Intervention de Jean-René Lecerf

Réunion du jeudi 14 janvier 2021 à 9h45
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Jean-René Lecerf, président de la commission des finances de l'ADF :

J'apporterai volontiers un certain nombre de réponses.

Je pense que les présidents de départements sont assez las du big bang territorial. Je ne plaiderai donc pas pour une réforme des compétences ou même de la fiscalité qui seraient trop ambitieuses. En outre, aujourd'hui, le projet de loi dit 4D, nous intéresse sur bien des points : le transfert éventuel du réseau routier national non concédé, la médecine scolaire, les gestionnaires de collèges… Tout cela intéresse beaucoup les départements. Ils souhaiteraient simplement trouver, avec le Parlement et le Gouvernement, un équilibre financier qui leur permette de bien faire.

Je souhaiterais plutôt, dans les domaines de compétence qui nous ont été accordés, comme le RSA, que nous ayons les coudées encore plus franches. Pour réussir le combat du RSA, il faut une entente parfaite entre Pôle emploi et le département. Dans le Nord, nous y sommes arrivés. Une réforme n'est pas nécessaire pour cela. C'est une question de volonté des deux côtés. En l'espèce, nous l'avons trouvée chez nos partenaires. Aujourd'hui, on ne distingue pas le rôle des agents de Pôle emploi de celui des agents départementaux.

En revanche, les réticences sont parfois plus grandes vis-à-vis des caisses d'allocations familiales (CAF). Peut-être serait-il utile que le rôle de chef de file des départements soit clairement réaffirmé, que nous puissions être plus volontaristes que la CAF sur les indus et que nous ne soyons plus mis devant le fait accompli de l'arrêt de tous les contrôles et de l'automaticité de l'inscription au RSA, comme ce fut le cas pendant la pandémie. On sait très bien que des personnes ont bénéficié du RSA alors qu'elles ne le devaient pas et que les indus seront impossibles à récupérer. Aussi, je préférerais un approfondissement de nos compétences plutôt que l'attribution de nouvelles compétences.

J'en profite pour dire, même si cela ne fait pas l'unanimité à l'ADF, que le problème de la compétence économique n'est pas fondamental pour nous. J'aurais personnellement souhaité, comme les autres départements de la région Hauts-de-France, accompagner le plan de relance Covid mis en place par le président Xavier Bertrand avec la Banque des territoires. On nous a dit que cela ne résisterait pas au contrôle de légalité. Ce n'est pas très grave : nous avons pris d'autres initiatives, comme la mise en place d'une campagne spécifique d'aide à l'investissement dans le cadre de laquelle nous intervenons à parité avec les communes pour financer des projets de moins de 70 000 euros de façon à éviter la lourdeur des procédures de marchés publics. Ce sont 18 millions d'euros au total qui seront mis à disposition des petites entreprises et de l'artisanat dans les semaines qui viennent. Nous nous débrouillons donc en matière d'action économique, même sans en avoir la compétence.

Par ailleurs, nous serions prêts à examiner certaines des suggestions qui ont été faites : la récupération sur succession de l'APA, à condition que cela n'empêche pas un nombre important de personnes de solliciter cette aide, qui fait partie du minimum que l'on doit garantir aux uns et aux autres ; la prise en compte des plus-values immobilières. La commission des finances et la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation ont du pain sur la planche !

J'en viens aux questions relatives aux maisons France Service. Le succès des maisons itinérantes est à mon avis plus important. Dans mon département, quatre camions ont été transformés à cet effet – dans l'Avesnois, dans le Douaisis, en Flandre intérieure et dans le Cambrésis –, qui donnent des résultats très intéressants en termes de rapprochement entre les administrés et l'administration au sens large. Je constate que le département est la cheville ouvrière de ce dispositif : c'est lui qui paie l'essentiel des personnels permanents, même si les autres services concernés les mettent à disposition en fonction des dates. Par exemple, pour les déclarations d'impôts, nous aurons des agents de la direction départementale des finances publiques.

Quant au plan de relance, cela nous intéresse bien sûr beaucoup, et nous y participons. L'aide à l'investissement supplémentaire en fait partie. Nous aimerions que la mise en œuvre du plan de relance de l'État soit clarifiée. Sur les 100 milliards d'euros prévus, 300 millions d'euros sont destinés aux investissements départementaux, notamment ceux qui concernent la gestion thermique des bâtiments, mais il est aujourd'hui très difficile de les prendre en compte dans nos décisions car nous ne savons pas exactement comment ni à quel niveau l'aide de l'État pourra effectivement nous être attribuée. Le préfet de mon département est de bonne volonté, mais je pense qu'il faut encore donner des consignes et créer des dispositifs au niveau national.

Le problème de la disparité de rendement de la CVAE, monsieur le rapporteur général, se posera de manière encore plus aiguë en 2021 – il n'y a pas de perte de CVAE en 2020. Je le dis à mon collègue et ami Jean-René Cazeneuve : il faudra que l'on porte un regard différent sur la question de la CVAE et des DMTO et sur celle de l'APA, car en matière de CVAE et de DMTO il y a des effets d'aubaine ou de désaubaine. Ce n'est pas parce que la maire de Paris ou le président du conseil départemental de la Charente-Maritime – je le dis avec toute l'affection que j'ai pour celui-ci – sont de grands gestionnaires que leurs recettes de DMTO sont importantes. C'est la même chose pour le département des Alpes-Maritimes et la Haute-Savoie. A contrario, ce n'est pas parce que la Creuse n'est pas compétente que ses DMTO ne sont pas importants. C'est la même chose pour la CVAE : ce sont des ressources qui n'ont rien à voir avec la volonté politique et la qualité de l'action des départements, et il est toujours très difficile de parler de la qualité de la gestion car c'est entrer dans des appréciations subjectives. Cependant, en ce qui concerne le retour à l'emploi, ou bien on accepte de faire les efforts nécessaires, ou bien on estime que ce n'est pas de la compétence sociale que de se préoccuper de l'économie. Il y a là une distinction importante.

Enfin, ce ne sont pas les départements riches qui sont favorables au maintien de la compétence pleine et entière sur le RSA et les pauvres qui n'y sont pas favorables. J'ai entendu les pourcentages accordés par les départements au social. Le record toutes catégories est détenu par le département du Nord, qui y consacre plus de 60 %. Je constate que depuis qu'on se préoccupe davantage du retour à l'emploi on peut dégager les ressources nécessaires pour être présent et actif pour l'aide sociale à l'enfance, les personnes âgées, les personnes en situation de handicap et la solidarité territoriale. Comme l'a dit Dominique Bussereau avec raison, nous étions très impliqués dans la solidarité territoriale en 2019, car nous en avions les moyens. En 2020 aussi – même si l'augmentation était moins importante – mais en vendant les bijoux de famille. Il va de soi que notre intervention en matière de solidarité territoriale, qui conditionne d'ailleurs la capacité des communes à investir, ne pourra pas être poursuivie sans mesure de sauvegarde forte et rapide.

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