Intervention de Jean-François Eliaou

Réunion du lundi 29 juin 2020 à 20h30
Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi relatif à la bioéthique

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-François Eliaou, rapporteur sur le titre V :

Certains des articles dont je suis rapporteur ont donné lieu à des débats passionnés au Sénat, comme cela avait été le cas à l'Assemblée. Sur de nombreux sujets d'une grande importance, je vous proposerai toutefois de revenir à la rédaction du texte issu de l'Assemblée. C'est notamment le cas pour ce qui concerne le dépistage néonatal.

Alors que nous avions fait le choix de maintenir le juste équilibre du droit existant, le Sénat l'a bouleversé, en introduisant un article 19 quater tendant à systématiser le dépistage de maladies à partir de tests exclusivement génétiques. Ceci n'est pas souhaitable.

Contre l'avis de sa commission, le Sénat a également adopté les articles 22 bis et 22 ter, qui ont pour point commun de ne reposer sur aucune indication thérapeutique validée, et d'ouvrir la porte à des pratiques commerciales extrêmement lucratives, fondées sur des illusions et rompant avec tout principe de solidarité, puisqu'elles ne seraient pas remboursées.

L'article 22 bis propose ainsi de systématiser l'autoconservation des cellules, en amont de certains traitements, ce qui, médicalement, pose problème. Pourtant, en l'état actuel du droit, rien n'empêche un établissement autorisé de prélever et de conserver les cellules d'un patient, à partir desquelles il développera des médicaments de thérapie innovante. Toutefois, il faut que l'intérêt de cette pratique ait été validé. La Société francophone de greffe de moelle et de thérapie cellulaire a d'ailleurs réaffirmé sa ferme opposition à l'article 22 bis, qui « introduirait une logique de commercialisation de produits de thérapie cellulaire ».

Pour ce qui concerne la conservation du sang de cordon, c'est encore pire. Des banques privées de sang de cordon existent déjà dans certains pays, tels le Royaume-Uni ou le Canada. Selon les pays, le coût d'une conservation de sang de cordon sur vingt ans varie de 1 000 à 3 500 euros. Aujourd'hui, aucune donnée scientifique ne montre qu'il est utile de conserver le sang de cordon de son enfant dans une perspective de médecine régénérative.

Mais quel parent qui aurait les moyens de payer ces sommes ne le ferait pas, si on lui faisait croire – alors même qu'aucune pathologie n'a été déterminée pour laquelle cette conservation serait utile – que cela pourra un jour sauver son enfant ? Pire encore, cela détournerait ces dons des banques publiques allogéniques, avec pour conséquence une diminution du nombre de greffons et de leur diversité pour les malades qui en ont vraiment besoin.

Ces trois articles additionnels ne s'inscrivent pas dans la philosophie humaniste et scientifique qui doit sous-tendre ce projet.

Sur d'autres sujets, j'espère que la deuxième lecture nous permettra d'améliorer encore le texte. C'est notamment le cas de l'article 21 bis relatif à la prise en charge des enfants présentant une variation du développement génital. Comme je m'y étais engagé lors de nos débats en première lecture, j'ai étudié ce sujet sensible dans le cadre de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST). J'ai auditionné des médecins spécialistes du sujet, des associations de patients et des juristes, ce qui m'a permis de voir comment l'article 21 bis pouvait être précisé et amélioré.

En particulier, une difficulté est liée à l'inscription du sexe à l'état-civil pour la prise en charge de ces enfants. Lors de la première lecture, en séance, nous avions principalement évoqué le délai de déclaration à l'état-civil, dont l'allongement peut faire peser une pression moindre pour l'assignation d'un sexe. Dans mes auditions, j'ai noté que le principal problème était la difficulté à rectifier éventuellement le sexe à la suite de la première déclaration. Je présenterai donc un amendement visant à répondre à ces deux questions.

Enfin, je me réjouis de la suppression par le Sénat de l'article 19 bis A, malencontreusement adopté par notre assemblée en première lecture. Cela ne réglera malheureusement pas les difficultés rencontrées dans la mise en œuvre du double diagnostic préimplantatoire (DPI-HLA). J'ai donc déposé un amendement afin de rendre véritablement possible la pratique de cette technique, qui doit évidemment rester limitée à des situations exceptionnelles.

Sur ce sujet comme sur les autres, je ne doute pas que les débats que nous aurons seront aussi passionnés et passionnants qu'ils l'ont été en première lecture.

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