Intervention de Jean-Louis Touraine

Réunion du lundi 29 juin 2020 à 20h30
Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi relatif à la bioéthique

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Louis Touraine, rapporteur du chapitre Ier du titre Ier, sauf l'article 1er A :

Nous reprenons, pour une deuxième lecture, ce texte de progrès, que beaucoup d'entre nous sont fiers de porter. Entre autres avancées importantes, il ouvre l'accès à l'assistance médicale à la procréation (AMP) à des couples de femmes et à des femmes seules, sans retirer aucun droit à personne. Je me réjouis de constater que nous partageons avec le Sénat certains points de convergence qui étaient encore inimaginables il y a peu. Le texte issu du Sénat conserve en effet l'ouverture de l'AMP aux couples de femmes et aux femmes seules, ce qui témoigne d'un certain degré de consensus social sur ce sujet.

Sur plusieurs points néanmoins, il nous faudra réaffirmer les choix faits par notre assemblée en première lecture. Je pense d'abord à la prise en charge de l'ensemble des actes d'AMP par l'assurance maladie, pour toutes les personnes qui y ont accès. Il s'agit d'une question d'égalité et de non-discrimination. Le critère de fertilité ne peut naturellement pas commander ce remboursement, alors même qu'il ne recouvrait pas, depuis longtemps, l'ensemble des recours à l'AMP par des couples de sexe différent.

Dans le même esprit, nous devrons rétablir l'accès de l'ensemble des personnes susceptibles de s'engager dans un parcours d'AMP au double don de gamètes. L'interdiction de ce double don priverait nécessairement les femmes non mariées ou en couple homosexuel qui souffrent d'infertilité d'accéder à la maternité. Là encore, nous devrons chasser la discrimination.

L'évaluation psychologique ou sociale, particulièrement stigmatisante pour les femmes souhaitant bénéficier d'une AMP, devra être retirée. Il y va de la dignité des femmes.

Il nous incombera aussi de rétablir l'article 2, qui permet une autoconservation des gamètes, donc une certaine liberté pour les femmes choisissant leur moment et leurs modalités de procréation. De façon regrettable, le Sénat avait supprimé cette autoconservation.

Sur tous ces sujets, j'encouragerai un retour à la rédaction adoptée en première lecture. Le texte doit toutefois faire encore l'objet d'évolutions au cours de cette deuxième lecture, dans la perspective d'un processus plus humain, plus ouvert, plus inclusif. Nous serions dans l'erreur si nous ne prenions pas davantage en compte les demandes de la société et celles des personnes pour qui les parcours d'AMP sont souvent semés d'embûches.

Je souhaite que nous ayons à nouveau un débat sur l'AMP « de volonté survivante », concernant les femmes qui, après avoir perdu leur conjoint ou leur conjointe, souhaitent néanmoins poursuivre leur projet parental. Il ne me semble pas raisonnable d'ajouter à la douleur du deuil que vivent ces femmes celle de renoncer aux gamètes de leur conjoint, alors que l'AMP est désormais ouverte aux femmes seules. Le Conseil d'État nous y incite fortement, de même que le respect de l'autonomie des femmes.

Dans un domaine comparable, les personnes transgenres susceptibles de porter un enfant devraient entrer dans le champ des personnes susceptibles d'avoir recours à l'AMP. Les amendements qui visaient à supprimer cette discrimination ont curieusement été jugés irrecevables. Je le regrette profondément, en rappelant les présentations justes, élégantes et généreuses de notre collègue Raphaël Gérard lors de l'examen en première lecture.

Je défendrai enfin l'extension aux établissements privés, sous certaines conditions, des activités de prélèvement, de recueil, de conservation et de don de gamètes. Il existe aujourd'hui des carences importantes dans le maillage territorial et des délais insupportables dans certaines zones, qui sont à l'origine de discriminations injustifiées. Nous devons les corriger, du moins dans les territoires ultramarins et certaines zones de métropole, en ouvrant ces activités à davantage d'établissements.

Il nous faut progresser encore davantage dans la direction de l'humanisme, de la justice, de l'égal accès à la parentalité. Vous le voyez, très loin d'être une quête d'un faux droit à l'enfant, il s'agit de lutter contre les discriminations et d'établir un droit complémentaire des enfants, y compris celui de pouvoir naître dans des familles diverses mais qui ont toutes beaucoup d'amour à leur donner.

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