Intervention de Valéry Gerfaud

Réunion du mercredi 22 septembre 2021 à 15h05
Mission d'information sur l'application du droit voisin au bénéfice des agences, éditeurs et professionnels du secteur de la presse

Valéry Gerfaud, trésorier du GESTE et directeur général Digital Innovation Technologie du groupe M6 :

Entre 2011 et 2014, la totalité des comparateurs de prix ont disparu. Cette industrie a été rayée de la carte par Google Shopping. Google a été condamné en 2017 à 2,5 milliards d'euros d'amende au niveau européen et les propriétaires de ces comparateurs de prix sont toujours en procès et lui demandent des dizaines voire des centaines de millions d'euros d'indemnités. Pour autant, nous sommes en 2021, les comparateurs de prix ne vont pas être recréés et les indemnités que Google pourrait être amené à verser arriveront beaucoup trop tard.

Cet exemple illustre la question du temps. Il montre aussi que nous devons parvenir à mettre un terme aux méthodes des plateformes. Sur les droits voisins comme dans d'autres domaines, par exemple l'application du RGPD, les GAFA n'ont pas mis en place les règles demandées par la CNIL, en arguant que ce n'étaient les directives de la CNIL française qui s'imposaient à eux. Dans le même temps, tous les éditeurs se sont efforcés d'appliquer ces mêmes règles qui ont eu un impact très fort sur leur activité.

Nous n'avons pas réussi à casser cette méthode de passage en force qui s'est déjà appliquée sur le droit voisin. Puisque la définition du périmètre éligible au droit voisin n'est pas claire, Google a décidé que le périmètre était limité aux titres de presse écrite d'information générale et politique (IPG). Nous avons mis beaucoup de temps à expliquer à Google que ce n'était pas à lui de définir ce périmètre. Google considérait par exemple que le site d'information rtl.fr n'était pas un site de presse. C'est pourtant un site IPG, mais la plateforme refusait de le reconnaître comme éligible aux droits voisins, en mettant en avant qu'elle disposait d'une enveloppe pour la presse écrite et qu'elle ne voulait pas que ces sommes soient dispersées sur d'autres acteurs.

Nous avons collectivement l'occasion de remettre en cause cette technique de passage en force en assurant l'application ferme de cette loi. Quand ce passage en force devient un peu trop voyant, Google arrose le secteur en distribuant des subventions, comme il l'a fait avec le fonds news innovation. Parallèlement, si nous engageons des démarches juridiques, le temps joue contre nous, les procédures engagées en 2017 n'ayant toujours pas fait l'objet d'un jugement.

L'amende infligée par l'Autorité de la concurrence et dont le montant est considérable est efficace, mais elle le serait encore plus si elle était mise sous séquestre. Même pour des acteurs de taille mondiale, 500 millions d'euros n'est pas une somme négligeable. Nous sommes des acteurs français face à des acteurs mondiaux et les décisions se prennent, pour Google, à Mountain View. Pour arriver à faire bouger des organisations de cette envergure, le stimulus doit être suffisant pour que le siège s'interroge.

Nous avons l'opportunité, grâce à l'initiative française sur les droits voisins, de profiter de ce point de bascule qui embarque bien d'autres chantiers. Aujourd'hui, un acteur comme Apple prend des décisions qui peuvent sceller le sort d'une industrie, par exemple en changeant le mode de recueil du consentement sur ses téléphones. Il faut absolument que les acteurs de taille mondiale aient peur de recourir à ce type de passage en force.

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