Intervention de Bruno le Maire

Réunion du lundi 28 septembre 2020 à 15h00
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Bruno le Maire, ministre de l'économie et des finances :

La territorialisation est un point très important du plan de relance. Dans les comptes rendus réguliers que nous ferons de sa mise en place, nous veillerons à fournir une cartographie des mesures, pour que les Français voient clairement quel territoire a bénéficié de quelle aide, pour la rénovation énergétique des bâtiments, le soutien au développement industriel ou la relocalisation industrielle, de façon à garantir un équilibre entre les territoires.

Nous n'avons pas évoqué une mesure, pourtant très importante, qui concerne l'aide au commerce de proximité. Des foncières seront rachetées par la Caisse des dépôts et consignations, ce qui permettra de récupérer des commerces en grande difficulté, voire fermés. Ils seront réhabilités, rénovés et remis à la location à un tarif préférentiel. Nous nous assurerons, bien évidemment, que toutes les villes bénéficient de ces mesures, en particulier les petites et moyennes.

La France a été durement touchée par la crise sanitaire, qui frappe à l'aveugle les différents pays. En termes de reprise d'activité, nous faisons quasiment jeu égal avec l'Allemagne, confrontée au ralentissement du commerce mondial. Nous obtenons de meilleurs résultats que l'Espagne et l'Italie, particulièrement touchées du fait de la part plus élevée du tourisme dans leur produit national brut (PNB).

L'essentiel est que la reprise économique se fasse au même rythme dans l'ensemble de la zone euro, et qu'il n'y ait pas de gagnants ni de perdants. Le vrai risque est que les divergences s'accroissent entre les pays, alors même que nous avons élaboré un plan de relance qui doit favoriser la coordination des plans et la solidarité.

S'agissant des réformes, j'ai toujours estimé que celle des retraites était nécessaire, pour l'équilibre des comptes publics, pour garantir aux générations qui viennent le même système de retraite que celui dont nous disposons aujourd'hui, et pour gagner en simplicité et en équité. Je reste très favorable à cette réforme.

S'agissant de l'accompagnement, il faut garantir aux petites communes d'accéder aux mêmes appels à projets que les métropoles. Il reviendra aux sous-préfets à la relance de s'assurer qu'un petit projet avec des financements modestes, tel que la rénovation d'un barrage à Saint-Pée-sur-Nivelle, évaluée à 3 millions d'euros, parviendra au ministère de l'économie, des finances et de la relance, même si le ministre n'a pas une maison dans la commune, pourvu qu'il réponde aux critères d'accélération de la transition écologique que nous avons fixés. Les sous-préfets à la relance auront pour tâche de garantir, dans tous les territoires, notamment les communes rurales, que même un projet modeste puisse être exécuté le plus rapidement possible. Le critère de choix est la rapidité d'exécution.

Pour ce qui concerne la CVAE, nous estimons que la baisse des impôts de production que nous avons retenue est centrée sur les entreprises industrielles. Nous avons écarté la solution de facilité consistant à supprimer la contribution sociale de solidarité des sociétés (C3S), car elle aurait bénéficié davantage aux établissements financiers qu'aux entreprises industrielles.

La rapidité d'engagement des crédits est le défi le plus important que nous ayons à relever. Trois éléments doivent nous la garantir. D'abord, nous prenons beaucoup de mesures de guichet pour lesquelles les crédits peuvent être décaissés rapidement et qui sont efficaces. La prime automobile a ainsi rencontré un tel succès que nous y avons mis fin plus tôt que prévu, le nombre de 200 000 véhicules ayant été atteint très vite. Nous sommes le pays d'Europe qui a vendu le plus de voitures au cours des deux derniers mois, grâce à ces mesures bien ciblées auxquelles nous avions travaillé avec l'ensemble des industriels du secteur – c'est la preuve que cette méthode porte ses fruits. De même, MaPrimeRénov et la prime à l'embauche des jeunes fonctionnent parce que ce sont des mesures de guichet.

Ensuite, nous avons décidé de simplifier plusieurs procédures, et nous pourrons aller encore plus loin sur cette voie au cours des semaines qui viennent. Ainsi, pour tous les projets de rénovation immobilière représentant un montant inférieur à 5 millions d'euros, la décision est prise localement : nous ne nous en mêlons même pas.

Enfin, disposition entièrement inédite, nous appliquons une clause d'extinction des crédits. Si un projet, par exemple la rénovation énergétique d'une université, ne fait pas l'objet d'un décaissement dans un délai donné – que nous allons fixer prochainement –, les crédits seront réalloués à un autre projet de même nature dans une autre université. Ce sera le rôle du comité de pilotage et du conseil national de la relance réuni autour du Premier ministre que de s'assurer que le décaissement des crédits est rapide.

Monsieur Coquerel, je reviens effectivement en forme, et en si bonne forme que je suis d'accord avec vous sur plusieurs sujets ! Le covid a dû débloquer quelque chose chez moi… mais cela ne se reproduira pas si souvent !

Je vous confirme ma fidélité à la politique de l'offre, parce qu'elle a donné des résultats. Fin 2019, la croissance atteignait 1,5 % – l'une des meilleures de la zone euro –, le taux de chômage 8 % – le plus bas depuis douze ans –, et notre pays était devenu le plus attractif d'Europe pour les investissements directs étrangers. Ces résultats sont spectaculaires ; pourquoi renoncerions-nous à ce qui les a rendus possibles ?

J'en suis d'accord avec vous, cela n'exclut pas des politiques de soutien à la demande – dont font partie nos mesures de chômage partiel à hauteur de 30 milliards d'euros – et ne signifie pas que nous ne soyons pas décidés à faire modifier plusieurs principes du commerce international. Un exemple très concret : cela ne sert à rien d'engager des milliards d'euros pour réduire les émissions de CO2 en France et en Europe si, dans le même temps, l'on continue d'importer des produits fabriqués en Chine ou ailleurs en Asie et fortement émetteurs de CO2. Il est donc impératif d'instaurer une taxe carbone aux frontières.

Vous voyez que je prends ma part de responsabilité. Dans la situation très particulière que nous vivons, chacun doit être prêt à faire évoluer ses convictions. Je suis le premier à dire que le libre-échange tel qu'il existe aujourd'hui ne fonctionne pas et qu'il doit se transformer. Je crois au commerce international, indispensable pour nous enrichir tous, mais ses règles doivent être équitables, ce qu'elles ne sont pas aujourd'hui. Nous sommes le premier gouvernement à assumer de recourir à des aides d'État – un milliard d'euros destinés à la relocalisation industrielle et correspondant à une subvention, non à un prêt. Quand nous donnons 50, 60, 80 millions d'euros à une grande entreprise qui ouvre une nouvelle ligne de production en France, c'est de l'aide d'État. Et je suis fier de vous dire que, comme les États-Unis ou la Chine, nous l'apportons aux entreprises industrielles du pays qui font le choix de produire sur le territoire national plutôt qu'à l'étranger.

S'agissant, enfin, de la sécurité sanitaire, je vous rejoins entièrement, il faut que la France se dote des moyens d'une plus grande autonomie dans l'approvisionnement en différents principes actifs de médicaments, car aucun Français ne peut accepter que l'on explique à un patient admis à l'hôpital que son opération est impossible faute de curare. Nous devons garantir aux Français la souveraineté du pays en la matière.

Je précise que le prélèvement sur les complémentaires santé ne correspond pas à une augmentation de taxes, mais à la compensation légitime de leurs moindres dépenses pendant la crise.

L'aide complémentaire, dans le cadre du fonds de solidarité, aux TPE et PME auxquelles nous avons imposé une fermeture administrative et qui ont subi une perte importante de leur chiffre d'affaires représente 150 millions d'euros par mois.

Nous avons à traiter quelques domaines très spécifiques dont je vais essayer de m'occuper cette semaine. D'abord, le secteur de l'événementiel, que le fonds de solidarité n'aide pas puisque ledit secteur n'a, de toute façon, aucune perspective – ni manifestation, ni rassemblement – d'ici à la fin de cette année et ne reçoit aucune commande en vue de l'année prochaine, chacun attendant de connaître la situation sanitaire pour organiser quoi que ce soit. Ensuite, les traiteurs employant plus de 20 salariés, qui ne relèvent donc pas du fonds de solidarité et dont le manque à gagner est considérable à cause de l'annulation des mariages, des baptêmes, de toutes les fêtes et réceptions. Je recevrai les représentants de ces deux secteurs, et nous allons nous efforcer de trouver des solutions pour tous ceux qui n'entrent pas dans les cas prévus mais ont besoin de soutien au même titre que l'ensemble des secteurs particulièrement touchés par la crise sanitaire.

Concernant les salaires, nous avons essayé d'apporter des solutions au problème. La première est la prime d'activité, revalorisée de 100 euros par mois au niveau du SMIC pour améliorer la rémunération nette mensuelle des salariés les plus modestes. Cela représente un effort de près de 10 milliards d'euros par an pour les finances publiques : ce n'est pas négligeable. La deuxième est la prime exceptionnelle de pouvoir d'achat, de 2 000 euros, qui peut être versée jusqu'à la fin de l'année et est désocialisée et défiscalisée. Fin juillet, elle concernait 4,3 millions de bénéficiaires et représentait 2,05 milliards d'euros – des chiffres qui n'avaient encore jamais été publiés. Cette mesure importante en faveur du pouvoir d'achat des salariés les plus modestes a donc été efficace. Elle est allée à tous ceux qui travaillent et qui, comme vous l'avez parfaitement dit, ont permis au pays de tourner correctement pendant le confinement et la crise sanitaire.

Je rappelle que nous avons, en outre, supprimé la taxe de 20 % sur l'intéressement et facilité le développement de la participation. J'appelle toutes les entreprises à jouer davantage ce jeu, car il est essentiel aux équilibres sociaux de notre pays que l'immense majorité des salariés puisse bénéficier du résultat de ses efforts : quand une entreprise réussit, c'est d'abord grâce à ses salariés ; l'intéressement et la participation doivent donc être fortement mobilisés pour améliorer la rémunération de ceux qui travaillent. Nous avons également développé l'actionnariat salarié, et je suis ouvert à des propositions visant à le rendre encore plus attractif.

Ma philosophie consiste à associer toujours davantage le salarié aux résultats de l'entreprise et à son fonctionnement, parce que c'est l'un des éléments clés de la réconciliation entre les Français. Il faut arrêter d'opposer salariat et capital, salariés et entrepreneurs, et montrer très concrètement, par les mesures que nous prenons, que nous sommes tous dans le même bateau.

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