Intervention de Jean-Jacques Renard

Réunion du mardi 21 janvier 2020 à 19h05
Mission d'information sur l'évaluation de la concrétisation des lois

Jean-Jacques Renard, vice-président de la CDAFAL 75 :

L'école est un sujet très intéressant du point de vue de la concrétisation des lois. C'est une sorte de micro‑société dans laquelle les règles qui s'appliquent sont assez éloignées de celles qui prévalent dans la société. Il y a par exemple des élèves majeurs qui sont pourtant soumis à un autre statut que celui des adultes de l'établissement. Deux axes me semblent intéressants à développer.

Le premier concerne les réformes de l'éducation, qui donnent lieu à une forme de frénésie. À sa prise de fonctions, l'actuel ministre a dit : « il faut arrêter de tout changer tout le temps. Je ne serai pas le ministre qui mettra son nom en bas d'une loi. » Mais comme l'a noté l'historien des sciences de l'éducation Claude Lelièvre, nous n'avons jamais eu un ministre qui ait autant introduit de changements, de la maternelle à l'accès à l'enseignement supérieur. À peine arrivé, il remettait en cause la réforme du collège qui venait d'être décidée, ainsi que les rythmes scolaires. Il y a ensuite eu la réforme du bac. La loi du 26 juillet 2019 pour une école de la confiance ne nécessite un examen au Parlement que parce qu'elle a baissé l'âge de la scolarisation obligatoire à trois ans. Toutes les autres réformes très importantes, notamment celles du bac et du lycée, se sont passées hors du champ législatif. Cela peut poser un problème d'appropriation : lorsqu'il n'y a pas de débat parlementaire, il est encore plus difficile d'engager un débat dans la société.

En perspective, j'évoquerai le rythme infernal du quinquennat. Dans un domaine comme l'éducation, comment peut-on faire rentrer une réforme dans un quinquennat ? C'est une difficulté que rencontre l'actuelle réforme du bac et du lycée. La présente mandature s'achèvera au printemps 2022. Le compte à rebours est implacable : le nouveau bac devait être prêt pour 2021, donc à la rentrée 2020 pour la terminale, à la rentrée 2019 pour les premières et à la rentrée 2018 pour les secondes, avec une élection présidentielle qui a eu lieu en 2017. La mise en place précipitée de cette réforme a privé les secondes des dispositions particulières que la loi prévoit pour ce niveau, faisant des élèves de cette classe une génération sacrifiée. Dans le corps enseignant, ces réformes incessantes créent une perte de sens.

Le second axe porte sur la façon dont la direction, les professeurs et les parents s'approprient le règlement des établissements. Le décret du 28 juillet 2006 qui établit le statut des parents d'élèves est rarement appliqué. Ce décret prévoit notamment que l'horaire des réunions doit être compatible avec les activités professionnelles des parents. On piétine allègrement cette obligation.

J'ai siégé pendant 6 ans à la commission académique d'appel disciplinaire, où les textes sont très précis. Pas un seul dossier n'est intégralement conforme aux textes qui régissent les conseils de discipline. Dans le collège de mes enfants, sur la feuille d'émargement, il y avait le nom de Mme Kosciusko-Morizet, parce qu'elle était représentante du département dans le conseil d'administration. Mais les élus des collectivités territoriales ne siègent pas aux conseils de discipline.

Dans les établissements scolaires, on a tendance à oublier que les règles de droit générales s'appliquent. Personne ne connaît la convention des droits de l'enfant. Il y a également des droits fondamentaux comme l'absence de double peine. Finalement, la commission d'appel disciplinaire a décidé de ne pas traiter les vices de forme. Si elle le faisait, tous les dossiers seraient recalés. Elle considère, comme la décision que prend le recteur à la suite de son avis, que tous ces vices sont apurés. Une famille qui anticipe l'annulation d'une sanction contestée du fait de tels vices de forme ne peut qu'en tirer un grand sentiment d'injustice. Il en résulte que le système scolaire est un endroit où l'on doit avoir une grande connaissance de toutes les procédures. Ceux qui réussissent le mieux sont encore les enfants d'enseignants, parce qu'ils connaissent le système. Il y a en réalité une école à deux vitesses : ceux qui peuvent s'approprier les lois et ceux qui n'ont pas les moyens d'aller dans le « maquis » de cette Éducation nationale.

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