Intervention de Daniel Sabbagh

Réunion du mardi 21 juillet 2020 à 17h00
Mission d'information sur l'émergence et l'évolution des différentes formes de racisme et les réponses à y apporter

Daniel Sabbagh, politologue, directeur de recherche au Centre de recherches internationales de Sciences Po :

Il y a des cas où des systèmes de classification statistique existaient bien avant que des politiques de lutte contre les discriminations soient mises en place, comme aux États-Unis d'Amérique. Les personnes y sont classées racialement, dans le cadre du recensement, depuis 1790. À cette époque, il n'était évidemment pas question de conduire des politiques publiques visant à lutter contre les discriminations raciales – bien au contraire. Dans certains cas, le système de classification a d'abord été utilisé à des fins de discrimination, puis il a été mis au service d'un objectif égalitaire.

Le Royaume-Uni constitue un autre cas de figure. Il n'y avait pas, dans ce pays, de système de classification raciale des personnes par les pouvoirs publics, en tout cas en métropole, avant 1991. Un tel système a alors été créé, après une première tentative infructueuse, dans l'objectif spécifique de permettre l'application d'une législation antidiscriminatoire.

La classification raciale a eu des effets extrêmement complexes tout au long de l'histoire américaine. Le Royaume-Uni, qui se trouvait dans une situation très proche de celle de la France avant 1991, a-t-il connu une guerre civile, une dérive ou une polarisation extraordinairement forte de la société en conséquence de l'adoption d'un système de classification raciale ? Il ne me semble pas que ce soit le cas. Des signes problématiques étaient apparus auparavant : les émeutes interethniques datent plutôt du milieu des années 1980, avant l'institution du dispositif de monitoring. Il ne me semble pas qu'on puisse établir d'une manière claire un lien entre l'instauration du système de classification raciale, ou ethnique, dans le cadre du recensement mené au Royaume-Uni, et des problèmes ultérieurs.

J'aurais du mal à trouver un exemple de pays où la mise en place d'un dispositif de classification ethno-raciale, par les pouvoirs publics, aurait conduit à un effet négatif très clairement identifié. Je ne vois pas d'évolution de ce type au Royaume-Uni. Quant aux États-Unis, la classification raciale avait une légitimité qui n'était mise en cause par personne.

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