Intervention de Jean-Philippe Vachia

Réunion du mercredi 1er juillet 2020 à 11h05
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Jean-Philippe Vachia :

C'est un honneur pour moi de me présenter devant votre commission dans le cadre de la procédure qui a été rappelée. Aujourd'hui président de chambre honoraire à la Cour des comptes, j'ai notamment été président de la chambre régionale des comptes de Midi-Pyrénées de 1999 à 2005. Parisien, j'ai voulu faire cette expérience de terrain précisément pour mieux approcher la vie publique locale. Cette expérience enrichissante m'a amené à rencontrer les élus dans le cadre du contrôle des comptes et de la gestion des collectivités territoriales grandes et moins grandes. Je garde un souvenir marquant de la présentation d'un rapport sur l'intercommunalité dont j'avais été le maître d'œuvre, présenté par Philippe Seguin que j'accompagnais au Congrès des maires de France de novembre 2005.

Sous l'impulsion du Premier président Didier Migaud, j'ai mis en place la formation inter-juridictions sur les finances publiques locales en 2011, dont le premier rapport est paru en 2013. Cette publication n'a été possible que grâce au dialogue entretenu avec les grandes associations d'élus locaux.

Vous avez évoqué mon expérience à l'Autorité de contrôle prudentiel, chargée de la supervision des banques et des assurances. De retour à la Cour des comptes, j'ai été chargé de la 4e Chambre depuis septembre 2013 jusqu'à ma retraite, en mai 2018. Cette Chambre travaille dans le domaine régalien ; l'un de ses destinataires est donc précisément la commission des Lois, qui reçoit aussi bien ses productions publiques que celles, non publiques, qu'elle sollicite. Parmi mes diverses collaborations avec le Parlement, je citerai également une enquête que j'ai conduite sur l'accès des usagers aux services publics numériques, à la demande du Comité d'évaluation et de contrôle des politiques publiques de l'Assemblée nationale.

Ce parcours professionnel a donc été marqué par les sujets de finances publiques locales et de comptabilité entendue comme une condition de meilleure transparence financière, et par l'approche pratique de la vie institutionnelle des territoires, dans le nécessaire dialogue avec les élus locaux. C'est vous dire combien mon intérêt est fort pour la présidence du collège des neuf membres de la CNCCFP, dont les deux grandes attributions viennent d'être rappelées : le contrôle des comptes de campagne lors de toutes les élections – pour les élections municipales, dans les communes de plus de 9 000 habitants – et l'admission des comptes des partis politiques.

Je souhaite mettre au service de cette mission mes compétences professionnelles, ma pleine disponibilité et ma capacité à la conduire en toute indépendance. Le président de la Commission exerce ses fonctions à plein temps. Cela m'amènera à renoncer à toutes les fonctions que j'exerce par ailleurs pour me consacrer à plein temps à celle-ci. Présider un organe collégial est une responsabilité que je connais ; elle est exigeante. Ma qualité de magistrat honoraire, non reconductible dans les fonctions de président de la CNCCFP puisque dans cinq ans je serai trop âgé pour exercer un nouveau mandat, est une garantie de mon indépendance.

Je souhaite également m'inscrire dans la continuité de la jurisprudence et des pratiques des collèges précédents, dans un cadre législatif qui a beaucoup évolué, notamment au cours des trois dernières années, avec les lois pour la confiance dans la vie politique de 2017 et celle de 2019 – et je n'évoque pas les conséquences de l'état d'urgence sanitaire sur les missions confiées à la Commission. Cette jurisprudence a été édifiée sous la supervision du juge de l'élection, qu'il s'agisse du Conseil constitutionnel ou du juge administratif. Ces réformes législatives récentes et la digitalisation de la vie publique constituent, dans le même temps, une invitation à faire évoluer les manières de faire de la CNCCFP.

Pour le contrôle des comptes de campagne, l'enjeu est l'admission des comptes, qui déclenche le remboursement des dépenses dans la limite de 47,5 % du plafond fixé par la loi et de l'apport personnel du candidat. Elle permet aussi l'éligibilité à la déduction fiscale des dons consentis aux candidats. La Commission a des pouvoirs importants : elle peut admettre, moduler ou réformer les comptes et moduler, économiquement, le montant du concours public. Les enjeux financiers sont importants. En 2017, les dépenses de campagne électorale ont été, en chiffres arrondis, de 75 millions d'euros pour les présidentielles et de 79 millions d'euros pour les législatives ; l'État a remboursé 41 millions d'euros d'une part, 45 millions d'euros d'autre part. Pour les élections municipales de 2014, les dépenses avaient représenté 105 millions d'euros, le remboursement plus de 60 millions d'euros.

Le premier défi consistera à traiter dans les délais impartis les comptes de la campagne des élections municipales. Une mesure législative, prise dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire, a repoussé les dates limites de dépôt des comptes au 2 juillet 2020 pour le premier tour et au 11 septembre pour le second tour. La CNCCFP devra aussi traiter dans un délai que vous avez porté à trois mois les comptes des candidats dans les circonscriptions où ont été présentés des recours contentieux contre l'élection – et c'est déjà le cas pour 250 communes. Il faudra aussi mettre en œuvre les dispositions issues des lois sur la confiance dans la vie politique de 2017, notamment celles qui portent sur les justifications des emprunts auprès des personnes morales et physiques.

La deuxième mission de la CNCCFP a trait aux comptes des partis politiques, dont les règles ont également été profondément modifiées par les lois de 2017. La Commission va prochainement recevoir les comptes de partis pour 2019 ; le Parlement a voté une disposition permettant de repousser leur dépôt au 11 septembre 2020. L'enjeu est très fort sur cette mission car les exigences ont été considérablement renforcées : il faut intégrer dans les comptes du parti politique ceux de ses organisations territoriales et présenter en annexe les flux financiers avec les comptes des candidats en campagne.

Au-delà de l'application de ces réformes, le défi sera de mener à bien le chantier de la dématérialisation complète des processus, qu'il s'agisse des comptes de campagne ou des comptes des partis politiques, afin de doter la CNCCFP, à l'horizon 2022, d'une plateforme multifonctions servant au dépôt des comptes, à leur traitement, à leur examen et aux décisions. De manière générale, je considère qu'il conviendra au cours des prochaines années de mettre l'accent sur l'adaptation de la Commission à la digitalisation de la vie publique.

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