Intervention de éric Dupond-Moretti

Réunion du mardi 8 septembre 2020 à 17h05
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

éric Dupond-Moretti, garde des Sceaux :

La question du nombre de pétitionnaires a été posée à plusieurs reprises. Nous savons qu'un seuil de 500 000 personnes paralyse le CESE. C'est pourquoi nous avons déposé un amendement qui le porte à 150 000 – c'est également le chiffre qu'a retenu le rapporteur.

Nous ne disposons que de peu d'éléments pour apprécier ce seuil. Réunir 500 000 personnes n'a pas fonctionné, mais, à l'inverse, le CESE ne doit pas être surchargé de pétitions. Il vous appartiendra de trancher. L'idée est de régénérer l'institution, de lui donner un souffle nouveau. À ce titre, l'abaissement du seuil des pétitionnaires paraît indispensable.

Le texte ne comprend pas d'engagement budgétaire sur le CESE, mais une réduction d'un quart de ses membres, donc des indemnités versées.

Quant à l'article 6, il n'entraînera pas une augmentation exponentielle des demandes d'avis auprès du CESE du seul fait qu'il se substituera à d'autres instances consultatives.

Le tirage au sort a été évoqué à plusieurs reprises. Il faut rappeler son succès dans le cadre de la Convention citoyenne pour le climat. Le projet de loi organique prévoit certaines mesures de contrôle, ce qui est rassurant. Certains s'interrogent sur la légitimité des citoyens tirés au sort. N'est-il pas antinomique de craindre à la fois le tirage au sort et un transfert de la représentativité qui appartient traditionnellement au Parlement ?

Le tirage au sort paraît être la bonne solution, à condition que certaines garanties soient apportées, comme c'était le cas lorsque les jurés étaient tirés au sort. Je peux vous rassurer pleinement sur ce point.

Il n'existe pas de concurrence entre démocraties participative et représentative. Chacun joue son rôle. S'agissant des consultations, nous avons tous entendu les préoccupations des collectivités locales. La substitution ne s'applique ni au Conseil national d'évaluation des normes ni au Comité des finances locales. Tel est d'ailleurs le sens de l'amendement qu'a déposé le Gouvernement.

Mme Vichnievsky a eu raison de le dire, le CESE ne doit pas être une troisième chambre – « mal nommer un objet, c'est ajouter au malheur de ce monde » écrivait Albert Camus. Je n'ai d'ailleurs pas employé cette expression dans mon discours. Sur ce point, comment un projet de loi organique pourrait-il dire autre chose que la Constitution ? Soyez donc pleinement rassurée, madame la députée, la Constitution vous protège d'une dérive que, naturellement, personne n'envisage, tout le monde ici veillera à l'éviter.

S'agissant de l'abaissement à 16 ans, vous n'êtes pas la seule à formuler des réserves. Si l'on constate en général une désaffection de la jeunesse pour la politique, la chose publique, et, pire encore, la République, on observe que ceux qui veulent participer leur manifestent un intérêt. Doit-on les en décourager et rejeter les jeunes bonnes volontés ?

Dans le cadre de sa réflexion, la chancellerie a relevé les nombreux droits des mineurs de 16 ans. Ils ont trait à différents domaines – droit civil, droit pénal, droit du travail, droit à retirer au guichet des sommes déposées en banque, droit de prendre part à la circulation routière. Pourquoi interdirait-on à des jeunes de 16 ans de participer à la chose publique, sachant qu'ils ne sont pas encore citoyens, mais qu'ils s'y préparent ?

Il faut les accueillir : ils peuvent et doivent nous apprendre beaucoup puisqu'ils s'intéressent à de nombreux sujets qui, parfois, nous échappent. Dans nos vies quotidiennes, nous pouvons être sidérés par les remarques d'adolescents de 16 ans. Pourquoi nous priver de ces observations fabuleuses, qui donnent un coup de jeune ? Nous ne pouvons pas envisager la jeunesse comme n'étant pas susceptible d'apporter une bouffée d'oxygène salutaire à nos réflexions. C'est aussi le sens de la réforme du CESE.

On adresse en effet souvent à la politique le reproche de ne pas s'intéresser aux jeunes, de cultiver une espèce d'entre-soi. Ouvrons les portes. Il est fantastique, audacieux et merveilleux d'aller vers la jeunesse, d'autant qu'elle attend cela de nous.

La déontologie n'est pas un gros mot – je sais pourquoi Mme Untermaier a dit cela car, comme elle, j'ai de la mémoire. Peut-on laisser au CESE le soin de rédiger ensuite les règles déontologiques qui s'appliqueront ? Je le pense. Il n'est pas utile d'alourdir la loi. Le CESE doit faire l'objet des mêmes contrôles que ceux qui régissent aujourd'hui la vie publique. Cela ne pose aucune difficulté.

Quant à l'expertise universitaire, rien n'interdit le CESE de procéder à des consultations. Je suis donc en mesure de vous rassurer pleinement, madame la députée.

Pour ce qui concerne le tirage au sort, il devra satisfaire les quatre critères de sincérité, d'égalité, de transparence et d'impartialité, également susceptibles de vous rassurer.

S'agissant enfin des quatre grandes catégories de membres, l'amendement du rapporteur vise à créer un comité, au sein duquel les parlementaires seraient majoritaires, qui pourrait proposer de faire évoluer cette répartition, ce qui est là encore de nature à vous rassurer.

Dans mon discours, j'ai évoqué la nécessité d'abaisser « au moins de » moitié le seuil de signatures pour les pétitions. L'amendement a fixé ce nombre à 150 000. Il vous appartiendra de trancher définitivement ce point. M. Pancher, à rebours de certains de ses collègues qui ont exprimé des inquiétudes – non fondées, à mon sens –, a estimé que nous n'allons pas assez loin. N'est-ce pas là le signe que le point d'équilibre a été trouvé ?

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