Intervention de Marc Le Fur

Réunion du mercredi 9 septembre 2020 à 9h30
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarc Le Fur, rapporteur pour avis :

Non, monsieur le président. En revanche, comme je le disais, les dépôts effectués par les pays sont rémunérés – à un taux convenable au regard de la faiblesse générale des taux actuels : 0,75 %.

La convention de garantie qui doit accompagner l'accord est encore en cours de rédaction. Elle revêt évidemment une importance particulière pour la partie française, car nous continuons à garantir la parité avec l'euro – ce qui est d'ailleurs une demande tout à fait explicite des pays africains. Or, nous n'aurons plus ni dépôts ni présence humaine dans les conseils d'administration en contrepartie de la garantie. L'idée est de proposer un reporting plus fréquent et plus substantiel : les modalités en seront précisées par la convention de garantie. Par ailleurs, en cas de crise, la possibilité du retour d'un représentant du Trésor français dans le comité de politique monétaire – sans qu'il en soit membre – est prévue.

Quel est le risque lié à la garantie ? Il y a toujours un risque. Force est pourtant de constater que, depuis 1994, nous n'avons jamais eu l'occasion d'actionner la garantie. La garantie offerte est donc certes très forte, mais elle n'est pas utilisée car, traditionnellement, la BCEAO, installée à Dakar, est très prudente. Le pari est fait qu'il en ira de même à l'avenir. Croyez-moi, les pays de l'UEMOA sont très attachés à la garantie de la France. En même temps, avec l'accord, les « irritants politiques » disparaissent, comme le disait Vincent Ledoux. Ce n'est pas une évolution cosmétique : au-delà du changement de nom, les modalités de gestion évoluent aussi. Toutefois, je le disais, l'essentiel est conservé.

Les pays de la zone franc d'Afrique centrale bénéficient eux aussi de la parité de change avec l'euro, et ce sera toujours le cas. Comme la parité vaudra également pour les pays d'Afrique de l'Ouest, qui veulent la garder, les relations entre les deux ensembles ne changeront pas fondamentalement. Il est vrai que l'accord nous liant aux pays d'Afrique centrale sera différent : la France sera toujours représentée dans leur banque centrale et ils continueront d'être soumis à l'obligation de dépôt. Notre relation avec ces pays n'évoluera pas pour l'instant, mais, étant donné celle qui est engagée avec l'Afrique de l'Ouest, nous irons dans la même direction avec les pays d'Afrique centrale s'ils en font explicitement la demande. Quoi qu'il en soit, l'accord n'occasionne pas de rupture au sein de l'Afrique puisque, pour les deux zones, la parité a vocation à rester la règle. Par ailleurs, il est vrai que le Tchad s'inscrit dans une logique d'Afrique centrale.

S'agissant des modalités concrètes, le changement de monnaie aura effectivement des conséquences pour la population. Certes, l'utilisation du téléphone pour les paiements est très répandue en Afrique, beaucoup plus que chez nous, et c'est un avantage car la téléphonie mobile se répand plus vite que d'autres formes de services plus lourdes, mais il va quand même falloir changer les billets à un moment donné. C'est une donnée objective – et complexe. L'opération est délicate, en particulier pour les pays dont les infrastructures ne sont pas parfaitement opérationnelles, sans parler de ceux qui sont en situation de guerre.

Avant cela, il faudra effectivement imprimer de nouveaux billets, monsieur Ledoux. Très peu d'entreprises sont capables d'en produire. En effet, la question n'est seulement de se procurer la matière première : la fabrication de billets est un processus très sophistiqué. En l'occurrence, de nombreux pays n'impriment pas leur propre monnaie et ont recours à des entreprises – françaises, parfois même bretonnes – spécialisées dans ces impressions sophistiquées. Le choix relève très clairement des pays d'Afrique de l'Ouest : nous n'avons pas à interférer.

Le calendrier est sensiblement décalé – entre 2023 et 2025 selon certains, je ne saurais dire. Quoi qu'il en soit, l'opération est compliquée et il faut éviter toute rupture de confiance au moment où les gens transféreront leur argent. Pour cela, il vaut mieux prendre un peu plus de temps et bien faire les choses plutôt que de changer de monnaie à la sauvette. Le support papier doit être très sécurisé, car il y a toujours des trafics.

Autant il y a une incertitude sur la date, autant il n'y en a pas s'agissant de la parité : elle reste inchangée. La seule ambiguïté tient aux mots utilisés, car la monnaie doit s'appeler eco, ce qui était également le nom retenu par la CEDEAO pour sa future monnaie commune. Cela occasionne une petite difficulté entre ces pays, car ils appartiennent tous à la même zone commerciale mais pas à la même zone monétaire et la zone de l'UEMOA préempte en quelque sorte le nom qui était prévu pour la monnaie de l'ensemble. Mais il s'agit là d'un problème interne.

La particularité de cette grande zone – c'est là une différence très importante avec l'Europe, par exemple – tient au fait que l'un de ses pays a un poids considérable et que son économie est fondée sur la production pétrolière, alors que les autres sont plutôt importateurs de pétrole. De ce point de vue, la situation n'est pas simple, mais en tout état de cause nous avons tous intérêt, pour l'Afrique, à ce que la zone commerciale fonctionne bien. L'activité essentielle d'un pays comme le Bénin, en particulier, celle qui le fait vivre, c'est le commerce avec le Nigeria.

S'agissant de la personnalité qualifiée, elle sera, en dernière analyse, choisie par le conseil des ministres de l'UEMOA, même si le processus a lieu en concertation avec la France ; il n'y a donc aucune ambiguïté. En outre, elle ne sera qu'un membre parmi d'autres au sein du comité de politique monétaire, même si, comme elle échappera à la logique de l'intérêt de chaque pays, elle aura peut-être un certain poids, surtout si la personne choisie possède un certain rayonnement.

En ce qui concerne les éléments d'anachronisme qui subsisteraient, je tiens à souligner que j'ai rencontré à Dakar des représentants de la banque centrale et qu'ils sont très attachés à la logique de la parité, du change fixe – en dernière analyse, à la garantie française : ils y voient un élément de stabilité économique majeur. Ils me signalent d'ailleurs d'autres difficultés, notamment le fait que les banques françaises sont moins présentes proportionnellement en Afrique qu'elles ne l'étaient par le passé, comme c'était le cas par exemple de la BNP et du Crédit lyonnais. D'autres banques, en particulier marocaines et turques, jouent désormais un rôle important. Il faut dire que les banques marocaines, en particulier, sont tout à fait adaptées à la petite épargne, car elles sont capables d'organiser des succursales dans de toutes petites villes, ce qui, bien évidemment, n'est pas le cas des nôtres.

Pour conclure, je le répète, l'essentiel est conservé du point de vue monétaire et économique. L'évolution est légitime, elle est demandée et n'est en rien cosmétique.

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