Intervention de Patrick Simon

Réunion du mardi 21 juillet 2020 à 17h00
Mission d'information sur l'émergence et l'évolution des différentes formes de racisme et les réponses à y apporter

Patrick Simon, sociodémographe, directeur de recherche à l'Institut national d'études démographiques et responsable du département Integer (Intégration et discriminations) à l'Institut des migrations :

Il est très important qu'il y ait des décisions politiques. Tout est bloqué en leur absence, depuis une vingtaine d'années, en ce qui concerne la lutte contre les discriminations. Il y a un sujet que le pouvoir politique doit traiter, même si ce n'est pas évident : s'il existe un certain consensus autour de l'idée qu'il est très important de sanctionner les personnes racistes, la politique de lutte contre les discriminations, contre le racisme dans ses manifestations plus concrètes, ordinaires ou quotidiennes, en particulier l'accès à certaines positions, à des privilèges et à des ressources, est plus problématique : ce que les uns n'ont pas, les autres l'ont. Il est beaucoup moins consensuel de mener des politiques qui redistribuent les cartes en donnant des points d'avancement à des personnes jusque-là désavantagées. Tout le monde comprend bien que cela peut se traduire par des difficultés pour ceux qui bénéficiaient d'avantages, même s'ils n'avaient pas souhaité les avoir.

On l'a vu, dans le domaine politique, avec la parité. S'il y a plus de femmes candidates à des postes auparavant occupés par des hommes, cela signifie des hommes en moins, et ces derniers ont réagi d'une façon plus ou moins bienveillante. Il n'y a pas que des gagnants : des gens auront moins si on donne plus à ceux qui avaient des désavantages jusque-là. Ces politiques nécessitent donc de faire preuve d'une grande subtilité. Lors des débats autour de la « France périphérique », il y a eu toute une rhétorique visant à dire qu'on en fait trop pour les minorités et pas assez pour les fractions paupérisées de la population française. On a essayé de jouer les uns contre les autres.

Dans le contexte actuel, une politique qui afficherait d'une façon très forte la volonté de lutter contre les discriminations dont sont victimes des minorités ethno-raciales recevrait probablement une forme de blâme de la part d'une partie de l'opinion et des forces politiques. Mon but n'est pas de dire qu'il ne faut pas agir en ce sens mais qu'il y a tout un travail à mener sur la façon de présenter politiquement un renforcement – qui est nécessaire – de la lutte contre les discriminations, d'en faire un projet de société collectif. Plus le temps passe, plus c'est compliqué. Il serait vraiment temps de prendre la mesure de cette question.

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