Intervention de Patrick Simon

Réunion du mardi 21 juillet 2020 à 17h00
Mission d'information sur l'émergence et l'évolution des différentes formes de racisme et les réponses à y apporter

Patrick Simon, sociodémographe, directeur de recherche à l'Institut national d'études démographiques et responsable du département Integer (Intégration et discriminations) à l'Institut des migrations :

La corrélation est peut-être vraie en ce qui concerne les infractions au droit au séjour, mais on peut discuter du fait que, dans les Eurostar, on demande systématiquement leurs papiers aux deux personnes noires à bord et à personne d'autre. L'effet est redoutable.

On pourrait imaginer des méthodes un peu plus sophistiquées – par exemple, demander leurs papiers aux deux personnes noires et à treize autres prises au hasard. Cela demanderait plus de temps, mais on pourrait ainsi respecter l'idée qu'il faut un traitement égalitaire des passagers d'un train.

Si l'objectif est de maximiser la probabilité de trouver quelqu'un qui est en infraction, il peut y avoir une justification des pratiques actuelles, mais au regard des principes d'égalité et de dignité des personnes, ce n'est pas bien. Il faut mettre en relation ces objectifs, qui sont légitimes. Il n'y a pas de raison de faire toujours primer le premier d'entre eux.

Je ne suis pas sûr, par ailleurs, que les contrôles des jeunes hommes d'origine maghrébine et africaine dans les quartiers populaires soient aussi légitimes, y compris du point de vue des objectifs poursuivis par l'institution policière.

C'est vraiment un sujet auquel il faut réfléchir. Ce mode d'intervention des forces de l'ordre conduit nécessairement à des contrôles « au faciès », ce qui est problématique. On peut considérer qu'il s'agit d'une forme de racisme institutionnel, non pas en raison d'une idéologie raciste mais parce que les pratiques ciblent indéniablement, d'une manière systématique, des personnes en fonction de leurs origines ethniques ou raciales, ce qui produit des effets très forts, d'autant que la manière d'intervenir est rarement très bienveillante.

Un autre exemple de racisme institutionnel est la pratique des opérateurs du logement social en matière de « mixité sociale », qui est une forme d'euphémisation de la mixité ethno-raciale. On gère ethniquement les demandeurs de logement : on les répartit d'une façon plus ou moins subtile. Dans les faits, on envoie les gens dans certains quartiers et dans certains parcs d'habitat social pour lesquels on considère qu'il est déjà trop tard – on met donc tout le monde là – et on évite ailleurs une concentration ou une visibilité de locataires d'origine maghrébine ou africaine qui pourrait modifier la perception de la qualité de l'habitat, de l'environnement, et faire partir des gens venant des classes moyennes. Cette politique est complètement assumée et parfois même justifiée par des articles de loi – même s'ils ne disent jamais qu'il faut gérer l'attribution des logements en fonction de l'origine des demandeurs, ils laissent cette possibilité ouverte, derrière des objectifs de mixité sociale. Je suis désolé de le dire, mais on peut parler de racisme institutionnel. Ce sont en tout cas, d'une manière indéniable, des discriminations institutionnelles.

On peut aussi s'interroger sur l'éducation nationale dans certains cas, comme l'orientation par filières. Le critère de l'origine des élèves est-il complètement absent dans les décisions d'orientation vers les lycées professionnels ?

C'est l'institution qui produit les résultats dont nous sommes en train de parler et non des personnes, individuellement, car l'institution ne s'est jamais interrogée, s'agissant de son mode de fonctionnement, sur les effets potentiels de la question de l'origine.

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