les choses ; la création de l'EMOPT a été décidée très rapidement pour ce faire et pour densifier le suivi territorial.

S'agissant de l'affaire concernant Mickaël Harpon, une enquête judiciaire est en cours. Nous n'avons pas vocation, en tant qu'unité de coordination, à suivre des affaires judiciaires ; mais bien évidemment, nous récupérons les informations que les instances compétentes veulent bien publier. Nous avons eu plusieurs retours au sujet de cette affaire, particulièrement douloureuse pour la police : depuis 2013, année après année, mois après mois, chaque service s'efforce de s'organiser afin d'apporter la meilleure réponse à cette menace qui est plus que durable.

L'affaire Harpon est visiblement liée à une maladie dont souffrait l'intéressé, qui s'était en outre converti à l'islam. Cependant, d'après tous les renseignements qui nous sont remontés via les services, il ne s'était pas converti dans le sens d'une radicalisation violente ou à caractère terroriste au sens où on l'entend communément. Les premiers éléments relatifs à la mosquée de Gonesse laissent à penser que si certaines formes de discours tenus par son maître à penser prêtent à interrogation, rien ne permet d'envisager qu'il existait chez Mickaël Harpon une vocation de radicalisation violente. Dans les deux jours qui ont suivi l'attaque, j'ai discuté, ainsi que mes collègues, avec la directrice de la DRPP et son adjoint, qui étaient sous le choc ; ils m'ont clairement indiqué, ce qui a été confirmé par la suite, qu'à aucun moment un signalement n'était remonté à leur niveau. On a entendu parler de signalements qui auraient été effectués, ou d'inquiétudes qui auraient été exprimées par des proches collègues de l'intéressé, après l'attentat contre Charlie Hebdo ; Mickaël Harpon aurait dit : « ils ont ce qu'ils méritent » ou « ils l'ont bien cherché », la phrase exacte n'étant pas avérée. En tout état de cause, cet élément n'a jamais franchi le niveau supérieur de la hiérarchie et n'est jamais parvenu au niveau de la direction.

Par ailleurs, il n'y a pas eu, à notre connaissance, de reconnaissance de l'attaque du 3 octobre 2019 par l'État islamique. Reste qu'elle a été considérée, à l'échelle nationale, comme une attaque terroriste : nous nous en tenons à cela et nous travaillons en ce sens. Après cette attaque, comme nous le faisons à chaque fois, nous avons procédé à un retour d'expérience et nous nous efforçons de trouver des solutions : en l'occurrence, la solution a consisté à resserrer encore un peu plus l'existant, à savoir la détection d'une éventuelle radicalisation chez des personnels de sécurité et particulièrement ceux dépendant du ministère de l'Intérieur. Nous avons été chargés d'isoler cette radicalisation et de créer un espace sécurisé, ce qui implique un certain nombre de mesures techniques. Cet espace sécurisé au sein du FSPRT concernant les personnels de sécurité présentant des signes de radicalisation est en cours de création et devrait être opérationnel d'ici à la fin du mois de décembre 2019 ou au début du mois de janvier 2020.

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