Intervention de Gilles Lurton

Séance en hémicycle du mercredi 19 juillet 2017 à 15h00
Modernisation du système de santé – profession de physicien médical et qualifications professionnelles dans le domaine de la santé – fonctionnement des ordres des professions de santé — Discussion générale commune

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGilles Lurton :

Nous examinons cet après-midi trois projets de loi de ratification d'ordonnances prises en vertu d'une habilitation prévue par la loi de modernisation de notre système de santé, présentée au Parlement par votre prédécesseur, madame la ministre.

Les professions médicales – faut-il le rappeler ? – , s'étaient unanimement opposées à cette loi, notamment en ce qui concerne la généralisation du tiers payant. Je faisais alors partie de ceux qui ont combattu cette loi, et la combattent toujours. Je serai donc particulièrement vigilant, madame la ministre, aux résultats du rapport que vous venez de demander à l'IGAS – l'Inspection générale des affaires sociales – à propos de la faisabilité technique du projet.

Revenons-en aux ordonnances dont nous sommes saisis aujourd'hui, et qui ne représentent qu'une partie de cette loi. Le premier projet de loi vise à ratifier l'ordonnance de mise en cohérence des textes avec la loi santé n'appelle pas de ma part d'observations particulières. J'appuie simplement les propos tenus par mon collègue Jean-Pierre Door à propos de l'inégalité causée par les dispositions de cette ordonnance concernant les dépassements d'honoraires, lesquels sont autorisés dans les hôpitaux publics mais pas dans les hôpitaux privés.

Madame la ministre, vous nous avez dit hier, en commission des affaires sociales, que vous ne souhaitez pas opposer le secteur privé au secteur public, mais au contraire tirer parti de ce que chacun d'eux fait le mieux : je pense que vous avez raison. Le passé est le passé. Force est tout de même de constater que les dispositions de cette première ordonnance ne sont pas tout à fait conformes à vos propos.

Le deuxième projet de loi, qui tend à ratifier l'ordonnance relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles dans le domaine de la santé, appelle en revanche plusieurs observations de ma part. Je note tout d'abord qu'une fois encore, tous les ordres professionnels s'opposent à ce texte, comme c'était le cas lors de l'examen de la loi santé en 2015. Sur le fond, l'ordonnance autorisera un accès partiel pour les professionnels de santé des pays de l'Union européenne aux professions de santé en France. Concrètement, qu'est-ce que cela signifie ? Tout simplement qu'un infirmier d'un pays de l'Union européenne pourra pratiquer une partie seulement des actes qu'un infirmier français réaliserait. Je vous laisse imaginer les problèmes d'organisation et de management que cela risque de poser dans les unités hospitalières, car les parcours de soins attribuent un rôle plein et entier à chacune des professions de santé.

Je m'interroge d'ailleurs, madame Toutut-Picard, sur le sens de la réponse que vous m'avez donnée en commission sur ce sujet. Certes, j'ai bien compris la complexité du parcours administratif à accomplir par ces professionnels de santé des autres pays de l'Union européenne pour obtenir le droit de pratiquer dans nos établissements. Vous nous avez assuré que l'étude au cas par cas de chaque dossier de demande de ces ressortissants empêchera une arrivée massive de professionnels de santé, et évitera un bouleversement trop important du fonctionnement de nos institutions.

Mais nous sommes forcés de constater que cette procédure est déjà utilisée par des professionnels de santé européens pour formuler toutes leurs demandes d'autorisation d'exercice en France. J'ajoute que, les dossiers étant étudiés au niveau régional, de nombreuses disparités entre régions apparaissent dans l'exercice des contrôles et dans les taux d'admission. Pour les masseurs-kinésithérapeutes, par exemple, près de 2 000 demandes sont acceptées chaque année, ce qui représente la moitié des nouveaux masseurs-kinésithérapeutes, pour seulement 600 demandes rejetées. Si l'accès partiel est autorisé dans de telles proportions, et compte tenu des disparités qui existent déjà, nous pouvons nous interroger sur les effets concrets de l'application de cette mesure sur le terrain.

Sur la forme, je comprends parfaitement qu'il est nécessaire de poursuivre les travaux entamés par le précédent gouvernement quant aux conditions dans lesquelles notre pays doit transposer la directive sur les qualifications professionnelles dans le domaine de la santé. Mais pourquoi – plusieurs orateurs ont déjà posé cette question – ne pas nous inspirer de la position beaucoup plus prudente de l'Allemagne, qui a choisi de transposer la directive non par un régime d'autorisation encadré, mais par un régime d'interdiction avec dérogations ? Je demanderai tout à l'heure, au moyen d'un amendement, un rapport sur la manière dont les autres pays de l'Union européenne ont transposé cette directive.

Le troisième projet de loi, qui vise à ratifier l'ordonnance relative au fonctionnement des ordres des professions de santé, a également été sujet à débats au cours de son examen par la commission. Je continue de penser que ce n'est pas à une ordonnance de définir l'évolution des compétences des ordres ou de déterminer la modification de leur composition. C'était déjà la position de mon groupe, Les Républicains, à l'automne 2015, lors de l'examen du projet de loi de modernisation de notre système de santé, et cela reste notre position aujourd'hui.

Je regrette une nouvelle fois que l'absence de concertation ait prévalu lors de l'élaboration de cette ordonnance. Je vous remercie, monsieur le rapporteur, d'avoir bien voulu reconnaître que les ordres n'ont pas été impliqués dans l'élaboration de ce texte, et de les avoir reçus a posteriori pour prendre en compte leurs observations.

Cela étant, mon incompréhension reste entière car, bien que le fonctionnement des ordres professionnels ait été réformé par deux ordonnances distinctes, le Gouvernement ne présente à la ratification qu'une seule d'entre elles.

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