Intervention de Hugues Sartre

Réunion du jeudi 18 avril 2019 à 14h45
Commission d'enquête sur l'impact économique, industriel et environnemental des énergies renouvelables, sur la transparence des financements et sur l'acceptabilité sociale des politiques de transition énergétique

Hugues Sartre, porte-parole de la société GEO PLC :

Nous y reviendrons.

Considérons maintenant l'utilisation qui est faite de ces sommes. Les règles comptables et fiscales n'ont, pour le dispositif CEE, été fixées de façon claire qu'assez récemment. Désormais, il est possible d'affirmer que l'argent prélevé aux consommateurs d'énergie est utilisé pour trois types de dépenses : le paiement des taxes, le financement des primes CEE et le financement de l'écosystème.

Je m'attarderai sur le cas des taxes, en regrettant que vous ayez déjà auditionné les interlocuteurs du ministère de l'économie et des finances et en charge de la fiscalité, car plusieurs problèmes relevant de leurs champs de compétence se posent.

D'abord, comme je l'ai indiqué, le coût de l'obligation CEE est répercuté sur le montant hors taxe de vente de l'énergie, et il faut donc ajouter la taxe sur la valeur ajoutée (TVA). Or la prime que les fournisseurs d'énergie versent pour obtenir des CEE est hors du champ d'application de la TVA, donc non déductible. Ainsi, au titre de l'obligation CEE, 20 % de la somme prélevée sert à financer directement la TVA, alors que l'obligé ne peut déduire la TVA des dépenses qu'il assume pour satisfaire cette obligation.

Ensuite, lorsque des travaux sont réalisés chez Mme Martin pour 1 000 euros hors taxes (HT), une TVA au taux réduit de 5,5 % s'applique : le coût de ces travaux, toutes taxes comprises (TTC), est donc de 1 055 euros. La prime CEE se rapportant au montant de l'opération après application de la TVA, il faut verser 1 055 euros de prime CEE. Ce sont ainsi 55 euros de TVA – 200 euros si l'opération est réalisée chez une personne morale – qui sont dus à l'État pour une opération portant sur 1 000 euros de travaux. Si la prime CEE s'appliquait au montant de ces travaux hors taxe, elle s'appliquerait sur une base de 1 000 euros de travaux, et la TVA collectée serait nulle.

Enfin, les CEE portant sur des équipements privés, les personnes morales qui reçoivent ces subventions les comptabilisent parmi les recettes exceptionnelles, soumises en conséquence à l'impôt sur les sociétés. Ainsi, lorsqu'un fournisseur d'énergie règle les travaux d'un groupe industriel, environ 30 % de la somme restante est soumise à l'impôt sur les sociétés (IS) – l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) considère en effet que le taux moyen de l'IS en France est de 30 %.

Les experts du dispositif CEE estiment ainsi que 33 % de la facture d'énergie du consommateur final finance les taxes, 54 % les primes CEE des bénéficiaires et 13 % l'écosystème CEE. Si on rapporte ces taux aux 3,68 milliards que les fournisseurs ont répercutés en 2018 sur les consommateurs, on peut considérer que 1,2 milliard a servi à financer les taxes, environ 2 milliards – exactement, 1,985 milliard – à payer les primes CEE versées aux consommateurs ayant réalisé des travaux d'économie d'énergie, et environ 500 millions à financer l'écosystème CEE.

Cet écosystème comprend les salariés des fournisseurs d'énergie chargés de la gestion de l'obligation CEE : pour les grands fournisseurs historiques nationaux, cette masse salariale représente plusieurs centaines de personnes. Mais l'écosystème CEE comporte surtout des sociétés de services comme la nôtre et des entreprises du secteur du bâtiment dédiées au CEE. Or ce sont justement ces sociétés qui innovent dans le domaine des économies d'énergie. Financer l'écosystème CEE revient donc à financer l'innovation dans la rénovation énergétique. En effet, ce n'est pas l'État qui a imaginé l'isolation des combles à 1 euro, mais une structure délégataire. De même, notre entreprise a inventé le principe des ampoules et des chaudières à granulés de bois gratuites qui a permis à des ménages qui, auparavant, ne le faisaient pas, d'agir en vue de réaliser des économies d'énergie.

J'ajouterai que le CEE est le seul dispositif français à avoir un objectif coercitif. Depuis les années 2000, l'État se fixe un objectif de plusieurs centaines de milliers de rénovations par an – 500 000, dernièrement. Bien qu'il n'atteigne jamais cet objectif, il ne paie pas, me semble-t-il, de pénalités. Les fournisseurs d'énergie, en revanche, en paient s'ils sont dans ce cas : je crois qu'il était important de le rappeler.

Il ne faut pas non plus oublier que le dispositif CEE s'adresse également aux locataires : il est même le seul dispositif de financement de la rénovation énergétique qui leur permette d'isoler les combles de leur domicile ou de changer leur chaudière.

Enfin, les particuliers qui réalisent ces rénovations énergétiques sont des personnes qui n'auraient pas eu les moyens de les faire si elles n'étaient pas financées à 100 %. Comme on le sait, le crédit d'impôt pour la transition énergétique (CITE) bénéficie surtout aux personnes classées dans les neuvième et dixième déciles de la population, qui ont les moyens de faire des travaux. Ceux qui n'en ont pas les moyens bénéficient du dispositif CEE.

Pour conclure, le mécanisme des CEE opère une péréquation : tous les consommateurs d'énergie le financent, et tous peuvent en profiter à l'unique condition de s'engager dans des actions d'économie d'énergie. Il remplit parfaitement sa mission car il est incitatif et convainc des personnes de passer à l'acte. Durant des décennies, rien n'a été fait pour le parc de maisons dont les combles n'étaient pas isolés : grâce aux CEE, les personnes concernées commencent à faire ces rénovations.

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