Intervention de Christine Cloarec-Le Nabour

Réunion du mardi 5 décembre 2017 à 16h25
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaChristine Cloarec-Le Nabour, rapporteure pour avis de la commission des affaires sociales :

La commission des affaires sociales s'est saisie des articles 3 et 4 du projet de loi relatif à l'orientation et à la réussite des étudiants, qui proposent notamment de supprimer le régime de sécurité sociale dérogatoire des étudiants et d'instaurer une nouvelle contribution destinée à favoriser leur accompagnement social, sanitaire, culturel et sportif.

Mieux se soigner, telle est l'ambition affichée par l'un des volets du Plan Étudiants. Outre le financement et le renforcement des services de santé universitaires, la constitution de dix centres de santé supplémentaires et la création d'une conférence de prévention étudiante, il est ainsi proposé le rattachement des étudiants au régime général de la sécurité sociale.

Le régime de sécurité sociale étudiante a en effet montré ses limites au cours des dernières années. Les étudiants cotisaient 217 euros chaque année pour être affiliés au régime général obligatoire, alors même qu'ils n'étaient pas salariés, et sans que cela leur garantisse un accès effectif aux soins.

Plusieurs rapports se sont émus des difficultés rencontrées par les étudiants pour faire valoir leurs droits à la protection sociale. L'association UFC-Que choisir en 2012, puis le Défenseur des droits en 2015, ont recueilli des témoignages accablants : délais de remboursement pouvant atteindre une année, taux de décroché insuffisant, absence de réponse téléphonique aux réclamations dans la plupart des cas…

Pour ce qui est de l'accès aux droits, 26 % des étudiants ayant participé à l'appel à témoignage du Défenseur des droits ont indiqué avoir rencontré des difficultés pour s'affilier. La Cour des comptes a, pour sa part, effectué une mission entre 2012 et 2013 dont les conclusions, sans appel, faisaient état d'un service dégradé – en particulier à la LMDE, où un appel sur quatorze avait une chance d'aboutir – et d'un stock impressionnant de courriers non ouverts. Dans un autre registre, la Cour des comptes a également pointé des coûts de gestion supérieurs à la moyenne.

Bien que, depuis ces constats, des efforts aient été faits par les mutuelles, le régime apparaît bel et bien à bout de souffle. Créé dans le contexte historique particulier de l'après-guerre, il avait pour ambition de conforter l'autonomie des étudiants en créant une sécurité sociale qui leur soit propre. C'est pourquoi, en 1948, la gestion du régime obligatoire de l'assurance maladie a été déléguée à la MNEF – aujourd'hui LMDE –, chargée de gérer et liquider les prestations en nature des assurances maladie, maternité et invalidité. En 1972, cette mission de service public a été confiée à la dizaine de mutuelles régionales qu'on appelle les SMER.

En presque soixante-dix ans, le nombre d'étudiants a explosé, passant de 150 000 en 1948 à 2,5 millions en 2016. L'année passée, ce sont 1,8 million d'assurés que les mutuelles ont dû gérer, assurant 569 millions d'euros de remboursements. Il devient donc nécessaire de faire évoluer ce modèle hérité de l'après-guerre et de l'adapter.

Quelques avancées ont d'ores et déjà eu lieu, notamment avec la loi de financement de la sécurité sociale pour 2016, qui a introduit quelques évolutions. En premier lieu, l'instauration du principe de protection universelle maladie (PUMA) permet aux étudiants d'être considérés comme des assurés autonomes. En deuxième lieu, un décret a fixé les modalités d'organisation de ces délégations de gestion. Il est prévu qu'il pourra y être mis fin en cas de défaillance caractérisée de l'organisme délégataire.

Par ailleurs, face à d'importantes difficultés financières, la mutuelle LMDE a été mise sous sauvegarde judiciaire et a conclu un partenariat avec la Caisse nationale assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS) le 1er octobre 2015. Depuis, elle ne gère plus que l'accueil au guichet et les affiliations, et le service offert aux étudiants s'est notablement amélioré selon la CNAMTS et la direction de la sécurité sociale. Le taux de décroché s'élève désormais à 92 % et le délai moyen de remboursement pour les feuilles de soins électroniques est de six jours.

L'article 3 du projet de loi poursuit cette logique en mettant fin à la délégation de gestion du régime obligatoire d'assurance maladie des étudiants. Les mutuelles pourront continuer à proposer des prestations au titre de la couverture complémentaire et à mettre en oeuvre des actions de prévention. Les étudiants relèveront désormais du régime de leurs parents, et leurs conditions d'affiliation seront simplifiées : ils n'auront plus à s'inscrire à une mutuelle au début de chaque année universitaire – ce qui évitera les risques de rupture de droits – ni à opérer de transfert de régime à la fin de leurs études dans la grande majorité des situations.

Le calendrier proposé sera progressif, puisque seuls les nouveaux entrants bénéficieront du nouveau système dès la rentrée de 2018 ; les autres attendront celle de 2019.

Par ailleurs, la cotisation forfaitaire maladie de 217 euros dont ils devaient s'acquitter chaque année est supprimée.

Le texte prévoit des garanties pour le personnel des mutuelles étudiantes régionales – les mêmes proposées en 2015 pour le personnel de la LMDE, à savoir une bonne intégration sociale, des propositions d'affectation correspondant au niveau de qualification, et l'absence de mobilité géographique subie. Ce sont 436 personnes, représentant 424 équivalents temps plein, qui avaient ainsi été transférées dans 56 organismes du régime général, sans difficulté majeure. Enfin il est également prévu le versement éventuel d'une indemnité aux mutuelles pour préjudice anormal et spécial.

Tenant compte du fait que les étudiants restent une population spécifique, particulièrement en matière de prévention, le texte consolide les actions de prévention menées par l'assurance maladie à destination de la jeunesse. Une ligne sera dédiée à ces actions au sein du Fonds national de prévention, d'éducation et d'information sanitaire (FNPEIS) de la CNAMTS pour les jeunes de 16 à 23 ans.

Le Plan Étudiants complète ce dispositif législatif en créant une conférence de prévention chargée de recenser les actions prioritaires et de suivre l'état de santé des étudiants. Elle associera des étudiants, des représentants de l'université et de l'assurance maladie.

La médecine préventive n'est pas oubliée, puisqu'une nouvelle contribution « vie étudiante » prévue par l'article 4 permettra de renforcer les services universitaires de médecine préventive et notamment leur dispositif d'« étudiant relais santé » qui permet des actions de prévention par les pairs. Ces services seront incités à se transformer en centres de santé.

Telles sont les principales évolutions proposées par ce texte, qui ne pourront que contribuer à améliorer la couverture santé des étudiants, à simplifier leurs démarches administratives et, plus largement, à améliorer leurs conditions de vie.

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